La réception de ce nouveau Superman me conforte dans l’idée que désormais, l’appréciation d’un film dépend plus de ses intentions que de son résultat. Moi le premier, ça m’a fait plaisir de voir une adaptation plus légère du comics, loin de l’étron émo qu’était Man of Steel. J’ai apprécié cette version très candide du personnage, accordant autant d’importance à la vie d’un humain qu’à celle d’un écureuil, ou cette réinterprétation de Lex Luthor, devenu un techno fasciste à la Elon Musk. C’était aussi une bonne idée de faire croire à Superman qu’il fut envoyé pour protéger la terre, alors que ses parents voulaient qu’il l’envahisse. Et puis évidemment, j’ai presque versé une larme en voyant notre héros prendre le parti d’un peuple génocidé par une puissance alliée des États-Unis, et se retrouver démunie devant des magouilles géopolitiques qui dépasse complètement sa naïveté humaniste. Mais à l’instar du Barbie de Gerta Gerwig, les intentions ne font pas un film, tout dépend de la manière dont elles prennent corps dans le long-métrage, et c’est justement là que le bas blesse.
Le ton est donné dès la scène d’ouverture, lorsque Superman blessé se fait rafistoler par ses robots dans sa forteresse de solitude. L’un des deux droïdes en profitera alors pour balancer toute la backstory de son maître, les principaux traits de sa personnalité, les choix l’ayant mené là où il en est aujourd’hui, pour finir par le message vidéo des parents kryptoniens, histoire que la phase d’exposition soit vraiment complète. Vous l’aurez compris, cet exposé n’est pas adressé à Clark Kent qui connaît déjà sa propre histoire, mais bien au spectateur, à qui on explique verbalement le contexte du film, au lieu de nous l’exposer via de vraies situations tangibles. Et les quelques blagounettes du robot disséminées dans sa longue tirade, ne parviennent pas à masquer l’artificialité de la démarche. Le reste sera du même acabit. Le développement de Superman et les passionnantes thématiques qu’il englobe, seront ainsi traités par des logorrhées de dialogues explicatifs, explicitant constamment les tenants et aboutissants de l’intrigue, sans jamais les incarner à l’écran de manière cinématographique.
Quant à l’aventure en tant que telle, celle-ci souffre d’une réalisation indigente. Aucune profondeur de champ, aucun travail sur les lumières ; c’est lisse, plat, nette et sans bavures comme toute bonne série Marvel qui se respecte. Les effets spéciaux sont complètement ratés, les fonds verts et décors numériques se voient à des kilomètres ; tout semble si artificiel qu’on peine à croire à l’univers qui s’offre à nous. On sent que la majorité des scènes ont été tourné dans le fameux décor en 360° tant prisé par les studios hollywoodiens. Mais loin d’avoir étendu les possibilités de mise en scène comme on aurait pu l’espérer, cette technique a surtout affecté la spatialisation des grosses productions récentes, où les personnages sont désormais majoritairement filmés de près, derrière des décors factices avec lesquels ils n’ont aucune interaction. Et cela affecte également la réalisation des scènes d’action, toutes filmées de la même manière, avec un objectif suivant les actions des comédiens en 360°, dans ce même type de décor sans âme. Aucune recherche de découpage, de mouvement de caméras ou de spatialisation dans l’environnement. Le degré zéro de la mise en scène.
C’est con parce que, sur le papier, y avait suffisamment d’enjeux et de retournements pour mettre Superman en difficulté et nous gratifier d'un super film d’aventure, mais tout est tellement mal amené et effroyablement réalisé que même les bonnes idées du script finissent par tomber à plat.
Alors oui, il reste les intentions louables, la réussite du casting avec notamment le fabuleux Nicolas Hoult en Lex Luthor, ou les petites pointes d’humour typique de James Gunn qui font souvent mouche, mais on est quand-même loin du grand spectacle épique qui nous était annoncé. Il suffit de revoir quelques scènes du mésestimé Superman Returns pour constater à quel point ce dernier explose le métrage de Gunn sur tous les niveaux, alors qu’il fêtera ses 20 ans l’année prochaine. Je suis convaincu que sortit dans un tout autre contexte, ce Superman aurait été unanimement décrié, mais après 10 ans d’égarement superhéroique chez Warner, une écurie Marvel en perte de vitesse et un contexte géopolitique particulièrement révolant, on est forcément plus enclin à apprécier un tel film. Comme Barbie avant lui, il arrive pile au bon moment et résonne fortement avec son époque, au point que cette dernière devienne indissociable de son appréciation.