APRÈS SÉANCE


Ah ça, pour être mortel, ça l’a été… Mortellement chiant, mortellement ridicule. Pourtant, tous les voyants étaient au vert : Une adaptation de romans visiblement riches et appréciés, un scénario et une production signés Môôôsieur Peter Jackson (je viens de voir Astérix : Le secret de la potion magique, désolé), un univers original, des effets spéciaux à couper le souffle, de l’action… Mais malheureusement, tout cela n’était qu’une espérance, quelques mots sur du papier ou plutôt, quelques pixels sur votre écran. La réalité est bien plus triste : C’est naze, inintéressant, banal, moche et barbant.


Oh bah, pas de doute, c’est bien un Peter Jackson alors…


Dans un monde post-apocalyptique où les gens se battent pour avoir plus de ressources (oui, un peu comme dans Mad Max), une femme badass et défigurée (ça ressemble un peu à Ready Player One, c’est vrai) veut tuer l’homme qui a tué sa mère. Malheureusement, elle plante son couteau dans le ventre et non dans la tête (ça fait Avengers : Infinity War oui) et est laissée pour morte avec un type qu’elle ne supporte pas (ça rappelle tous les buddy movies, pas faux). Ils se font capturer et atterrissent dans un marché à esclaves (à la manière d’un Star Wars : Episode IV). Ils se font sauver par une yakusa rebelle qui les emmène dans une cité volante au milieu des nuages (tiens, on passe à Star Wars : Episode V). Mais ils sont poursuivis par un robot tueur avec des yeux lumineux (on dirait Terminator, je vous l’accorde) qui aime sortir de l’eau en marchant doucement (un peu comme dans Land of the Dead). Mais en fait, ça va il est cool. Par contre, il y a un autre méchant qui cherche à obtenir une ancienne technologie pour faire son méchant (mais il n’est pas nazi hein, ce n’est pas Les aventuriers de l’Arche perdue). Elle lui permettrait d’envoyer un gros rayon destructeur (là, on ratisse large : Star Wars épisodes 4, 5, et 7…). Heureusement, les héros ont la clé qui permet de neutraliser l’arme (un peu comme dans Transcendance). Au moment où la femme badass est sur le point de tuer le méchant, il lui avoue qu’en fait il est son père (oui bon là effectivement c’est Star Wars : Episode 5). Le plan du méchant échoue, les gentils et les méchants font la paix et les deux héros finissent ensemble (comme dans un Disney en somme).



SUR LE FOND : 3 étoiles



En soi, l’univers proposé (ou du moins, l’univers vendu) est intéressant, il flirte entre celui des Mad Max ou des meilleurs Final Fantasy. Le concept même de villes mobiles avalant d’autres patelins, pourquoi pas. Sauf que, premièrement, le concept n’est utilisé, utile et visible que les 10 premières minutes du film. Après, l’intrigue pourrait se passer dans un champ de patates ou un centre commercial, ça serait pareil. Secondement, c’est un univers qui n’est crédible à aucun moment faute de développement, d’exposition. Je me suis posé mille questions devant le film, tout autant de temps où je suis en train de m’interroger sur l’univers qu’on me propose au lieu d’y plonger corps et âme ! Que consomment ces machines géantes ? Ne dites pas du diesel, le second opus se passera sur un rond-point… Pas un mot dessus, un peu con pour un film qui se la joue post-apo (un genre où la recherche de ressources est centrale). Que se passe-t-il pour les villes englouties ? Pour leurs habitants ? Ils sont esclaves ? Ils sont mangés ? Ils sont tués ? Ils deviennent Londoniens dans le plus grand des calmes ? Bref, le concept n’est pas développé. Les difficultés sont au mieux survolées, au pire grossièrement esquivées. Au final, l’univers proposé, même s’il peut paraitre intéressant, n’est pas crédible deux minutes. Et je suis resté complétement à côté du délire à cause de cela.


Et puis, faut dire que cet univers est peuplé de personnages tous plus caricaturaux que les autres. L’antagoniste principal par exemple, Thaddeus Valentine, c’est une catastrophe ! C’est tellement triste de retrouver Hugo Weaving dans cette galère, quand même l’agent Smith, Elrond, V… Et il ne sauve absolument pas le film, comme j’ai pu l’entendre ou le lire. La performance de l’acteur n’est pas horrible, mais son personnage est écrit avec le cul ! Aucun développement, aucun background, aucune raison d’être ce qu’il est, de faire ce qu’il fait. Et il délivre tout de même l’une des pires punchlines de l’année 2018 :



You are a dinosaur. And I am the meteor…



Je rappelle que le métier du type, c’est ARCHEOLOGUE ! Issou quoi !


