La noirceur qui se tapit dans la lumière, ou plutôt l’inverse dans le DCU

Si DC est à la traîne sur les films de super-héros au face-à-face avec le MCU, ils ont largement communiqué sur le fait d’être en avance sur leur concurrence en proposant enfin un blockbuster de ce genre au personnage principal féminin en la personne de Wonder Woman. Cerise sur le gâteau, c’est en plus réalisé par une femme en la personne de Patty Jenkins qui s’était notamment illustré avec le subversif Monster presque 15 ans auparavant. C’est un choix que je trouve assez logique sur le fait que c’est une femme évidemment mais pour sa filmographie c’est déjà plus surprenant vu que ce film ne peut être particulièrement sombre ou extrême, mais c’est plutôt cool qu’elle ait eu sa chance et prometteur qu’elle y greffe sa patte.


Pour en revenir à Wonder Woman, c’est le même personnage joué par Gal Gadot qui fut, assez maladroitement, introduit dans Batman V Superman. Ça me paraît un peu étrange de lui consacrer ce film seulement maintenant dans le DCU, il me paraît plus logique d’introduire chaque personnage avant de les mêler en une seule histoire, mais c’est bien comme ça que ça c’est goupillé alors voyons si le premier film Wonder Woman de l’histoire sauve sa saga du désastre après le calamiteux Suicide Squad.


Si le film s’ouvre au présent, c’est bien dans le passé qu’il aura essentiellement lieu pour revenir aux origines du personnage et principalement du rôle qu’elle a joué durant la première guerre mondiale. Après une introduction qui arrive en 15 minutes à caractériser l’héroïne en quête d’aventures, poser les pistes pour l’essentiel de l’intrigue et nous faire ressentir de l’attachement pour les personnages secondaires, l’action démarre plein pot de façon très classique, avec notamment un certain nombre de ralentis stylisés, des effets numériques pour la 3D...


Ce n’est clairement pas du côté de la mise en scène que le film se démarquera particulièrement, en dehors peut-être de la baston finale plus que pyrotechnique qui en met vraiment plein la vue, sinon c’est très classique, bien fait mais vu la très forte concurrence pas de quoi s’extasier. Par contre, la mise en scène des combats est tout de même réfléchie en ce sens qu’elle sert le scénario, au début Diana fera gaffe à ne pas tuer ses adversaires puis sera beaucoup plus violente après avoir soif de vengeance, lui montrant un petit côté sombre appréciable.


À ce sujet, la naïveté apparente du propos pendant une large partie du film laisse évidemment place à un propos plus mature et nuancé que l’on aurait pu craindre. Le message véhiculé n’a rien de révolutionnaire, peut même paraître grotesque sur certaines répliques prises hors-contexte, mais ça reste un très bon message sur lequel le film se concentre pour efficacement le transmettre. C’est pour moi une sacrée force du scénario auquel a participé Zack Snyder (qui revient donc un minimum aux commandes après s’être retiré pour Suicide Squad) et c’est pas la seule de ces forces.


On retrouve également beaucoup de sous-entendus critiques : la secrétaire qui compte-tenu de son boulot est perçue comme une esclave par Diana, la première guerre mondiale qui est décrite comme la dernière grande guerre de l’humanité posant intrinsèquement la thématique de la guerre persistant à revenir, les décisionnaires du conflit qui ne souffrent pas des décisions qu’ils prennent car jamais sur le front, l’homme de couleur qui se voit refusé l’accès à une carrière par discrimination raciste...


L’humour est assez léger et passe bien, on aurait pu craindre une overdose de blagues limites, une héroïne ultra cruche qui ne se démarque que par ses capacités divines... mais non c’est juste quelques blagues de temps à autre qui ne sont jamais vraiment de mauvais goût ou trop insistantes et bien entendu aucune n’arrive à un moment inapproprié qui désamorcerait les enjeux dramatiques. Ces derniers savent par ailleurs se faire de plus en plus prenant au fur et à mesure que l’on s’approche de la fin du film avec la disparition de personnages attachants, des antagonistes qu’on veut voir tomber...


En fait, sur l’écriture j’ai pas grand chose à redire, c’est bien la première fois que ça m’arrive dans ce nouveau DCU initié avec Man of Steel qui se coltinait toujours des soucis assez importants de ce côté-là. Pour pinailler, la love story étant sans doute évitable, on dirait presque qu’elle est là pour remplir un cahier des charges, mais elle a au moins le mérite de ne pas être trop mal avec cette idée d’idéalisme et de pragmatisme qui se complètent. Le seul vrai soucis peut-être c’est que la subtilité du propos est un peu mis à mal par ce grand méchant et la leçon qu’en tire Wonder Woman.


