Je suis né au cinéma un jour de 1977 avec Un nouvel espoir. J’ai vibré, vécu et mûri avec Hans Solo et la princesse Leia. Dire que la trilogie suivante m’a déçu est un euphémisme. Sans doute recèle-t-elle quelques mérites, mais j’avais grandi. Je savais que le sale gosse doué passerait du côté obscur de la Force et je n’avais que faire des joutes opposant les fragiles droïdes séparatistes aux tous-mous Gungan. J’admets que mes enfants ont frémi, que nous avons vécu environnés ; Georges Lucas savait y faire ; de jeux vidéo, séries, Lego, figurines, posters, BD et livres Star Wars. Le récent opus m’a fait l’effet d’un pâle reboot. Je suis trop vieux.


Pourtant, une part de moi-même s’obstinait à croire qu’une autre histoire restait possible.
Je rêvais d’un scénario plus âpre. Qu’avais-je apprécié dans la première série ?
- Han Solo, son sourire ravageur, son absolue décontraction, son cynisme assumé de contrebandier vendu au (presque) plus offrant. Hélas, le temps dévore tout. Harison Ford disqualifié pour endosser le rôle, je rêvais d’un mercenaire, d’un soldat de métier, d’un condottière blasé mais adroit, d’un Giovanni dalle Bande Nere. A défaut de Chewbacca… pourquoi ne pas l’associer à un robot de combat analyste et raisonneur, un tueur repenti ?
- Les combats, au sol et dans l’espace.
- Les machines : des quadripodes impériaux TB-TT et une poignée d’AT-RT, des X-Wing, des Y-Wing, des chasseurs TIE, des Destroyers Stellaires et… l’Etoile noire.
- D’ailleurs, j’imaginais de placer la base spatiale au cœur de l’intrigue. Les fameux plans… le talon d’Achille. Pourquoi ne pas lancer Douze salopards à leur recherche ? Je les vois se ruant à l’assaut d’une forteresse impériale. Je l’ai rêvé. Disney-Lucas et Gareth Edwards l’ont fait ! C’est Rogue One.


L’histoire ? Parfaite. Une vingtaine de minutes suffisent pour planter le décor. L’Empire achève les essais d’une arme de destruction (vraiment) massive. La Rébellion tergiverse, se désunit, à quoi bon lutter ? Or, un espoir subsiste. Un bref message du concepteur de l’Etoile de la mort Galen Erso (Mads Mikkelsen) laisse entrevoir une brèche dans l’armure, sous la forme d’un plan d’accès à la faille. L’administration impériale dispose d’archives bien tenues… où le fameux document est classé. Les rebelles hésitent, craignent un piège. Cinq hommes et un robot se lèvent. Mes salopards. Nous ne saurons rien d’eux, si ce n’est que nous avons affaire à des soldats de métier, des guerriers fatigués, usés, désabusés. S’ils ont choisi le camp de la liberté, tous savent que la fin justifie de sombres moyens. Ils ont piégé, trompé et assassiné. Sans nul doute, ont-ils plus de sang sur les mains que les blancs Stormtroopers.


Tous excellent. Le ténébreux capitaine Cassian Andor (le mexicain Diego Luna), le moine aveugle habité par la Force, réminiscence de Zatoïchi, Chirrut Îmwe (le chinois Donnie Yen), son ami le badasse aux gros canon (je fais des efforts surhumains pour parler jeune) Baze Malbus (autre chinois Jiang Wen), le pilote de cargo un peu secoué Bodhi Rook (le rappeur pakisto-britannique Riz Ahmed), l’ancien robot de sécurité impérial reprogrammé et sarcastique K-2SO et la belle Jyn Erso (Felicity Jones, fille perdue de Galen… dingue, le nombre de héros de StarWars à la recherche de leur paternel). N’omettons pas le paranoïaque Saw Gerrera (Forest Whitaker).


Le rythme est intense, le commando joue contre la montre. Nous assistons, terrifiés, à la destruction de la fabuleuse ville sainte de Jedha, que nous venions de quitter. Une scène incomparablement plus impressionnante que celle de l’implosion du système solaire de Star Wars 7. Nous nous précipitons sur planète tropicale Scarif et son paradisiaque archipel. On se bat au sol, dans la jungle et les bâtiments, au-dessus du sol, X-Wing contre chasseurs TIE, et dans l’espace. Nous assistons pétrifiés au titanesque abordage de deux Destroyers. Mes amis tombent, non pas en héros sous les coups de Dark Vador, mais anonymement, dans la fureur du combat. Ils tombent, un peu pour la cause et beaucoup pour leurs frères d’arme.


On se tue au blaster et à la roquette :
« Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
Ohé, les tueurs à la balle ou au couteau, tuez vite !
 »

Step de Boisse

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