Malgré mon titre bien lourdingue, j’ai un avis assez nuancé sur cette première série estampillée Alien, que j’ai plutôt appréciée dans l’ensemble. Ok, ce n’est pas un chef d’œuvre, mais ce n’est pas non plus un visionnage insupportable au point de souhaiter s’arracher les yeux (repose en paix, sens de la mesure). Disons que je préfère voir le verre à moitié plein (peut-être à tort, je vous laisse en juger).
Le premier point positif que je relève, c’est tout d’abord la qualité visuelle de l’œuvre. Les décors, les FX et les costumes sont à un niveau quasi cinématographique, pour la plupart. Même si on peut regretter un certain manque d'originalité dans le décor du vaisseau Maginot qui ressemble pratiquement trait pour trait au Nostromo et y voir là une occasion manquée de faire quelque chose de plus original (puisque c'est un vaisseau différent), sa fidélité et sa crédibilité sont à saluer.
L’autre bonne intention qui déçoit un peu dans son exécution, c’est le rendu du Xénomorphe. On sent un peu trop qu’il s’agit juste d’un mec dans un costume, surtout quand il est filmé en pleine lumière du jour (!). Tous les défauts ressortent alors, comme les plis aux articulations qui crient “silicone !”. La combinaison aurait aussi méritée d’être un peu plus dégoulinante, pour lui donner un aspect plus organique, comme la créature du premier film. Sans trop en dévoiler, les autres aliens sont une belle réussite, leur design et comportement faisant écho à nos peurs et dégoûts primaux. Amusant de se dire que même un “simple” mouton fait plus peur que le fameux Xénomorphe. Dommage cependant que leur “pay off” fasse un peu l’effet d’un pétard mouillé.
En fin de compte, c’est dommage que le monstre le moins réussi de la série soit celui qui a rendu la franchise culte. L’effort de le faire en effet pratique sur la plupart des plans est louable, mais on frise l’effet de com’. La CGI tant diabolisée ces derniers temps peut donner des résultats formidables, si bien faite, avec du temps et du budget, ce dont la série n’a pourtant vraisemblablement pas manqué.
On assiste au début de chaque épisode à une sorte de générique/résumé de l’épisode précédent que j’ai trouvé plutôt sympa pour ma part. Il aurait peut-être mérité quelques répliques en voix off pour donner un peu plus de contexte aux plans qui sont censés rappeler les événements passés. Pour une franchise souvent critiquée pour son manque d’originalité, je trouve regrettable d’étriller l’expérimentation du réalisateur sur cet aspect.
L’ambiance musicale se fait discrète tout au long du visionnage, hormis en fin d’épisode où le choix se porte systématiquement sur un morceau de métal en clôture, comme TOOL ou Black Sabbath. J’ai trouvé cette superposition sur cet univers intéressante, d’autant que je connaissais et apprécie la majorité des chansons sélectionnées. Ça semble un choix un peu gratuit, mais on peut y voir un écho à une sorte de rébellion juvénile naissante… La jeunesse qui se sert de sa colère pour prendre le contrôle. Mais ce n’est là que mon interprétation à deux ronds.
La caractéristique principale des scénarios d’horreur bas de gamme, ce sont les personnages au comportement inepte, qui prennent toujours les pires décisions au pire moment, vous connaissez. Ici, on n’échappe pas à ce genre de scènes mais cette fois-ci, certains protagonistes sont des enfants. Donc, en lieu et place de l'habituel soupir d’exaspération de rigueur face à une énième décision prise au mépris de l’instinct de survie, je me posais la question suivante : “est-ce qu’un enfant ferait ça ?”. Parce que oui, les enfants ne sont pas, par définition, les crayons les mieux taillés de la trousse. Mais ce sont des idiots pardonnables, de par leur jeunesse. Alors est-ce que ça a marché ? Dans l’ensemble, je dirai plutôt que oui. L’expérience de la vie à partir de laquelle découlent la sagesse, la lucidité, le bon sens… Toutes ces choses qui sont censées caractériser un adulte (j’ai bien dit censé), ils ne les ont pas acquises. Sans oublier qu’ils pensent clairement être invulnérables, ce qui exacerbe leur imprudence et leur témérité. Ça reste des abrutis, on est d’accord, mais au moins, pour une fois, on peut se dire que c’est plus ou moins justifié.
Là où la suspension d’incrédulité prend une grosse gifle, c’est quand on se penche sur la sécurité des laboratoires et des zones de confinement des corporations. D’accord, Wayland est connue pour n’avoir aucun respect pour la vie de ses employés (et Prodigy est calquée dessus), mais ça n'explique pas pourquoi rien n’est fait pour que les missions soient un succès, avec par exemple un équipement adapté ? Même un frigo Listo est équipé d’une alarme quand la porte reste ouverte trop longtemps. C’est à se demander comment ces entreprises sont devenues des superpuissances, vu que la notion d'investissement semble absente de leur stratégie. Bref, inutile de se faire des nœuds au cerveau, les diverses carences en sécurité ne sont que le résultat d’un manque d’imagination des auteurs dans l'écriture des moments de tension. Le soupir d'exaspération revient donc au galop.
