Une ville d'amour et d'espoir par Alligator
Premier film de la trilogie de la jeunesse. Plus que la jeunesse, j'aurais envie de souligner l'aspect résolumment et violemment politique du film.
Oshima concocte un scénario massue, une histoire au message social sans équivoque sur le Japon d'après-guerre, le Japon en construction, celui de la grande croissance, celle qui s'habille de la morale très stricte et très violente, laissant sur le chemin un enfant laissé pour compte et sa famille pour un menu larçin, commis par nécessité. Le prétexte pour ne pas embaucher ce gamin est d'un cynisme capitaliste et moraliste effroyable. Les mots employés par le jeune employé de l'entreprise pour expliquer son refus, cette enquête sociale de pré-embauche, ce discours axé sur le bénéfice de l'entreprise, les risques qu'elle court à embaucher des gens "tordus", toute cette machinerie moralo-sociale qui va jusqu'à écraser les relations humaines et amoureuses, les anéantir, tout cet enchaînement au matérialisme du profit, à l'entreprise est d'une acuité et d'une force terrifiante encore aujourd'hui d'une actualité insupportable.
Oshima réussit parfaitement avec un scénario ciselé et millimétré, qui coule de source, de scènes en scènes à décrire les poids monstrueux qui ont permis au Japon de devenir une des premières puissances mondiales et le prix fort que le pays a dû payer en retour, une déshumanisation que l'industrialisation forcée et rapide n'a pas manqué d'imprimer à une société très tardivement entrée dans l'ère moderne. Un choc terriblement inhumain.
La mise en scène est au diapason, enfermant ses personnages dans un cinémascope noir&blanc implacable, les ombres mangent souvent les corps, seuls les visages et leurs expressions achevées émergent à peine de l'ombre pour exprimer leur souffrance de subir un tel choc social, culturel, économique... politique en un mot.
Dommage que le jeune comédien Hiroshi Fujikawa soit aussi monolithique.