Support: 4K Bluray UltraHD
Après avoir enchaîné les deux saisons de Andor dans une béatitude inattendue, je ne pouvais que me lancer à nouveau dans Rogue One, que je n’avais pas revu depuis sa sortie. Alignement des planètes fortuit qui fait que ma réception de la série de Tony Gilroy, scénariste ici, m’a engouffré dans un tunnel Star Wars alors même que j’ai récemment revu (et à la hausse) le Godzilla de Gareth Edwards, tandis que son Jurassic World Rebirth sort dans à peine deux semaines (s’il te plaît sois bien et fait nous oublier l’enchaînement des affronts à Spielberg et Koepp).
Et si Rogue One m’avait déjà fait forte impression en 2016, figurant pour moi comme une des (la?) meilleures œuvres de cet univers, elle n’est désormais détrônée que par son prequel qui, par son format sériel, développe encore mieux cet état de soulèvement que la mainmise de l’Empire galactique suscite. Toujours est-il qu’à l’aune de la découverte de Andor, qui s’achève exactement là où débute Rogue One, ce dernier n’accuse aucune blessure. Au contraire, les personnages de Cassian (dont l'ambiguïté ici présentée est immédiate), K-2SO, Saw Guerrera et autres Draven n’en sont que plus palpables, et leurs destins plus tragiques.
Et ce que le format film fait perdre en temps pour développer les personnages, enjeux et contextualisation sociétales, il le gagne en concision et en amplitude visuelle. Surtout entre les mains d’un cinéaste qui prouve de film en film qu’il sait jouer avec des dimensions titanesques. A ce titre, le dernier tiers du film se déroulant comme l’hybridation de la phase finale d’un film de braquage et le pur film de guerre est exemplaire. Edwards nous affiche des bascules fluides, harmonieuses, entre les différentes strates du champ de bataille de Scarif, transitionnant d’un jeu d’échelle à un autre dans un unique mouvement. Les AT-AT n’ont ainsi jamais paru aussi menaçants qu’à hauteur d’infanterie, tandis que l’irruption du destroyer impérial en sortie de saut hyperspatial fait de son ombre dévorante une terreur qui reflète son occupant. Vader devient par la même occasion la figure horrifique que l’on a toujours souhaité voir au vu de sa réputation, surgissant des ténèbres dans un halo infernal et engloutissant les pauvres âmes qui se dressent sur son chemin.
Mais Rogue One n’est pas seulement un spectacle, et la construction de cette histoire, celle qui doit initier l’émergence de la Lumière dans un monde sombré du côté obscur, ne se fait pas sans sacrifices. C’est l’abandon du cynisme au profit d’un besoin de lutter, dans un aboutissement littéral au Nouvel Espoir. Le cheminement intérieur de notre commando hétérogène passe ainsi par les métaphores visuelles des planètes visitées. Jeddah est aride, déserte, un lieu de perdition où se trouvent des rebelles extrémistes et contrebandiers en tout genre, et il faudra sa destruction dans un souffle explosif pour balayer les dernières hésitations de nos héros qui n’ont plus rien à perdre. Il faudra le passage par une Eadu nocturne et diluvienne pour que soient lavés les masques des motivations et que la peur et le deuil soient écartés de l’équation. Enfin Scarif, radieuse station balnéaire de sables blancs, baignée d’un soleil chaud, est ce phare, cette étincelle de l’espoir allumée par une poignée d’irréductibles n’ayant plus rien à perdre, et se sacrifiant pour la possibilité d’un futur.
Rogue One trouve le juste équilibre entre une histoire originale, délestée des oripeaux fantasy qui font souvent de la saga un objet bien trop sage, et le cahier des charges que l’intégration à un univers aussi contrôlé demande. Si les apparitions de Tarkin et Leïa peuvent sembler assez gratuites au premier abord (et pas tout à fait au point avec les technologies de l’époque), elles viennent in fine dresser des ponts thématiques bienvenus. La connexion directe au volet initiateur de Lucas dans la dernière image d’une Carrie Fisher sortie de la vallée dérangeante aura eu raison de moi, je vais devoir revoir la trilogie originale (et peut-être la prélogie, assortie du Clone Wars de Tartakovsky que j'ai trop longtemps repoussé).