Leleul de SC vient de me faire découvrir cette citation dans son texte sur un autre roman violent de Crews, 'Le Chanteur de Gospel' : « Harry Crews est le Jérôme Bosch du roman noir. »
_"Cette formule de Jean-Bernard Pouy prend toute sa saveur à la lecture du Chanteur de Gospel. Le roman est d'abord une incroyable galerie de freaks, d'illuminés, d'estropiés, de rednecks, d'affreux, de dingues, de criminels... Et pourtant, Harry Crews évoque cette cour des miracles avec suffisamment d'humour pour nous les rendre tous attachants et magnifiques malgré leur abjection."
Ce passage de Leleul de SC m'a de suite rappelé ce que j'avais ressenti, éprouvé et aimé à ma découverte de 'Nu dans le jardin d'Eden'.
Personne me croira mais j'avais aussi déjà pensé seul à Jérôme Bosch en lisant Crews, notamment pour 'Le roi du K O' où sa première scène démente rappelle le début fou de 'Babylon' de Damien Chazelle et les cabines en soute d'un yacht de luxe sont de vraies bulles de Bosch à pervers et monstres...
'Le Roi du KO' commence par une longue scène criarde rappelant les réunions de foules délirants dans les Mad Max dont 'Fury' mais où le Immortan Joe serait ici remplacé par un tout maigre Daniel Emilfork à la peau crouteuse, qui même si tenu en laisse...est en fait tout aussi dangereux car très riche et pervers.
La scène similaire dantesque dans Dans Nu dans le jardin d'Eden, serait plutôt à la fin....elle implique une Jabba le Hutt mais humain.
'Nu dans le jardin d'Eden' est l'histoire de tout un énorme quartier qui fût un temps créé quasi ex-nihilo et prospère car une mine grossissante y était exploitée...puis elle a fermé et c'est devenu une ville fantôme, toujours surplombée d'énormes voies d'autoroutes ...surplombé un peu comme le quartier de Tom Cruise dans La guerre des mondes. Dans son autre chef d'oeuvre, Car, (où un homme décide de manger une voiture), Crews installe aussi la carrosserie des parents du héros en dessous de ce même genre d'immenses autoroutes en forme de Pont de Millau en béton.
Maintenant que je l'ai fini, je trouve le titre parfait: du Robert Altman visuel au montage à la Short cuts, entremelant les parcours de plusieurs voisins;
mélangé à du Mocky mais qui serait maitrisé et pro (ses freaks me manquent...);
teinté de l'atmosphère de Freaks de Browning (quoiqu'avec aussi un ton à la P'tit Quinquin mais américain);
Et avec ses dunes de gravât, il m'a aussi rappelé avec plaisir les terrils de Luc Moullet...
Avec une touche finale de Roland Topor et son chef d'oeuvre visionnaire (bien avant Ruben Ostlund ): Le sacré livre de Proutto (sur une île soumise à un visiteur dictateur et abuseur)...cette île de Topor me rappelle le quartier isolé de cet Eden où le magnat, gros propriétaire de tout, est aussi physiquement obèse au point d'être immobile et devoir être totalement aidé pour tout...bien sûr, son majordome est un nain hyper musclé, passionné de chevaux, passant son temps libre à chevaucher un cheval en bois devant sa télé pendant les courses.
Ils finissent menacés par une version féminine de Bloom dans Night Call: une foldingue illuminée qui a d'énormes ambitions de transformer le quartier en Center Parc Mad Max-esque.