Le personnage d’Hester Shaw aurait pu être intéressant, il n’est d’ailleurs pas trop mal interprété par Hera Hilmar. Mais en vrai, on s’en tamponne le coquillard d’elle, parce qu’elle ne devrait même pas prendre part à la bataille entre Londres et la muraille de l’Est. C’est un des gros problèmes de Mortal Engines : l’enjeu, le danger ne tourne pas autour de son personnage principal. Hester s’est laissée emprisonner au début du film pour pouvoir assouvir son désir de vengeance, qu’elle nourrit depuis une bonne dizaine d’années. D’où elle se découvre une âme de justicière après un speech de 3 minutes avec Fang ? Ça ne tient pas debout, du coup ça perd mon intérêt. Mais au moins, le duo est homogène. Tom Natsworthy (Robert Sheehan) est lui-aussi un « personnage couteau-suisse ». Il est présenté comme un soumis, pas sûr de lui, pas à l’aise avec les autres (notamment avec les femmes), puis se découvre également des qualités de justicier où voulant pourchasser et capturer Hester sans aucune raison. Ah et puis un moment donné, on a besoin d’un pilote. Alors devinez quoi, le bougre est pilote en fait, à la manière d’un Farrugia qui t’annonce être projectionniste à la base dans la Cité de la peur. L’effet est le même : « Oh bah ça tombe bien alors ! ».


La batterie de personnages secondaires ne relèvera pas le niveau. On est par exemple censé croire qu’Anna Fang (Jihae) recherche Hester depuis des années et qu’elle l’a justement retrouvée 30 minutes après qu’elle soit vraiment en danger. Et le reste est littéralement sans aucune importance, à l’image de la sous-intrigue de Katherine Valentine (Leila George) et Bevis Pod (Ronan Raftery). Si vous avez vu le film et que vous vous demandez qui sont Katherine et Bevis, vous avez saisi le problème. Cette partie du film pénalise d’ailleurs son rythme, comme si Mortal Engines avait besoin de ça, mais on y reviendra un peu plus bas. Bref, des personnages qui souffrent d’un cruel manque de développement dans un scénario au bas de gamme de ce qu’il se fait en films d’aventure depuis quarante ans. Les ficelles sont hyper grosses, ce sont de véritables câbles d’ascenseur. Comme le coup des voyants qui mettent trois plombes pour passer au vert et Medusa qui est désamorcé à la dernière seconde ! Quel suspens… Ou la clé USB subtilement cachée dans sa boite, entre le fusil de Tchekhof et le Deux ex Machina, en plein dans la paresse de mauvais gout, bien loin de valoir ses 100 millions de dollars.



I can remake you, just as I was remade.



You’re going to kill me ?



For a little while.



Avec tout ça, je n’ai même pas mentionné Shrike (Stephen Lang), l’humanoïde robot qui, 35 ans après Terminator, arrive à être moins impressionnant et moins bien fait que le T-800. C’est dommage parce qu’en soi, c’est surement le personnage qui a l’histoire la plus intéressante, le plus de profondeur. Mais encore une fois, c’est tellement survolé (ou alors ça a été charcuté au montage) que cela en devient incohérent. Pourquoi devient-il gentil sur le pont de Port-Eden alors qu’il embrochait tout le monde 12 secondes plus tôt ?


S’agissant des incohérences, c’est loin d’être la seule ! Pourquoi on se stresse à vouloir jeter un couteau à Tom pour qu’il coupe la corde sur laquelle il se tient alors qu’il a un canif dans sa poche depuis le début du film ? D’où les personnages ne gèlent pas de froid lorsqu’ils sont sur le pont de Port-Eden, en plein milieu des nuages ? Pourquoi les nomades et les sédentaires se battent au juste ? Ça apporterait quoi aux nomades de péter la muraille ? Au vu de la main tendue par les sédentaires à la fin du film, pourquoi ils se sont enfermés derrière une muraille ou pourquoi ils se battent ? Ils ne peuvent pas s’entraider dès le départ ?


Et puis surtout, Mortal Engines souffre du syndrome dit « de l’Arche perdue » … C’est-à-dire que les gentils (Hester, Tom, Anna Fang et les autres rebelles) ne servent à rien dans le dénouement de l’histoire. Si tout ce petit monde n’avait rien fait, Valentine aurait tiré une troisième fois avec Médusa, son moteur aurait explosé et les méchants seraient tous morts….


Quand tes protagonistes peuvent se faire un foot en salle ou un tournoi d’Astroduel au lieu de suivre ton scénario, et que cela n’impacte pas le reste de ton film… Ça ne sent pas bon, P.J.



