Carrère, je l'avais bien aimé pour son Limonov. Il faut dire que j'avais 13 ans lorsque je l'ai lu, et j'étais donc facilement impressionable; l'évocation d'un cul était suffisante pour me faire frémir et Limonov me paraissait donc être le parangon de la littérature subversive. Une fois ma culture littéraire acquise, il me fallait remettre Limonov à sa juste place. Un bon bouquin mais à milles lieues des Ellis, Murakami, ou autres Pasolini, et ce d'autant plus qu'il valait plus pour le pittoresque sujet (Limonov donc) que pour la plume de l'auteur (Carrère donc).


Car Emmanuel Carrère est un bourgeois, c'est-à-dire un individu autocentré. Son oeuvre peut se résumer en trois mots: Moi, Moi et Moi; Carrère écrit essentielement sur lui (sauf dans Limonov donc), sur ses problèmes existentiels et, à la limite, sur sa famille et ses amours. Carrère s'aime manifestement beaucoup, il n'y a qu'à voir le contentement qu'il a lorsqu'il est invité à suivre Macron dans ses déplacements à l'international (je suppose que c'est là son Everest personnel, être reconnu comme étant suffisamment légitime pour être l'équivalent d'un gentil toutou qui n'a pas peur de l'avion).


En bon narcisse, Carrère a décidé que l'on devait s'intéresser à sa famille. Surtout à sa mère en fait. Après tout, c'est Helène Carrère, une icône poussièreuse de l'Académie (dont le nom est strictement inconnu de toute personne de moins de 40 ans), ce qui évidemment, fait frétiller les gentils médias qui taxeront ce bouquin de "grande saga familiale qui sait capter l'intime" .


Notez, j'ai écrit cette phrase au hasard, j'ouvre Télérama, on a donc, pour description du bouquin " une admirable fresque familiale.Entre la France et le Caucase, de la fin du XIXᵉ siècle à nos jours, quatre générations de Carrère réunies dans un grand récit à la fois singulier et universel.",


C'est trop facile. Demandez à Chat GPT la prochaine foi, ça vous évitera de vous taper le bouquin (pas sûr qu'ils le fassent nonobstant)


En bon benêt, Carrère livre un récit documentaire, sans véritable recul. Vous savez le recul qu'on peut avoir des Gary ou des Cohen lorsqu'ils contaient leur propre vie, le recul qui fait qu'justement, on passe du journal intime à une véritable œuvre romanesque. Bah non, Carrère offre une description plate et morne de l'enfance, de l'adolescence d'un jeune privilégié. Un question simple me vient: qu'est ce qu'on en a à foutre en fait?


Je sais pas, tout le monde a des problèmes (plus ou moins grands) avec ses darons, tout le monde a une histoire familiale (sauf les orphelins, mais vous avez compris), ce n'est pas pour autant que c'est intéressant. Surtout que le style littéraire de Carrère est bourgeois jusqu'aux ongles, d'un classicisme qui fait bander les fossiles présents à l'Académie Française et bailler les autres. C'est chiant, même l'humour sent les diners mondains à plein nez, avec Germaine qui s'excuse d'avoir pouffé parce que quelqu'un a dit "cul", et où chacun présente ses aphorismes brillants préparésà l'avance pour pouvoir démontrer sa supériorité intellectuelle. Surtout que Carrère parsèmera son bouquin de références historiques et littéraire pour montrer qu'il est intelligent, alors que je crois que, depuis B.E. Ellis, on sait que le name-dropping utilisé autrement qu'à but ironique, c'est mauvais, et que, fréro, t'es pas historien, donc ton avis sur la Russie, on s'en cogne en fait.


Vous voulez des romans sur le même sujet pour voir la différence entre un bon et un mauvais roman? Très bien, je vais vous en fournir: évidemment, Romain Gary, faut-il le présenter? Désolé, mais la mère de Romain est un poil plus romanesque qu'une académicienne réactionnaire ayant fait Science Po (et qui répetera qu'on dit aux Sciences Pos, téma la taile de l'anectode, on s'amuse putain!). Et on voit clairement que l'humour et la décontraction que Gary exhibe sont une mesure de survie, un artifice indispensable et non pas un exercice de style concocté par un mec qui a des mommy issues à la con.

Un plus underground si vous voulez: Lobo Antunes, La Nébuleuse de l'insomnie. Là, on est sur des souvenirs d'enfance de compétition, écrits dans un style absolument indescriptible, une prose foutraque, bordèlique et halluciné. C'est de la littérature pas le journal intime d'un soixantenaire en crise existentielle.

Un dernier pour la route? Mia Couto, La Cartographie des Absences. Là, on a un récit sur les souvenirs d'un gosse en pleine guerre du Mozambique, ça a un peu plus de cuisse que les contes que maman racontait sur l'horrible Staline.


Il y a tellement à lire, pourquoi perdre du temps avec ce genre de merde?

SallyC
1
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le 26 sept. 2025

Critique lue 56 fois

SallyC

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