Quel serait votre plus beau cauchemar sentimental ?
La torture d’un amour sans amour ?
Des mensonges, les vôtres, qui n’abusent personne et qui vous rabaissent ?
Vos tentatives d’éloignement qui ne font que vous lier davantage ?
L’impossibilité de poursuivre mais l’impossibilité de rompre ?
L’angoisse de l’absence de solution satisfaisante ?
L’oppression de l’inaction ?
D’être coupable des reproches de l’autre mais des sentiments de l’autre d’être tout autant coupable ?
Quel serait votre plus beau cauchemar ?
De comprendre que l’amour n’est pour rien dans les devoirs que vous vous imposez et d’y voir la privation de toutes les autres vies auxquelles vous auriez pu prétendre ?
D’imaginer ces autres vies sans borne et de vous maudire ?
De ne pas regretter de ne pas avoir connu une autre femme mais de regretter de ne pouvoir les connaître toutes ?
D’avoir une âme fatiguée de ces sentiments amers et chercher refuge dans des sentiments contraires ?
Quel serait votre plus beau cauchemar ?
De finir quand même par rompre ?
De conserver à l’autre sa douleur pure, et de conserver la vôtre, morne, solitaire ?
De briser l’être qui vous aime, jusqu’à sa mort, jusqu’à l’horreur d’un adieu sans retour ?
De vous retrouver seul et de vous remémorer les mots du passé comme autant de preuves d’amour, ces paroles assénées qui retentiront longtemps encore ?
Adolphe est bien ce petit chef-d’œuvre de psychologie et d’introspection masculine mise face à ses responsabilités, face à l’incapacité de trouver le bonheur, et d’en donner. Au panthéon du romantisme. Balzac a écrit plus tard que « vouloir nous brûle et pouvoir nous détruit », ce qui aurait pu être le parfait épigramme post-mortem à ce roman de Constant.
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