L'année 1954 fut grandiose pour les westerns, en nombre et qualité, tant pour les séries A que pour les Series B comme celle-ci. C'est un des meilleurs opus de George Sherman, qui sa vie durant tourna comme il respirait, mais avec du talent - à la différence d'autres, comme Ray Nazzaro, aussi très prolifique.
Le film débute avec une variation débaptisée du "gunfight à OK Corral » : l’enclos et les protagonistes ont d’autres noms que dans l'Histoire mais ce sont les mêmes. Les marshals de la famille Earp sont les McNear, leur ami Doc Holliday est Brett Wade, et la famille Clanton est devenue Ferris, de même que la ville est ici Lodburg et non Tombstone.
Le conflit entre les deux clans (McNear-Earp versus Ferris-Clanton) est résumé et mis en scène très rapidement dans un saloon, de manière précise, sobre et colorée merveilleusement dans la pénombre par le chef op Carl Guthrie et le consultant couleur William Fritszche.
Un nouveau personnage est introduit, Rapp, joué par Alex Nicol : c’est un compagnon de la famille Ferris, bon tireur et loyal mais alcoolique, qui compose un de ces bad guys composites des bonnes séries B.
Le gunfight dans le corral qui en résulte donc, le premier du film, se passe déjà à l’aube. Il est sans grand intérêt - sont infiniment meilleures les variations de cet épisode dans d'autres films, au moins celles des plus célèbres, comme My Darling Clementine, Gunfight at Ok Corral, ou Hour of the Gun.
Toutefois, vers le milieu du film, il y a une reprise étonnante du même combat : dans un relais de diligence, un des fils Ferris (joué par Lee Van Cleef) qui a réchappé au précédent duel collectif attaque Brett Wade (joué par Rory Calhoun) là encore à partir d’un enclos enfermant des chevaux : le gunfight est alors excellent dans son mouvement, sa chorégraphie, et même son émotion.
Notons que Wade, le joueur élégant et poitrinaire qui était en partance pour se mettre au vert a utilisé l’arme de Rapp, ivre mort dans la même diligence que lui, et celui-ci a donc failli à protéger son clan. Wade arrive à Socorro pour y prendre le train et on a ici un plan mémorable de la diligence qui tourne dans une rue boueuse tandis qu’une locomotive passe en arrière plan dans le centre ville même. Il sera sous la surveillance d’un shérif inquiet et harassé, bien joué par Edgar Buchanan.
La nuit qui précède son départ pour la montagne et une vie saine est celle de tous les dangers. Celui de gagner ou de perdre l’amour d’une jeune femme, jouée par Piper Laurie, visage rond et tenues classiques, qui hésite entre devenir une saloon girl vêtue de rouge au casino (la Jezabel maudite par son pere) ou être la rédemptrice de Wade, élégant, mélancolique, et malade qui veut rompre avec les maléfices de la ville.
Il risque de perdre sa prestance et tout son argent en affrontant au jeu un viel adversaire, le patron du casino, joué par David Brian. Il risque aussi de perdre la vie dans un duel au revolver, avec le gunslinger Rapp enfin dessoulé, qui veut exercer sa « vengeance à l’ aube » dans Socorro.
Le gunfight final est en deux temps : d’abord entre les deux hommes, il est classique mais magnifiquement filmé (notamment un plan surplombant la rue, le duel et la fumée qui s’échappe des pistolets), puis avec le patron du saloon et ses hommes de main, un échange rapide très bien tourné.
On ressent dans ce film ce que la qualité doit à une bonne entente d’équipe entre le réalisateur, le scénariste (George Zuckerman, un collaborateur émérite de Douglas Sirk), le chef op, une entente qui emporte tous les acteurs, des stars de la série B, alors à leur meilleur.
(Notule de 2020 publiée en Fevrier 2025)