No Logo
7.8
No Logo

livre de Naomi Klein (1999)

Capitalisme, société de consommation (même combat) : JE VOUS HAIS

Dans ce « No logo », écrit 2000 (donc avant les GAFA et l’explosion d’internet), Naomi Klein, s’intéresse aux grandes marques, aux multinationales (essentiellement nord-américaines) et montre comment elles ont réussi à s’immiscer dans nos vies et nos cerveaux pour devenir « indispensables » et incontournables… Certes ce n’est pas nouveau, c’est ce qu’on appelle la société de consommation mais depuis les années 80 cela prend des proportions gigantesques.
Bien évidemment certains chapitres sont consacrés à la publicité et aux sommes astronomiques dépensées (1), à l’importance des logos et de l’image, aux sous-traitances et délocalisations (à un point tel que souvent il ne reste plus que le siège social et quelques services aux Etats Unis toute la partie production étant parti – dans des sociétés qui malgré leur puissance ressemblent à des coquilles vides mais qui sont désormais implantées un peu partout dans le monde), au travail des enfants aux quatre coins du monde, là où la main d’œuvre est la plus rentable (parfois moins d’un dollar par jour), aux méthodes autoritaires voire le diktat qu’elles imposent, notamment sur les normes et les conditions de travail. Des marques aux agissements machiavéliques.
Le pillage des pays en voie de développement, la déforestation (et plus généralement le désastre écologique causé), le déplacement des populations autochtones (par exemple au Nigéria) ne sont pas oubliés.
De même que les conditions de travail dans les pays « délocalisés » mais aussi aux Etats-Unis au sein même de la pieuvre Walmart, qui en 1999 était la société qui employait le plus de salariés dans le monde.
Naomi Klein montre aussi comment certaines de ces marques (Nike ou Coca notamment) ciblent le marché des jeunes et des « branchés » à travers le sport (le basket essentiellement aux USA) et ses stars véritables ambassadeurs de ses marques…avec tous les produits dérivés qui vont avec, et parfois également les rocks stars.
Par exemple, parmi d’autres, Bono chantre de l’antiracisme, de la solidarité entre les peuples, de l’écologie et d’une certaine éthique et qui n’hésite pas à faire de la publicité pour sa marque de fringues RED lancée en grande pompe et surtout relayé par quelques mastodontes du capitalisme (APPLE, GAP, Armani), avec achat d’écrans géants dans les grandes villes américaines (mais c’est pour la bonne cause bien sûr, la lutte contre le paludisme et le sida ! ) (2)
De manière générale ces sociétés ont compris qu’il était indispensable d’attirer un nouveau public (ado, jeunes branchés rap ou rock, sportifs et individus issus du monde culturel et artistique)
Et bien sûr premiers visés les enfants qui ont toujours été la cible privilégiée des spots publicitaires (Mac Do, Disney…).
Difficile de tout passer en revue tant cet essai est d’une grande richesse et évoque tous les aspects nuisibles de ces ogres capitalistes.
En général ces thèmes sont assez connus du grand public mais il était bon de le rappeler.
Toutefois j’ai essayé de consacrer une partie de ma chronique à un aspect moins connu et moins visible et qui pourtant personnellement qui m’a le plus intéressé c’est à dire la partie consacrée aux activités de plus en plus importantes qu’ont certaines multinationales dans le domaine de la culture, notamment à travers le mécénat (mais c’est également valable dans le rock à travers les télévisions tels MTV ou les grands festivals sponsorisés par des marques de sodas) . Entre le sponsoring de plus en plus fréquent des festivals de pop/rock et les gros labels qui ont un quasi-monopole sur la production musicale on peut dire adieu à l’indépendance du rock (même s’il reste encore des circuits indépendants et des labels alternatifs). La volonté d’avoir la main mise sur la culture de masse et de de ramener dans son giron ce qui est « underground » ; par exemple Naomi Klein explique bien la façon dont les « rebelles » du rap se sont faits, dans leur grande majorité, récupérés par des grandes marques (de chaussures ou de fringues).