Au-delà du look un peu ridicule d’Arès qui est à la limite de nous faire sortir du récit (ils auraient dû masquer le visage tant qu’il porte son casque qu’il aurait gardé jusqu’à la fin), l’idée selon laquelle il ne pervertit pas tant que ça les Hommes, se contentant de leur fournir les armes pour se battre, laisse finalement place à un certain manichéisme quand Wonder Woman n’en retient finalement qu’une réplique ultra niaise pour conclure le film comme quoi l’amour est la solution à tous les maux (quasiment l’exact opposé de Monster qui se moquait de ce genre de réplique finale). Vu la qualité d’écriture omniprésente durant tout le film, ça sonne un peu trop niais même si c’est parfaitement cohérent avec le parcours de l’héroïne dans ce film.


Un autre point sur lequel je ne suis pas ultra enthousiaste, sans non plus être particulièrement négatif, ça serait les acteurs principaux. Je n’ai rien contre Gal Gadot ou Chris Pine qui ont tous les deux déjà tenu des rôles importants dans des films que j’aime bien mais je n’accroche pas spécialement à leur jeu d’acteur. Par exemple, pour Gal Gadot son air détaché lors des décalages comiques, ses larmes alors qu’un drame se produit, son expression dubitative alors que la confusion la gagne... ça passe plutôt bien mais par contre, la colère ça ne lui va pas trop, on dirait qu’elle pique plus une crise de nerf qu’autre chose.


Ils font plutôt bien ce qu’on leur demande de faire mais sans être spécialement marquant ni constamment efficaces. Je suis plus emballé par des rôles plus secondaires comme ceux tenus par Robin Wright, qui en impose vraiment comme Amazone endurcie rompue à l’art et la manière de combattre ou Saïd Taghmaoui qui apporte une french touch assez appréciable, surtout en VO paradoxalement. J’avais eu le même problème avec Man of Steel mais ici la qualité d’écriture est largement supérieure donc ça compense mieux.


La musique composée par Rupert Gregson-Williams, le petit frère du fameux Harry connu pour son travail sur certains jeux vidéo Metal Gear Solid, si elle n’est pas formidable fait suffisamment bien le travail pour que là encore ça passe assez bien. Et si je ne suis pas très client du thème principal du personnage apparu dans Batman V Superman, son utilisation avec un minimum de parcimonie dans l’OST m’est assez appréciable. Pour le coup, je préfère le travail d’Hans Zimmer sur la question mais ce n’est qu’une légère préférence personnelle.


En dehors de sa fin plutôt maladroite, Wonder Woman souffre de défauts seulement mineurs qui ne l’empêchent pas d’être un bon film de super-héros, le meilleur film du DCU mais surtout un film intelligent et divertissant auquel on osait presque plus croire de la part du concurrent de Marvel qui arrive enfin à se mettre sur les rails avant l’ambitieux Justice League, mieux vaut tard que jamais ?

damon8671
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2017

Créée

le 23 mars 2018

Critique lue 187 fois

2 j'aime

damon8671

Écrit par

Critique lue 187 fois

2

D'autres avis sur Wonder Woman

Wonder Woman
takeshi29
1

Parité (n.f.) : S'emmerder autant devant une super-héroïne (en short) que devant un super-héros

Comme un con je suis allé voir ce truc, moi qui me fous des super-machins et autres hyper-bidules comme de mon premier slip. Mais quand t'entends des femmes dire "Enfin on comprend ce que ressentent...

le 22 sept. 2017

95 j'aime

15

Wonder Woman
MatthieuS
6

Seule la p’ARÈS fatigue le cerveau

Wonder Woman, malgré la recrudescence des films de superhéros sur les dernières années, est un film à part dans le paysage cinématographique hollywoodien et possède un visage différent de ses aînés...

le 9 juin 2017

80 j'aime

30

Wonder Woman
Behind_the_Mask
6

Le féminisme n'est-il qu'un nouveau machisme ?

Entre enthousiasme mesuré et confirmation de certaines craintes, une sortie ciné entre potes est toujours riche d'enseignements. C'est ce que le masqué a retenu de plus important à la fin de ce...

le 7 juin 2017

71 j'aime

24

Du même critique

Mass Effect
damon8671
8

Un début certes imparfait mais à l'univers incroyablement prometteur

Après le formidable succès de KOTOR dont il fut game-director, Casey Hudson veut repartir dans l’espace et répéter les grandes qualités des meilleures productions Bioware déjà existantes mais en...

le 24 août 2013

35 j'aime

11

The Thing
damon8671
9

Matters of trust

Premier film de la trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, série de films d’horreur dans lesquels un mal absolu semble rapprocher l’humanité d’un apocalypse inéluctable, The Thing est l’un des...

le 28 oct. 2023

25 j'aime

3

Super Mario Sunshine
damon8671
8

Ambiance prononcée, gameplay riche et original & réalisation bien vieillissante

J'ai joué à tous les Mario 3D (parce que je les distingue véritablement des Mario 2D) et Super Mario Sunshine est mon préféré parmi ceux-ci, ce qui n'est quand même pas rien vu l'excellence de la...

le 22 oct. 2013

23 j'aime

7