Il arrive parfois qu’un roman soulève une question essentielle, mais peine à en faire un bon récit. C’est l’impression que m’a laissée Le Cercle de Dave Eggers. Un roman ambitieux, certes, mais qui, à mes yeux, n’a pas su transformer son potentiel en expérience littéraire marquante.
Le sujet est on ne peut plus actuel : que reste-t-il de la liberté quand tout devient transparent ? Le roman dresse un portrait glaçant d’un monde hyperconnecté, où la surveillance est présentée comme un progrès, et le contrôle comme une forme de bienveillance. L’idée est forte. Mais rapidement, elle tourne à la démonstration. L’univers décrit manque d’ambiguïté, et devient presque un cliché dystopique : l’entreprise omnipotente, les employés déshumanisés, les slogans creux. J’aurais aimé plus de subtilité, plus d’ombre dans ce tableau déjà très sombre.
Mae, l’héroïne, m’a laissé perplexe. Non pas parce qu’elle fait des choix discutables — cela aurait pu être passionnant — mais parce qu’elle semble agir sans véritable profondeur. Elle incarne une idée, plus qu’un être humain. Et c’est là un problème : dans une dystopie, ce sont les failles, les hésitations, les tensions internes qui donnent chair à l’univers. Ici, tout est trop lisse, trop programmé. Et cela finit par affaiblir l’impact émotionnel du roman.
Le style d’Eggers est efficace, mais sans grande saveur. Il dit, il décrit, il expose. Mais rarement il fait ressentir. Il manque cette étincelle, ce souffle narratif qui transforme une idée en expérience sensorielle. Le rythme, quant à lui, oscille entre lenteur et précipitation. À plusieurs reprises, j’ai eu l’impression que le roman se répétait, comme s’il cherchait à convaincre à force d’insistance.
Je ne nie pas l’importance du sujet. Eggers pose de vraies questions, et certaines scènes frappent juste. Mais à vouloir marteler son propos, il en affaiblit la portée. Plutôt que de provoquer la réflexion, il impose une vision. Et cela crée une distance, voire une lassitude. Comme si l’auteur ne me laissait pas l’espace d’avoir ma propre lecture.
Je referme Le Cercle avec le sentiment d’un rendez-vous manqué. Tout y était pour en faire une dystopie marquante : un thème fort, une critique pertinente, un cadre glaçant. Mais la forme n’a pas suivi. Trop démonstratif, pas assez incarné. Une lecture qui laisse plus de questions sur ce qu’elle aurait pu être, que sur le monde qu’elle dépeint.