Il est assez merveilleux de voir que Magnolia est une sorte d’OFNI du drame, et de part l’étendue des portraits qu’il dresse, une sorte d’illustration de la vie en général, comme le sous entendait l’introduction très axée sur des coïncidences tellement fortes qu’elles en deviennent suspectes… Ces coïncidences, dans les portraits qui forment le film, interviennent essentiellement sous la forme de « connexions » fugaces entre les différents personnages, le temps de regarder au même moment un show télévisé, ou de chanter sur une même musique passant à la radio (la plus belle séquence du film, très cinématographique, et d’une pertinence qui donne les larmes aux yeux). Pourtant, les personnages, plutôt éclatés à la base, se répartissent dans environ deux groupes. Il y a celui de la famille (avec le père mourant, la belle mère dépressive, l’infirmier de garde et le fils révolté) et celui du show télévisé, avec un ancien gagnant au bout du rouleau, un gamin savant et son père tyrannique, le présentateur à l’agonie, sa femme et sa fille junkie. L’électron libre du film est en quelque sorte le policier, qui suit son histoire en rencontrant plusieurs personnages différents. Autant dire qu’avec autant de personnages différents, avec autant d’enjeux personnels et de problèmes personnels, Magnolia est un film impossible à résumer. Il se vit, complètement, soignant chacun de ses personnages et collant au plus près de ses réactions, de leurs sensations. La diversité permet ici de s’identifier à certains, ou d’en apprécier d’autre pour l’état d’esprit qu’il illustre (personne n’est pareil). Autant dire que le film regorge de performances d’acteurs, avec un casting tout simplement éblouissant. A titre personnel, mes personnages préférés sont Donnie et Jack. Donnie pour l’intégralité de son caractère, maladroit, enfantin dans sa conception des rapports humains, mais d’une sincérité frappante et d’un soupçon d’éloquence qui sort heureusement au bon moment (la conversation de bar, où il alterne entre amertume et désir de s’affirmer enfin). William H. Macy le campe avec un talent magnifique (et l’ironie qui entoure son personnage est réjouissante, notamment pour l’appareil dentaire). Jack, le personnage de Tom Cruise, est quant à lui magistral dans son exploitation sommaire des angoisses masculines naturelles, à savoir l’autre sexe. Sa vision ultra machiste est un régal de testostérone primaire qui réaffirme son mépris de la gente féminine à chaque nouvelle intervention. On comprend immédiatement où veut en venir ce portrait, à savoir comment un tel personnage a pu se façonner, et frapper évidemment là où le bas blesse. Autant dire que nous tenons là peut être la meilleure performance de Tom Cruise en terme d’intensité dramatique, autant dans sa dégaine de prédateur que dans son chamboulement intérieur. Un personnage de cette trempe, c’est rare dans une carrière, et ici, la performance est inoubliable. En termes d’intensité émotionnelle, on pourra aussi relever la romance entre le flic solitaire et la junkie dépressive, une merveille de sincérité qui culmine avec la scène du repas dont la sincérité est éblouissante (encore une fois, décidément, c’est un film à regarder avec des lunettes de soleil). Parfaite combinaison de ce qui fait la force du grand cinéma (avec un peu d’humour en prime, et une bande originale parfaite), Magnolia est un chef d’œuvre intégral, que la virtuosité n’étouffe jamais (à condition évidemment de pouvoir la supporter). A l’exception de quelques scènes intenses qui sont découpées et qui perdent un peu en intensité (notamment pendant le face à face entre Jack et son père, coupée par soucis de ménager le rythme des autres histoires), c’est un pavé magistral, un OFNI éblouissant qui ne cherche pas l’épate philosophico-visuelle, mais bien l’authenticité des portraits. On en reste rêveur…
Voracinéphile
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le 29 sept. 2013

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Voracinéphile

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