« Mais qu'importe puisque j'ai ta main. »

Il y a des films qui ne sont pas vraiment des films. Bien sûr, c'est un objet tellement bien maîtrisé de bout en bout qu'il est difficile de ne pas le considérer comme un chef d'oeuvre, mais c'est avant tout, pour moi, une ode à la vie et un superbe pied de nez à la fatalité qui peut nous morfondre parfois. James Stewart a déclaré que c'était son film préféré dans tous ceux auxquels il avait participé, et une fois l'aventure terminée, on peut comprendre pourquoi. Cet univers, un des plus grands décors de l'histoire du cinéma (une ville entière créée pour l'occasion), est on ne peut plus réel et palpable. Il montre à quel point la vie est belle quand on arrive à en saisir toute l'étendue. La morale n'est pas de se trouver une place, mais plutôt de trouver une place aux autres car ce sont les autres qui nous façonnent. C'est tout l'antagonisme sur lequel joue le film perpétuellement. La veille de noël, alors que cet homme qui se méprise semble avoir tout perdu, on lui donne un petit coup de pouce. La petite lueur nécessaire pour sortir de l'obscurité. Et parfois, la lumière est assez enchanteresse pour exacerber les petits riens de son existence. Parfois, elle permet de se rendre compte de tout le bien que l'on a fait autour de soi.


A Bedford Falls, George reçoit l'aide, juste avant son suicide, d'un ange qui va lui faire prendre conscience de tout ce qu'il laisse derrière lui. Si cet être de lumière est attendri, il n'en reste pas moins un vieux briscard qui a besoin de lui pour récupérer ses ailes. Un besoin viscéral pour les deux de s'affranchir. L'un s'est fait couper les ailes, l'autre cherche à en acquérir. Le film retrace la vie de ce petit banquier qui se sacrifie pour ses amis, éternel utopiste qui rêve le monde et qui voulait le conquérir. Il se bat contre l'injustice, contre le capitalisme déshumanisant, contre ses propres démons aussi. C'est l'apologie de l'humanisme face à ces grands trésoriers qui traitent les gens comme du bétail, c'est la fraîcheur contre l'amoralité, l'authenticité contre les manigances. Sauf que ce qui pourrait s'apparenter à un manichéisme primaire n'en est pas. C'est au-dessus, tout le temps. La vie est belle n'épargne certes pas le cliché du bien contre du mal dans sa construction, mais arrive à passer outre dans les fondements mêmes du personnage principal, véritable réservoir de doutes, et de valeurs aussi. Un magnifique James Stewart, rempli de joies en tout genre et de contradictions, à l'image d'une scène qui résume son personnage : Je veux être libre, dit-il, avant de le voir débarouler avec sa femme, Mary, devant l'église, tout juste marié. Et si sa liberté, c'était d'être heureux ?


Là où La vie est belle est prodigieux, c'est qu'il mélange à la fois une photographie empreinte de beaucoup de charme - certaines scènes me rappellent Tout ce que le ciel permet (1955), des personnages hauts en couleur, des dialogues mordants - une bonne habitude chez Capra mais aussi une propension à fabriquer la bravoure et la persévérance à travers George avec toujours comme ligne directrice l'humilité - je pense de suite à La foule (1928) de King Vidor. Si James Stewart me fait fondre par son magnétisme jouissif et sa prestance singulière, Donna Reed n'est pas en reste et apparaît comme le régulateur d'un héros survolté. Elle remplit son rôle pleinement.


Il faut voir ce film. Ce n'est pas le rêve américain, c'est la volonté des grands hommes, ceux qui illuminent les cœurs des gens avant le leur. C'est l'esprit de noël, pardi !

EvyNadler

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