La DA magenta m’a immédiatement attiré l’œil. Un jeu de survie ? Ah, bof. Je les trouve tous pénibles et frustrants. Oui mais là, il y a un truc en plus. Déjà, c’est de la SF. Et avec un concept très intriguant : en Robinson Crusoé de l’espace, nous incarnons Jan Dolski, échoué seul sur une planète hostile. Seul, mais à plusieurs. Il va falloir se cloner, mais pas à l’identique : l’objectif étant de tirer parti des compétences de vos “moi” alternatifs, ceux qui ont fait des choix différents, mais déterminants, au cours de leur vie. Vos alters. Ah oui, sans oublier que vous êtes poursuivi par le Soleil. Pas question de bronzer, si il vous rattrape, vous êtes mort. Ok, j’en suis.
Si vous êtes obligés de faire des tableaux excel pour organiser votre quotidien avec votre compagne/on et vos trois enfants, désespérément en quête d’un créneau pour pouvoir vous détendre avec votre loisir préféré, The Alters n’est pas fait pour vous. Il s’agit d’une course contre la montre. Vous avez littéralement la mort aux trousses en permanence. Ne vous laissez pas abuser par cette phrase nonchalante au début des premières journées : “le soleil est encore loin”. Vous n’avez PAS le temps.
The Alters est un jeu stressant. Si, comme moi, vous le faites en plusieurs fois, il prendra un malin plaisir à vivre dans votre tête. Vous ne pourrez pas vous empêcher d’y penser comme si les tâches qu’il vous reste à y accomplir faisaient partie de votre vie réelle.
Explorer, vite. Vous allez fusionner avec cette touche de sprint. On ne peut pas s’empêcher de sourire lorsque le jeu nous indique qu’il y a une touche pour marcher. Marcher, sérieusement ? On n’est pas là pour se promener ! Trouver des ressources, déterminer le chemin optimal pour connecter les postes de minages à la base. Collecter les ressources, s’en servir pour améliorer la base. Dans ce jeu, vous avez toujours besoin de quelque chose, et il vous manque toujours quelque chose. Malgré tout, le jeu vous donne progressivement toutes les informations dont vous avez besoin pour progresser, pour peu que vous soyez un minimum attentif et que vous n'ayez pas une mémoire de poisson rouge. Et si tel est le cas, le manuel et les didacticiels, qui vont à l’essentiel, sont accessibles à tout moment.
Heureusement, vos alters sont là pour vous aider. Enfin… dans l’idéal. Choisissez bien, les places sont limitées. Je me demande vraiment si, le jour où j’ai choisi de ne pas aider cette vieille dame à traverser la rue, une autre version de moi-même - qui aurait fait le choix inverse - aurait divergé à ce point de ma personnalité actuelle que j’aurais envie de lui coller mon genoux dans les parties génitales. Certains de vos alters se montreront si insupportables que vous regretterez de leur avoir donné vie. Vous pourrez, si vous prenez de bonnes décisions, réussir à en faire des alliés indispensables et même en tirer une grande satisfaction.
Toutefois, à cause de certains choix que vous serez obligés de faire - car imposés par le scénario - vous aliénerez inéluctablement une partie de votre équipage. C’est là que réside la principale frustration occasionnée par le jeu. Vous aurez beau vous démener pour vos alters, peu importe le nombre de massages de la voûte plantaire que vous leur prodiguez, s'ils ne sont pas d’accord avec un seul de vos choix cruciaux, ils vous en tiendront une rancune tenace. En cela, l’illusion qu’on puisse toujours faire le bon choix s’évapore rapidement. En même temps, c’est l’un des thèmes principaux du jeu. Vivre avec ses regrets, assumer ses décisions et aller de l’avant. C'est très résumé, mais c'est l'idée.
En revanche, au moins pendant les deux tiers, je me suis senti en décalage avec le jeu. Le Jan Dolski que nous incarnons s’efforçant de faire preuve d’empathie et d’une certaine dose d’auto-flagellation, alors que je n’avais qu’une envie : libérer certains de nos camarades du poids de leur existence d’une balle dans la nuque. Pas de chance, il n’y a pas d’arme à feu, mais toujours la possibilité de les laisser mourir d’irradiation, enfin j’imagine. Je n’ai pas essayé, on n’est pas dans Les Sims non plus…
On questionnera un court instant la crédibilité d’avoir affaire à des personnalités si différentes les unes des autres résultant juste d’un parcours de vie différent (jusqu’à la voix !), mais on comprend que c’est au service du divertissement et de l’intérêt même du concept. Je n’ai pas réussi à trouver le nom du comédien de doublage français de Jan Dolski, mais si, à l’instar de l’acteur voix officiel du jeu en la personne d’Alex Jordan, il s’est occupé de toutes les voix des alters (et de l’original), alors je lui tire mon chapeau.
Le jeu est beau et bien fini. J’ai eu quelques saccades, surtout au moment d’utiliser le luminateur pour suivre les veines de l’intéral, mais c’est peut-être juste une faiblesse de ma machine. J’ai malheureusement dû recharger une journée à cause d’un Prime Jan Dolski coincé à hauteur des genoux dans le sol et se trouvant incapable de changer d’étage suite à une cinématique.
L’interface est impeccable, le travail pictographique est efficace et agréable. Se promener dans la base se fait en toute fluidité, et l’agencement des différents modules de cette dernière se fait instinctivement. Passer d’une vue d'ensemble à la vue personnage se fait sans coupure. C’est un peu perturbant de trouver nos alters à l’intérieur de la base alors qu’ils sont indiqués comme étant occupés à une tâche assignée à l’extérieur, mais c’est un point de détail.
Mention spéciale aux films (plutôt des courts métrages pour le coup) qu'on récupère au gré de nos explorations échevelées : je m'attendais à un humour embarrassant, mais non, ils sont franchement drôles.
Je ne regrette pas le choix d’avoir joué à The Alters, même si une version alternative de moi s’en serait trouvée certainement plus sereine. Ma voix va-t-elle se mettre à changer ? Vais-je devenir un ineffable casse-couille carrément méchant, jamais content ? L’avenir nous le dira.