Tradition oblige, qui dit Alien dit héroïne forte. Même si la notion de “femme” est ici remise en question par le scénario lui-même, le moins qu’on puisse dire, c’est que Wendy/Marcie est forte. Elle l’est peut-être même un peu trop, à tel point qu’on a du mal à avoir peur pour elle. La mesure du courage ne se fait qu’à l’échelle du danger, et on se demande ce qui est susceptible de l’inquiéter. Un comble.
Là où ça pêche un peu, c’est qu’on a du mal à s’attacher à un personnage en particulier. Celui dont on souhaite la survie envers et contre tout, à l’image de Ripley. Les enfants sont clairement supposés remplir ce rôle, Wendy à leur tête. Malheureusement, l’écriture ne leur fait pas complètement justice. Exercice toujours délicat quand il s’agit de dépeindre des enfants qui doivent être crédibles, mais attachants, on évite tout de même le pire. On peut citer en exemple Bode Locke, de la série Locke and Key, insupportable tellement il est con comme une table. Mais on tombe assez loin de personnalités réussies comme dans Ça.
Peut-être que si la série nous avait fait passer plus de temps avec les enfants avant leur transition à l’état d’hybride, notre attachement aurait été plus fort, sans parler de l’intérêt pour les acteurs reprenant le rôle des véritables enfants, qui auraient eu alors plus de matière pour se fondre dans leur personnage. Nous aurions pu développer pour eux une tendresse qui aurait démultiplié notre peur pour leur vie.
Cela dit, on évite la catastrophe avec des “héros” loin d’être antipathiques. Les acteurs sont inégaux, sans être mauvais. Ceux qui incarnent Smee et Slightly sont pour moi ceux qui jouent le mieux. À contrario, à aucun moment on ne voit une petite fille traumatisée quand on regarde Nibs, hormis le fait qu’elle se trimballe avec une peluche. Elle a juste l’air d’une jeune femme bien flinguée.
Reste Hermit, le frère de Marcie, qui peine à convaincre à cause d’une écriture inexplicablement laxiste dans le traitement de son personnage. Il se trouve incapable de justifier son acte face à l’une des répliques les plus stupides que j’ai jamais entendu :
Toi qui est médecin et mets donc la vie au dessus de tout, pourquoi tu ne nous a pas laissé tuer ?
Pas verbatim, mais c’est l’idée. Invraisemblable.
Le reste des personnages sont tous des ordures, mais c’est une caractéristique de l’univers d’Alien, où il n’y a pas vraiment de gentils mais plutôt des gens naïfs (ou cons, comme dans Prometheus) qui se font rapidement bouffer, souvent au sens littéral du terme. Parmi ceux qui bénéficient d’un traitement correct, on peut citer Morrow, qui n’a plus que sa mission et sa réussite pour donner un sens à sa vie.
Le synthétique Kirch part avec l’avantage considérable d’être joué par Timothy Oliphant, donc forcément ça marche. Même avec sa poker face tout du long, il arrive à faire passer un tas d’émotions. Pour un personnage qui n'est pas censé en avoir, c’est quand même un tour de maître. J’ose même dire qu’il est meilleur que Michael Fassbender, qui était une vraie tête à claque dans son rôle. Oui, je suis un bandeur de Timothy Oliphant, qu’est ce que vous allez faire ? Blague à part (ou pas), sa présence est un vrai plus qui m'a motivé à regarder la série, et ça se concrétise vraiment.
Enfin, Boy Kavalier, le patron de Prodigy, manque un peu de finesse. On veut clairement qu’on le déteste et c’est réussi, mais on tombe presque dans la caricature.
Depuis Prometheus, la saga Alien se fait synonyme de branlette intellectuelle - avec des réflexions philosophiques pas dénuées d'intérêt mais traitées grossièrement - et on n’y échappe pas ici non plus. Par chance, on ne se farcit pas une énième métaphore d’Alice au Pays des Merveilles. Cette fois-ci c’est Peter Pan qui s’y colle. Moins qu’une métaphore, c’est plus une comparaison de contexte, avec Boy Cavalier en Peter, Marcie et les enfants en Wendy et les garçons perdus, et Morrow en Capitaine Crochet. Bon, pourquoi pas… À part un clin d’œil à Disney, l’intérêt reste tout de même flou.
Difficile de juger de la portée du scénario à l’aune de la première saison d’une série qui a l’ambition d’en compter cinq. Je ne suis pas assez fan de la saga, et pour une question de préservation de ma santé mentale, je préfère éviter de me demander si elle s’insère correctement dans l’univers établi (dont je sais que la cohérence est déjà mise à mal par Prometheus et Covenant).
Je la recommande à un public pas trop exigeant qui saura apprécier le visuel et pardonner les habituelles ficelles de l’histoire d’horreur moyenne.