Danse explosive !
Sur le plan de la mise en scène — visuelle et sonore —, c'est difficile de ne pas s'incliner devant autant de virtuosité esthétique. Il suffit de voir les séquences d'introduction lors de la...
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le 11 sept. 2025
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Sirat est un film fondu, un film qui entremêle tellement de dispositions scénaristiques et de motivations (des personnages comme des lieux) qu'il en devient mou. Alors un film qui ose, je le concède, mais tenter n'est pas synonyme de progrès.
Si l'on prend en considération le scénario, voici ce qui m'embarrasse :
_Un père amène son gamin de 10 ans dans un pays en guerre (ou du moins préalablement sous fortes tensions, en témoigne la radio), qui plus est dans une rave (il n'est clairement pas raveur, alors comme tous les parents non informés il a de forts préjugés sur ce genre de regroupement) au beau milieu du désert (s'il ne pouvait pas le confier à des proches, il existe toujours l'Acogimiento Familiar en Espagne).
_Parmi les plusieurs centaines de raveurs, seules quatre camionnettes décident de couper la route pour rejoindre ce qui semble pourtant être LA rave du Maroc.
_La scène de la falaise… il aurait suffi de mettre des pierres pour tous les véhicules, ça aurait évité quelques incidents.
_Pour le terrain miné, faire marche arrière avec précaution était peut-être une solution logique, surtout que le van utilisé est une sorte de Mercedes Benz L 1113, autrement dit un camion avec des traces de pneus vraiment évidente. Pour rejoindre la falaise, il suffisait de la longer ensuite sur le versant sablonné.
Ces éléments pourraient sembler anecdotiques mais, en se rappelant que le film se repose sur sa qualité de périple discontinu, ils sont primordiaux.
Si l'on ne prend pas en considération le scénario, l'embarras demeure tout de même assez pesant !
Tout d'abord par cette obstination logique d'un père (et donc du spectateur vu qu'on suit son point de vue) recherchant sa fille. Une obstination qui nous prend à cœur mais qui s'efface précipitamment du film (et non pas de nos attentes), car il y a tant de péripéties que l'on se rattache plus à une sensation de survie que d'inquiétude. Et le fait qu'il n'y ait absolument aucune description du ressenti psychologique des personnages n'arrange pas la chose.
Alors je préfère prévenir, je n'ai rien contre les films qui te plongent dans l'inconnu et la soif de découverte, en témoignent les excellents Aguirre : La colère de Dieu, Dead Man et même Stalker dans une certaine mesure. Mais j'en ai contre les films qui te font des promesses pour t’allécher telles des écoles de commerce avec leur programme "exclusif et totalement innovant".
J'ai l'impression de me sentir comme un âne que l'on fait avancer par la seule force de la faim car il ne veut qu'une chose : la carotte (la quête de la fille) au bout du fil.
Je n'ai pas vu les autres œuvres d'Oliver Laxe mais de celle-là je peux affirmer sans mal qu'il ne sait pas filmer l'excursion et ses paysages. J'entends ici et là des comparaisons grotesques aux géniaux Mad Max : Fury Road et Le salaire de la peur. Si pour l'un les deux seuls points communs sont l'environnement désertique et l'escapade en voitures groupées, pour l'autre il n'y a vraiment rien de pertinemment similaire, ni la sophistication utile et concrète des dangers rencontrés sur la route, ni la tension exaltante, suante et glaçante du duo Montand-Vanel.
De son côté, Laxe nous asperge de son cocktail aux ingrédients pas si secrets mais bien répulsifs : plans de drones penchés ou en plongée (quel manque d'esthétisme), plan roulant du convoi (il en met une sacrée dose d'ailleurs ! Il y a plus de salé que de sucré dans le cocktail…), des panoramiques version ma tante qui prend en vidéo le paysage breton (j'espère ne pas être le seul à n'avoir ressenti aucun frisson de grandeur ou d'ampleur face à ce paysage marocain pourtant tellement riche)… Seuls les plans de nuit rendent la recette un tantinet gourmande.
Quant à la configuration de l'espace, c'est sûrement un parti pris mais le fait de garder l'idée de flou scénaristique jusqu'à ne nous donner aucune indication sur la localisation et l'itinéraire : pour un road trip survivaliste, ça m'agace !
Pour le temps, ce n'est pas mieux. Sa dilatation s'effectue dans les excavations du récit. Mais quelle utilité d'user de tels artifices si c'est pour finalement nous contraindre à l'introspection d'une humanité effective en perdition (car c'est bien à cela que nous confronte la radio, l'armée et le champ de mines) ?
Si l'objectif est d'alerter sur une quelconque situation actuelle, où sont les prises de position tangibles qui expliqueraient tant d'acclamations à Cannes ?
Si, au contraire, la conclusion doit suggérer la brutalité viscérale de l'Homme indépendamment de la périodicité, pourquoi se donner tant de mal à relier l'ère actuelle à ces événements hors du temps ?
Cela est flou… Tout est flou… Sirat est flou, fondu.
Mais pour ne pas finir sur un bilan si accablant, je pointerai une qualité indéniable de l'évènement Sirat : son portrait plutôt juste et surtout existant du monde de la rave, une tempête dansante et musicale très peu mise à l'honneur au cinéma.
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le 22 sept. 2025
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le 11 sept. 2025
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