Difficile de vraiment savoir quoi en penser. D'un côté je lui jette mon dévolu pour son caractère irrévérencieux, sa réalisation intimiste contrastant avec le « m'as-tu vu » des thèmes abordés. D'un autre, je ne peux m'empêcher de me dire que c'est trop. Trop en dire, trop en faire, pour amener des sujets importants tels que l'appartenance sexuelle, la déontologie, la bioéthique, en lien aux progrès scientifiques...

Impossible de croire au vraisemblable, et pourtant... C'est prenant, dérangeant, haletant, trépignant. Tirant ostensiblement sur la corde du voyeurisme, on est honteux de prendre du plaisir à regarder des scènes filmées au premier degré, si ce n'est au degré zéro.
Jeu avec les bonnes moeurs, évidemment, mais surtout avec le point de rupture du spectateur, en flirtant avec ses limites intrinsèques, posant la distance entre les valeurs qu'on lui a inculquées depuis sa naissance et son apprentissage de la fiction. Jusqu'où le spectateur tiendra-t-il le pari de la séance sans rejeter en bloc ce salmigondis de mises en scène de l'humain viles au bord du « trashisant », résolument tabous, inavouables et condamnées ?

Quelles sont les limites morales du cinéma ? Le beau peut-il gommer le profondément abject, en matière de fiction comme de réalité ? Est-il possible de tout permettre par pure fiction ? Où mène, à long terme, l'émancipation totale de l'être intime, dépourvu de culpabilité ? Des questions orientées, réactionnaires, conservatrices, mais bien soulevées par le film, qui porte assurément en lui les germes de cette réflexion.

Instigateur de pensée de par son concept vicieux de tous bords, il pousse le vice au point de calquer la psychologie du personnage dans les têtes pour que chacun continue sa propre histoire. La femme serait l'égale de l'homme, en tout point ? Un juste retour des choses, après une hyper-sexualisation du beau sexe ? Le tout-érotisé retourné, inversé, et détourné pour le mettre au service du malsain ? Un film qui fait envie, qui ne tempère pas les bas-instincts, qui les exacerbe un instant mais les met définitivement sous un nouveau jour pour reconnaître les tripes de l'Homme ; qui comme on peut s'en douter, ne sont pas bien belles à voir...

En rendant l'insoutenable visible et esthétique, Almodovar s'octroie le statut de chirurgien du Septième Art, décortiquant ses entrailles pour recréer un monde imaginaire en vase clos, sans lois et sans droit de regard sur un quelconque héritage social.
J'ai oublié l'Almodovar de Volver, je préfère y voir un nouveau réalisateur, même si je me trompe. Au référendum, je penche finalement pour un oui mâtiné de doutes reportés.
Adrast
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le 28 sept. 2011

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