Chinatown est l'exemple typique du "grand classique de consensus", c'est-à-dire du film que vos amis cinéphiles, en veritable chorale de perroquets, louent comme un chef-d'œuvre ultime, et que vous, pauvre butor dénué de tout sens analytique et artistique, trouvez surfait, poussif et dans son ensemble plutôt mauvais.
The Two Jakes lui est objectivement supérieur en tous points : scénario, atmosphère, mise en scène, musique, photographie et interprétation. Mais les auteurs commettent ici l'erreur la plus inconcevable, celle de donner à ce second opus un "happy ending" complètement déplacé, ce qui va à l’encontre du but même de faire un Chinatown 2.
En effet, la réputation du film Chinatown est principalement (sinon uniquement) construite sur la scène finale au sordide absolu. On peut dire justement que c'est même ce final désespéré qui fait l'essence de la "franchise" et qui marqua la naissance du genre "néo-noir". Alors, reprendre le meme univers mais en en supprimant le thème du "triumph of evil" si central au concept original, c'est complètement rater l'occasion. Il ne fallait pas s'attendre à ce que les fans de l'original acceptent ce film comme une suite méritante.
Reste un bon néo-noir d'atmosphère, avec une splendide reconstitution d'époque, et deux heures agréablement passées dans l'univers de Robert Towne avec le charismatique Nicholson. On se passe de Polanski et c'est bien mieux, car la mise en scène de Nicholson et la photographie de Vilmos Zsigmond sont toutes deux très largement supérieures au travail qui fut fait sur Chinatown, et ce nouveau film rend un hommage bien plus accompli au film noir des années 40 que son predecesseur.
Pour conclure, bien que souffrant d'un troisieme acte décevant, ce film reste un néo-noir très sous-estimé, qui mérite d'être placé au-dessus du panier avec les productions les plus reconnues, et est surtout largement plus regardable que le très ennuyeux Chinatown. Recommandé !