Cette critique dévoile des éléments de l’intrigue de Midsommar.


Si le drame est un genre extrêmement basique au Cinéma (à bien y réfléchir, tout film est dramatique) la tragédie au Cinéma n'est paradoxalement pas si courante. Le film de fin du monde est peut-être ce qui s'en rapproche le plus, du 4h44, dernier jour sur Terre d'Abel Ferrara (2011) au Melancholia de Lars von Trier (2011) en cela qu'il tient de la tragédie une caractéristique fondamentale : nous, spectateur, sommes au courant que peu importe ce qu'il va se passer dans l'œuvre que nous regardons, ça ne finira pas bien. Ça ne peut pas finir bien.


En termes de tragédie, Midsommar, dernier film en date du jeune prodige Ari Aster, partage avec Melancholia un goût pour le fatalisme particulièrement prononcé, les deux films démarrant symboliquement sur la fin. La fin du monde dans l’hypnotisante séquence d'ouverture du film de Lars Von Trier et la fin d'un monde dans Midsommar, avec un panneau introductif (une fresque païenne) qui spoile intégralement le film. Ce monde, c’est celui de son protagoniste : Dani (l’incroyable Florence Pugh). À travers Midsommar, Aster observe la lente désagrégation d'un être en proie à une souffrance absolument intarissable, à savoir la mort aussi violente qu'inexplicable de sa famille. C'est le parcours cathartique d'une femme en pleine libération qui, pour sortir de son deuil, doit se libérer du monde, son monde. Ce monde représenté par Christian, son petit ami qui ne se garde de la quitter que par pitié. Christian qui ne peut d'ailleurs pas espérer s'en sortir vu la symbolique de son nom, annonce fatale de son destin dans le havre païen Suédois sans nuit où les protagonistes du film vont (évidemment) connaître chacun leur tour un sort funeste. L’intelligence de Midsommar réside dans le propos de son réalisateur, qui explore la psyché instable de son personnage principal. Visions horrifiques, visages mutilés apparaissant dans les arbres, auquel s’ajoutent les breuvages en tout genre que les joyeux païens font boire aux personnages à longueur de film… Midsommar se place comme une extension de l’état mental de Dani plus que comme un film ésotérique que certains compareraient au Cinéma de Michelangelo Antonioni. Mais Midsommar n’est pas une errance, c’est une tragédie minutieusement calculée que rien ne peut arrêter et que tout prédit, en témoigne les nombreuses fresques qui entourent les personnages en montrant leurs sorts, que l’on retrouve tout au long du film.


James Gray expliquait à propos de Twin Peaks : Fire Walk With Me (David Lynch, 1992) dans le podcast The Cinephilliacs : « Je n’ai jamais vu de film réalisé au cours de ces 30 dernières années (…), en Amérique, qui nous demande donc de comprendre et d’être à la place d’une personne qui souffre si profondément. C’est une affaire de beauté. » C’est bien de cela dont parle au fond Midsommar, la libération de la souffrance par la souffrance d’une femme au bord du gouffre et son long et inévitable chemin de croix vers la beauté d’une délivrance. Un parallèle entre la souffrance et la beauté que la bande-son originale de Pawel Pogorzelski, compositeur déjà à l'oeuvre dans Hérédité (Ari Aster, 2018) illustre parfaitement bien, au travers de ses jeux sur les instruments à corde.


La fin de Midsommar, ce n'est pas la plongée dans la folie de Dani, c'est la catharsis ultime, la destruction du mal dans son monde, à travers la mise à mort symbolique et (très) figurée de Christian. La fin de Midsommar, éminente tragédie moderne, c'est la fin inévitable du monde de son personnage.

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le 20 août 2020

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MrRenton

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