Mini-série, maxi regard. Les Disparues de la gare prend un fait divers ultra-médiatisé et choisit de le raconter depuis celles qu’on a trop souvent réduites à des initiales et des gros titres. On suit la traque sur vingt ans, mais surtout les vies percutées autour : mères, sœurs, amies, flics qui bataillent avec des institutions lentes et des réflexes d’époque. Le pari est clair dès l’intention de la créatrice Gaëlle Bellan : parler de la violence systémique faite aux femmes sans voyeurisme, en redonnant la place aux victimes et à leurs proches. Et le résultat, pour une fois, tient parole.
Diffusée sur Disney+ depuis le 8 octobre 2025, la série (6 épisodes, créée par Gaëlle Bellan et réalisée par Virginie Sauveur) s’empare de l’affaire de Perpignan avec une mise en scène précise, un sens du tempo et une vraie pudeur. Pas d’esthétique du malsain, pas de fétichisation du crime : on cadre les visages, les silences, la fatigue. La musique de Saycet accompagne sans appuyer, la chronologie respire, et l’ensemble reste lisible malgré l’ampleur temporelle.
Côté interprètes, c’est solide et juste. Camille Razat fait exister Flore, jeune enquêtrice qui apprend à naviguer dans un environnement masculin et rugueux, sans arc héroïque facile. Mélanie Doutey incarne une mère qui refuse de devenir simple symbole : dignité, colère sourde, obstination. Patrick Timsit et Hugo Becker complètent un quatuor qui ne tire jamais la couverture à lui. Là encore, l’écriture veille à ne pas déplacer le centre de gravité vers les flics : on reste à hauteur des femmes, des proches, de ce que la disparition fait à une ville entière.
La série s’appuie sur le réel — trois meurtres entre 1997 et 2001, une disparue en 1995, une résolution tardive et partielle — tout en assumant la fiction pour combler les angles morts de l’enquête et parler de l’après, du deuil impossible. Le didactisme pointe parfois (deux ou trois dialogues surlignés, quelques tics de “true crime” télé), mais le geste global reste net : réparer le regard.
En bref : un true crime à contre-courant, qui préfère la mémoire aux frissons. Et qui rappelle, sobrement, que si les crimes sont spectaculaires, leurs ondes de choc, elles, durent.