De prime abord pas la plus dangereuse des activités…et pourtant ! Et aussi l’occasion d’apparaître sous un aspect plus positif, d’avoir une visibilité différente et de toucher de nouveaux publics plus "culturel/artistique".
Car à travers ces actions de mécénat loin d’être désintéressées, car en plus d’avantages fiscaux non négligeables, ces marques ont trouvé là une belle occasion de se faire de la publicité (on l’a vu en France où tous les grands groupes se sont empressés d’annoncer qu’ils mettraient la main à la poche pour participer aux travaux de Notre Dame) tout en prenant la main mise sur la culture et donc sur la programmation d’expositions dans les musées (évidemment il y a bien quelques mécènes philanthropes mais combien sur 100 ?)
Restauration d’œuvres ou sites en péril mais aussi « naming »(3) de salles de musées quand ces multinationales ne créent pas elle-même même leur propre musée ou « fondation » (et parfois aussi leur propre média).
Alors bien sur cela paraît très sympathique de remettre en état de vieux tableaux ou de sponsoriser des expositions mais encore une fois ce n’est pas gratuit et ce sont des pans entiers de notre culture et de notre patrimoine qui sont ainsi spoliés car nombre de mécènes participent aux conseils d’administration et influences grandement sur la programmation proposée. Quant à MTV on sait qu’il n’a pas hésité à intervenir pour censurer un clip ou pour demander des modifications dans celui-ci.
En « investissant » dans le culturel ces multinationales cherchent encore davantage à nous conditionner et à choisir pour nous nos loisirs. (4)
Et bien sûr ce livre montre que pour ces sociétés toutes ces actions et ces nouvelles stratégies marketing et autres (sponsoring, publicité, délocalisation) n’ont qu’un but : nous faire acheter toujours plus et pour eux faire davantage de profits.
Car cet ogre corporate tel une véritable pieuvre cherche à s’immiscer dans tous les domaines de notre vie. Et ce n’est pas les nouveaux ogres Google ou Amazon qui me feront écrire le contraire !
« No Logo, la tyrannie des marques » est donc une "bible", une véritable mine d'or, un livre indispensable, ultra documenté et argumenté avec soin à travers des exemples précis, qui montre comment les marques ont pris le pouvoir, comment elles sont omniprésentes dans nos vies, comment il est difficile de leur échapper mais comment la résistance peut (et doit) s’organiser, qu’une alternative est possible. Pour produire et consommer différemment
Car la prise de pouvoir de multinationales tels Pepsi, Nike, Mac Donald ou autres n’est pas une fatalité et s’attaquer à ces monstres c’est aussi s’attaquer au capitalisme et à ses effets dévastateurs à tous les niveaux
Ici point de théorie du complot nébuleux ou autres délires paranoiaques, il s’agit juste de dénoncer ce que le capitalisme a de pire.
A lire absolument même si on n’est pas obligé d’être d’accord sur toutes les analyses (mais si on est capitaliste et qu’on cautionne ce type de multinationales tentaculaires il faut en assumer le choix, prendre ses responsabilités et accepter les ravages et autres conséquences qu’elles font subir aux individus et à la planète et les répercussions sur nos vies).
PS : les grandes multinationales et leurs dirigeants ont compris depuis longtemps que pour maintenir ce système il fallait diviser les peuples et les dresser les uns contre les autres à travers le nationalisme et le racisme et tout en faisant l’apologie du libéralisme et du nationalisme ces grands patrons ont compris que les profits n’avaient pas de frontières, aussi les grands capitalistes appliquent, eux, depuis longtemps l’internationalisme et laissent le patriotisme aux travailleurs.


(1)Alors que Nike dépensait moins de 30 millions de dollars US de publicité en 1987, le chiffre atteint la somme de 500 millions de dollars US en 1997
(2) Voir l’autre essai de Naomi Klein « La stratégie du choc » (Ed. actes sud) où elle épingle Bono (pages 298 et 299)
(3)Naming : donner son nom, pratique courante pour des stades, musées…
(4)Autres lieux où elles essaient de s’implanter massivement : les écoles et les universités

nico94
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le 31 janv. 2020

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