Soul
7.4
Soul

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers (2020)

Fais chier.


Je n'aurais jamais imaginé découvrir un film des studios Pixar ailleurs que dans une salle de cinéma.


Et pour tout vous dire, me cogner cinq ou six abonnements sur diverses plate-formes afin d'avoir accès à l'ensemble des nouveautés filmiques, ça m'emmerde beaucoup. Car j'ai l'impression de participer à creuser le trou du media cinéma. Comme si la situation sanitaire avait besoin d'aide.


Fais chier.


Car Soul, au départ envisagé comme un événement de la fin d'année, a été transformé en produit d'appel pour rallier à la cause quelques abonnés de plus, qui avaient jusqu'ici résisté, avant d'être contraints de rendre les armes. Car un Pixar, malgré la baisse de régime du studio, c'est toujours assez attractif.


Et l'on se prend à penser, pendant les premières minutes du film, que Soul pourrait constituer une face B de Vice-Versa, en traitant l'âme, sa représentation et son environnement à la manière des émotions en 2015. Dans un style graphique proche dans la simplicité du trait et son abstraction. Tout en se rendant compte qu'aujourd'hui, les contours de cet au-delà fantasmé relève du tour de force technique, puisque l'aspect graphique semble duveteux, dépourvu de contours pleinement définis.


Au point que l'on pourrait dire de Soul que sa plastique, c'est fantastique, faisant oublier sans mal la déception que marquait En Avant dans ce domaine, plus tôt dans l'année, faisant alterner la 2D, la 3D et le dessin naïf de certaines formes.


Côté thématiques abordées, on retrouve le propos plus adulte de Pete Docter, dont le cinéma est traversé par l'abstraction, l'acceptation, le deuil et la mélancolie qui ont pu donner naissance à certains des films les plus solides et émouvants du studio, tel Monstres & Cie et Là-Haut.


Et si retour sur terre donne lieu à quelques facéties inattendues de la part d'un classique duo de personnages mal assortis, l'aventure n'est que prétexte à visiter une galerie de portraits de l'entourage de Joe, lui permettant de réaliser ce qu'est vraiment sa vie, ce qu'il ne voit plus vraiment, ce qui le préoccupe ou encore ses rêves fanés.


L'émotion est là, comme au temps de Vice-Versa ou de l'épilogue de Coco en 2017. Mais quand la parole cède la place aux images et aux silences, elle se trouve démultipliée le temps de quelques scènes magiques, comme ce retour dans un appartement vide et froid, où l'on réalise que Joe, malgré ses quarante ans, ne s'est construit qu'une vie incomplète malgré (ou à cause), de sa passion dévorante pour la musique.


Comme, aussi, lorsque l'on réalise, à la sortie d'un club de jazz, qu'il n'y a peut être plus grand chose après avoir atteint son rêve... Qu'il y a peut être autre chose de plus simple, de plus accessible, qui permet, dans un plaisir identique, de savourer les petits moments et de prendre conscience de ce que c'est que de vivre, d'en savourer chaque instant, d'en explorer un maximum d'aspects.


Le fait que Pixar, pour illustrer son propos, ait poussé sur le devant de la scène une âme d'artiste ne peut qu'appuyer le regard plein de tendresse de Pete Docter, tandis que les notes de jazz de la bande originale apporte un cachet intemporel à l'entreprise.


Le seul truc que l'on pourrait peut être reprocher à Soul, c'est de ne pas aller jusqu'au bout de son idée de départ


et de proposer une seconde chance à Joe.


Et de se demander si Pixar, s'il n'avait pas été incorporé au sein de l'empire Disney, n'aurait pas adopté un chemin plus tourné vers l'acceptation de la disparition, sous tendue du regret, d'une certaine forme de poésie, et de la mélancolie propre à Pete Docter.


Ou encore à la conjuguer avec la thématique de l'oubli, de ce qui reste, ou non, après notre départ.


Mais rien qui ne vient ternir, sur le moment, l'âme du film, véritable et sincère, effaçant de la mémoire le semi-échec de En Avant en début d'année. Et faisant rêver que le studio Pixar aurait retrouvé la flamme.


Behind_the_Mask, vague à l'âme.

Behind_the_Mask
8
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le 6 janv. 2021

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