SUR LA FORME : 4 étoiles



Depuis le début, je blâme Peter Jackson, mais rappelons qu’il n’est pas le réalisateur de Mortal Engines. Il devra tout de même prendre sa part de responsabilités dans cette catastrophe, mais c’est bien Christian Rivers qui est derrière la caméra. Et Christian Rivers n’est pas réalisateur (enfin, maintenant si mais bon). C’est un proche collaborateur de Peter Jackson, dessinateur de tous ses storyboards et technicien effets spéciaux ou consultant depuis le Seigneur des anneaux. Et je rencontre un peu le même problème que j’avais pu avoir face à Transcendance, réalisé par Wally Pfister, directeur de la photographie de Christopher Nolan depuis Memento. Lâché sur un premier projet, blockbuster de plus de 100 millions de dollars, on ne s’improvise pas réalisateur.


Là où Wally Pfister avait au moins réussi à exploiter ses aptitudes (la photographie de Transcendance est plutôt léchée), Christian Rivers n’a sauvé ni le scénario, ni les effets spéciaux de Mortal Engines. Je ne vais revenir sur la stupidité, l’incohérence ou la banalité du scénario, mais avec Peter Jackson himself à l’écriture et un « storyboarder » derrière la caméra, on avait le droit d’espérer un peu mieux quand même. Eh bien non, vous pouvez arrêter d’idolâtrer Peter Jackson. Ok, il a réalisé une trilogie au début du millénaire, que je ne porte pas dans mon cœur de cinéphile, mais dont je ne peux nier l’importance. En trois films, c’est 30 nominations aux Oscars, pas moins de 17 statuettes remportées ! Mais cela à presque 20 ans, la saga du Hobbit est passée par là, malgré sa grande discrétion aux différentes cérémonies. Aujourd’hui, Peter Jackson a pondu un mauvais scénario et ne l’a peut-être pas confié à la bonne personne.


Le projet Mortal Engines a été annoncé en 2009, initialement pour Peter Jackson. Avec le Hobbit etc, le bébé a été refilé à Christian Rivers en 2016 qui n’était clairement pas le premier de la liste. A mon avis, il est un choix par défaut suite aux refus et indisponibilités de personnes plus expérimentées. Et même si cela n’est pas la chose qui pénalise le plus le film, ça ne l’a pas non plus avantagé…


Et encore une fois, la vision d’un expert en effets spéciaux aurait pu apporter beaucoup au film. Mais même ça, visuellement ce n’est pas ouf. Une bonne partie des décors ont été véritablement créée et ça sauve un peu le film. L’univers entre le cyber-punk et le steam-punk offre logiquement son lot de décors cracras, métalliques, avec poussières et vapeurs. Et ça, ça fonctionne plutôt bien. Mais évidemment, Mortal Engines est un film rempli de CGI, ce que j’apprécie de moins en mois. Mais ce n’est pas grave, pourquoi pas ? De toute manière, Mortal Engines est un film qui a besoin d’être rempli de CGI pour exister. Comment représenter Londres sur chenilles de tank engloutir une bourgade bavaroise sinon ? Le souci, c’est que c’est dégueulasse la moitié du temps ! L’animation de Shrike est à gerber, et la salle du moteur Médusa avec ses arcs électriques bleus turquoise n’est digne que d’une série low-cost de NRJ12 style Sanctuary ou Warehouse 13



Sixty minutes is all it took to bring humanity to the very brink of extinction. Mankind mobilized, a new age arose. The Age of the Great Predator Cities. Survival of the Fastest.



Dans tous les secteurs, Mortal Engines est vide, creux, sans intérêt, survolé lorsque ce n’est pas carrément bâclé. La BO est oubliable au possible, la direction artistique n’est pas très originale et le rythme est mal géré. Il y a clairement des passages qui ne servent à rien, notamment lorsque Katherine et Bevis vont fouiller du côté de la cathédrale Saint Paul. C’est un cul-de-sac dans le développement de ces personnages. Ils n’en font rien, cela ne sert qu’à montrer aux spectateurs ce qu’il se passe. Même dans les thèmes « abordés », le film ne fait que survoler. Il y avait pourtant de quoi faire sur le risque nucléaire, le capitalisme, le consumérisme, le darwinisme…


D’ailleurs petit aparté, dans Mortal Engines, le darwinisme est, une fois n’est pas coutume, complétement dénaturé. Le darwinisme, ce n’est pas les forts qui bouffent les faibles ! Le darwinisme, c’est la sélection naturelle, c’est-à-dire qu’un fort attirera plus de femelles, se reproduira plus, aura plus de progénitures et à terme, remplacera les faibles.


Les forts, les faibles… Dans la jungle cinématographique, Mortal Engines fait assurément parti de la seconde catégorie.


Bonus acteur : NON


Malus acteur : OUI


Le malus a pour effet de retirer 0,5 étoile sur la note finale. Il est attribué à Jihae, mais Robert Sheehan ou Ronan Raftery auraient pu le mériter aussi.



NOTE TOTALE : 3 étoiles


Spockyface
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le 7 janv. 2019

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