Sirāt
7.2
Sirāt

Film de Oliver Laxe (2025)

Sirāt m’a laissé une impression ambivalente, oscillant entre la curiosité qu’il éveille et le découragement qu’il suscite à force d’envolées. C’est déroutant, presque hypnotique quand il y a ces longues scènes de musique, mais tout reste flou, insaisissable. On ne sait jamais vraiment où le film veut nous emmener. Ce n’est pas un voyage au sens classique, plutôt une marche intérieure, un glissement lent vers quelque chose d’indéfinissable. Le récit, s’il y en a un, semble se dissoudre dans ses propres silences, comme s’il refusait délibérément d’offrir la moindre explication.

Les acteurs « zadistes » paraissent d’une authenticité frappante, dépourvus de tout artifice, comme s’ils habitaient réellement ce territoire de marge et de doute : l’un manchot (Richard Bellamy aka Bigui), l’autre unijambiste (Tonin Janvier), suivis de la fille tatouée des pieds à la tête, au visage de punk à chien (Jade Oukid), tous buvant un breuvage vaguement hallucinogène au milieu d’un champ de mines, accompagnés des deux autres ravers qui contribuent à la dynamique de groupe (Joshua Liam Henderson et Stefania Gadda). Seuls des mélenchonistes aguerris, sortis tout droit d’une Fête de l’Huma un peu arrosée, pouvaient oser une scène pareille. Le film comporte des scènes horribles


— spoiler : la mort du petit Esteban (Bruno Núñez Arjona) et de son chien, et bien sûr le passage du champ de mines


— et l’on ne comprend pas vraiment où le réalisateur, Óliver Laxe, veut nous emmener ni ce qu’il cherche à exprimer. Par moments, on pense un peu à Babel de Iñárritu, par la manière dont le récit croise des trajectoires humaines dans des situations extrêmes, mais surtout à Le Salaire de la peur, par l’angoisse palpable des trajets dans les chemins escarpés de la montagne et la tension permanente qui s’empare des personnages. Cette tension entre réalisme cru et incompréhension narrative crée une impression troublante et dérangeante qui hante le spectateur.

C’est frustrant, oui — parce qu’on voudrait comprendre, accrocher à quelque chose — mais il y a malgré tout une forme de fascination. On se surprend à chercher du sens là où il n’y en a peut-être pas. L’image, sèche et poétique, remplace les mots ; les paysages deviennent narration. Et c’est là que Sirāt trouve ses plus beaux instants : dans ces moments où la musique techno, frénétique et hypnotique, se mêle aux paysages, tandis que les montagnes marocaines imposent leur présence muette.

Sergi López apporte une gravité juste, solide, même si son nom évoque davantage une pépite de la Masia qu’un marcheur égaré dans le désert.

On ressort de Sirāt un peu perdu, touché sans savoir pourquoi, avec cette impression d’avoir assisté à quelque chose d’à la fois sincère et inabouti. C’est une énigme qu’on ne résout pas — un film à la beauté brute, mais dont le sens se dérobe sans cesse.

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il y a 3 jours

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