Rhinocéros
7.2
Rhinocéros

livre de Eugène Ionesco (1959)

De la Littérature, de la vraie. Sans se départir de cette touche d'absurde qui caractérise son travail, Ionesco signe l'un des plus formidables pamphlets contre le totalitarisme qui puisse exister.

Le point de départ est sublime : des gens vivent au jour le jour quand un rhinocéros passe. De fil en aiguille, chacun, de l'intellectuel au fonctionnaire, vont se laisser séduire par l'effet de masse, par l'envie de rentrer dans le troupeau pour ne pas être différent. Inutile de dire qu'on lit entre les lignes les mots "nazisme", "fascisme", "unicité", que n'aurait pas renié un certain Georges Orwell. Ionesco ne cherche pas à être subtil, il cherche à prévenir : la diversité est quelque chose de beau, et l'uniformisation n'apporte rien de transcendant à la vie. C'est autant un cri d'amour envers son propre style décalé qu'envers la liberté, qu'il a longtemps lorgné de l'oeil dans sa Roumanie communiste natale avant de connaître la guerre.

D'autant que Ionesco n'abandonne pas pour autant son humour un peu froid, un peu cynique, basé davantage sur les situations que sur les mots. Le crescendo du drame à venir n'est pas sans rappeler La Leçon, à la différence que l'ambition de l'écriture est bien plus importante - et maîtrisée - ici. On est certes loin du jusqu'au-boutisme absurde de La Cantatrice chauve, mais Ionesco gagne en engagement ce qu'il perd, peut-être, en originalité. En ces temps un peu difficiles où les mentalités se rejoignent et se confondent dans des propagandes douteuses à droite comme à gauche, Ionesco n'a jamais autant semblé tristement d'actualité.

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le 18 janv. 2014

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Cinemaniaque

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