Heureuse avec ton peintre ? Non ! Il m’en fait voir de toutes les couleurs

Heureuse avec ton peintre ? Non ! Il m’en fait voir de toutes les couleurs

Ça s'annonçait mal : je n'aime pas les films à sketches qui sentent le manque d'imagination. ou qui dans les téléfilms foireux, permettent de vous injecter de la pub intrusive à gogo tout ayant pour effet nocif de vous faire vomir les produits encensés... Çà permet aussi comme ici de vous mettre un casting aussi long qu'un Bottin mondain, alors alors que certains comédiens de renom n'ont pas le temps de démontrer tous leurs talents... Quelle distribution remarquable quand même : jusqu'à des sociétaires ou pensionnaires de la Comédie Française...

Ce genre de films sent souvent l' "à peu près" et beaucoup la médiocrité, voir l'incapacité du réalisateur, parfois à finir sa réalisation.

Même sous couvert des contes de Maupassant ou autres alibis valorisants, je ne crierai donc pas au miracle après avoir vu cette projection peu palpitante mais romantique et un peu poétique, mais éphémère. Ce n'est pas long : 95 mn, ..

Seul le résultat compte mais ici après la projection, je me suis senti frustré, "expédié" d'autant que les trois œuvres sont d'inégales intérêts..

Elles avaient pourtant rassemblé 1 216 723 spectateurs en 1952...Résultat estimable aujourd'hui, mais très moyen en 1952... Songez que Don Camillo avait fait presque autant d'entrées que "Bienvenue chez les ch'tis" (près de treize millions) et que trente-neuf films cumulaient cette année-là plus de deux millions d'entrées reléguant ce plaisir bien loin... L'ennemie : la télé, n'était qu'embryonnaire et la pub absente... Heureuse époque !

Mon préjugé était d'autant plus réservé qu'on avait usé de trucs pour racoler le chaland : affiches coquines (il semblerait qu'il y en ait eu plusieurs) et titre de camelot ... Le mot "plaisir" suggère en effet le rêve, plein de choses émotionnelles et l'amour, mais ce film est aussi pudibond que ceux made in US à l'époque. Aucun érotisme, aucune émotion sexuelle : des nonnes de couvent pourraient le voir sans commettre de péchés véniels... D'ailleurs on assiste sans l'avoir sollicité à une messe... Amen.

Vous aurez donc droit successivement "au masque" : un vieux schnock qui se réfugie derrière un masque et qui s'évanouit sur la piste de danse du palais du même nom et n'arrivant pas à suivre les jeunettes en bien meilleure forme physique.

Puis "La maison Tellier" dont les clients sont dépités de voir le lupanar fermé : ses professionnelles du sexe sont parties en train fêter la communion religieuse d'une jeune fille de la famille d'une collègue...

Enfin, "Le modèle" dont un peintre tombe sous le charme d'une jolie jeune femme qui lui cède mais l'artiste ne veut pas la traîner toute sa vie... Elle va se défenestrer...

Ce dernier avait remplacé in-fine "la femme de Paul" pour cause de budget...

Rien de bien méchant et en tout cas à des années-lumière du plaisir coquin que laissait présager

l'accroche...

Ce qui me rappelle celles des foires aux manèges où certains stands (désormais interdits) promettaient des exhibitions sournoises dans leurs enceintes. A la manière d'une de mes amis ayant commandé pour pas très cher, un produit qui permettait à un homme de voir son pénis grossir à vue d’œil, et ce d'une manière permanente, durable et pérenne. Il avait reçu une loupe...

Un trait d'humour avec un des seconds rôles s'exclamant à une table de convives que sa fille aînée qui va sur ses dix-sept ans, lui avait rapportée de retour d'une balade en forêt des cèpes et qui s'entendit répondre : "Des cèpes, à cette période ci ? Ta fille, on ne sait pas où elle va mais elle y va bien"...

Bref, aux scénarios et dialogues, Jacques Natanson n'a pas dû passer des nuits blanches dans le créatif.... Les prises de vues sont remarquables à la sauce Ophüls et certaines spécifiques au réalisateur qui n'hésitait pas à faire des films "coulés", sans heurts, et usait et abusait des travellings, des grues... Il aurait apprécié les drones !

Les scènes ont du reste été pour la plupart enregistrées en studios, avec quelques escapades en Normandie, et dans le Calvados pour la communion solennelle.

Les amateurs d'archéologie ferroviaire découvriront avec bonheur un train tracté par une ancienne machine à vapeur et voitures et wagons de la compagnie de l'Ouest... Mais sans plaque de queue ce qui était lourdement punissable pour le cheminot l'ayant oubliée, et compromettant la sécurité des voyageurs...

On appréciera aussi ne pas avoir dû subir trop de huis-clos, avec des séquences oxygénantes évoquant les guinguettes au bord de l'eau, et un taxi improvisé pour les belles de nuit : des chaises sur une charrette à foin tractée par un blanc cheval ! Le chauffeur (Jean Gabin) ne risquait pas de perte de points pour excès de vitesse... Tout ça est bon enfant mais peu passionnant. On découvrira néanmoins l'ambiance et les mœurs de l'époque de nos lointains aïeuls...

Max Ophuls (1902-1957) a réalisé 23 films de 1931 à 1955 et avait été très apprécié de Tavernier, Demy, et même Kubrick pour lequel il a été une source d'inspiration... Hélas, décédé trop jeune de problèmes cardiaques...

Tous renseignements complémentaires sont les bienvenus !

Arte le 19.12.2023

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le 21 déc. 2023

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