Star Wars: Visions
6.3
Star Wars: Visions

Anime (mangas) Disney+ (2021)

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Imaginez que l’on vous propose de lier l’unes des licences qui vous ont forgé et ont nourri votre imaginaire au fil des années, avec l’un des médias qui vous a le plus biberonné et qui est devenu, en quelque sorte ce compagnon droïde qui vous accompagne partout ou vous allez. Maintenant mettons que ceci est annoncé et se produit bel et bien à votre plus grand bonheur : sachez que c’est désormais une réalité pour beaucoup qui voit ici l’une des rencontres les plus improbables et au plus grand potentiel créatif possible entre la licence Star Wars et l’animation japonaise.


Si ceux qui pestent quant à la très forte exploitation de la licence ne manquent pas, surtout suite aux multiples séries annoncés pour la plateforme Disney+ (notamment après le succès de The Mandalorian), ça n’est pas pour autant une fermeture à l’imagination, aux bonnes histoires et aux belles images. D’autant que s’il y a bien une licence rachetée par Disney qui se prête parfaitement à l’animation, c’est bien Star Wars tant l’imaginaire développé depuis plus de 40 ans est gigantesque. Chevaliers Jedi et Sith aux milles et unes légendes, les cristaux Kyber, les époques qui se suivent que ça soit celle de la domination impériale comme celle de la Nouvelle république ou des temps plus reculés et cryptés, sans parler des destins égarés dans l’immensité galactique et surtout du fait qu’on se détache là encore de l’histoire des Skywalker, en ayant les mains libres pour raconter ce que l’on veut sans se soucier trop en profondeur de la continuité avec les canons habituels de la saga.


Ensuite à côté il y a mille et une raisons pour décrire tout ce que l’animation japonaise est capable de proposer aux travers de ses nombreux studios sur cette première alliance. Ce ne sont pas moins de 7 studios, dont 3 particulièrement reconnus par les afficionados en animé japonais, qui sont contactés pour se réapproprier l’univers en y insufflant leur style graphique, leur personnalité et bien sur leur propre lecture. De la même manière que les artistes de Pixar proposent des alternatives visuelles via les Sparkshorts et que ceux de Walt Disney Animation Studio expérimentent avec les Short Circuits en vu de leur usage dans leurs prochains classiques d’animation, on a le droit d’y croire quant aux possibilités visuels et narratives qui sont proposés ici avec ces 9 productions animés venus du pays du Soleil levant.


Le premier d’entre eux, Le Duel, animé par les artistes de Kamikaze Douga (surtout connu pour avoir créer les génériques des 2 premières saisons de l’emblématique Jojo’s Bizarre Adventure), renouvelle dans la forme l’inspiration majeure de Star Wars aux films de samouraïs avec bien sûr le déifié Akira Kurosawa infiniment cité, notamment Les 7 samouraïs mais également le film de sabre plus traditionnel avec ses gimmicks qui en sont repris (les lents plans sur le mouvement du Ronin en combat, les espaces larges avec un guerrier avançant devant un nuage de poussière le dévoilant, etc…). Somptueusement mise en image par une esthétique à la sauce manga ou le côté papier des décors est très accentué (le noir/blanc et leurs nuances n’étant entrecoupé que par les lasers et les lumières non naturelles) mêlant les plans lent et contemplatives sur le samouraï mutique, c’est avec la cohabitation harmonieuse des éléments de science-fiction dans ce cadre typiquement japonais que Le Duel nous accroche. Il se permet des sonorités musicales et des chœurs très différent des compositions habituelles de Star Wars, et exploite très efficacement son cadre (le matériel de combat étant bien sûr très fantaisiste), y compris pour son principal combat au sabre laser au dynamisme et aux tons fourbes et détachés du code Jedi. Son héros mutique est d’ailleurs tout aussi réussi, étant dans la lignée des héros gris : son intérêt personnel et sa cible de choix restreignant ses raisons de prendre part au combat


(les cristaux de kyber rouge le désignant immédiatement comme un exterminateur de Siths malgré la couleur de son Katana laser)


mais son dernier geste nous encourageant à vouloir en savoir plus.


Vient ensuite un deuxième épisode très différent tout droit sorti de chez Studio Colorido (studio de sous-traitance qui a surtout bossé sur des Original Net Animation Pokémon), puisque le ton y est plus familial et léger avec un chara-design en mode Chibi et qu’il suit un Padawan reconverti en guitariste au sein d’un groupe peinant à se faire un nom. Déconcertant au premier abord, moins marquant que ce qui suivra, il n’en est pas moins agréable à découvrir d’autant qu’il est agrémenté d’un sympathique morceau musical. Et qu’il se distingue de ses confrères animés en montrant une autre voie que la lutte habituelle pour le jeune Padawan et ses amis musiciens. Cela implique de revoir Boba Fett perdre un peu de la splendeur que la saison 2 de The Mandalorian avait su lui redorer, mais rien que pour voir Jabba battre de la queue sur le rythme d’une musique entêtante et un hutt jouer de la gratte, ça ne se refuse pas.


Le troisième d’entre tous vient tout droit des studios Trigger (Kill la Kill, Little Witch Academia), et est directement réalisé par l’exubérant et inimitable Hiroyuki Imaishi qui reprend un concept de base éculé mais fait ce qu’il fait de mieux : y aller en mode full « rien à péter de la mesure, on va s’éclater comme on sait si bien le faire et ils en auront pour leur argent » et dans le cas d’un duel fratricide entre deux jumeaux nés du côté obscur de la force, c’est le panard total. Même si le frangin est grosso modo Lio Fotia (voir Promare) en mode guerrier noir sur la voie de la rédemption, sa direction artistique transpire totalement la "Trigger touch" durant ses meilleurs jours dans ses choix de couleurs très limpide, dans ses décors et son environnement représenté de manière très géométrique (dont l’un des derniers plans n’est pas sans rappeler Star Wars Episode VIII : Les derniers Jedis). Avec un soin du petit détails visuel qui va avec, et dans la grande liberté de mouvement des personnages lors des combats au sabre laser et dans l’espace, c’est un délice de tous les instants qui fait même accepter la plus improbable incohérence du truc


(impossible que Karre ou Am puissent respirer dans l’espace sans leur casque, mais ça finit par devenir qu’un détail technique à côté de tout le reste).


C’est aussi théâtral que très définit dans sa colorimétrie, dénué de complexe dans sa manière de faire et son déroulement, et il se donne même le luxe d’engager Michiru Oshima la compositrice sur la première adaptation animée de Fullmetal Alchemist pour la musique. Un grand moment de jouissance !


Parmi les courts qui se distinguent et reprennent de très belle manière les leçons de l’univers Star Wars, The Village Bride (La Mariée du Village) n’a pas à rougir. Mettant en scène une Jedi en fuite après l’Ordre 66, Kinéma Citrus et son réalisateur Hitoshi Taga font l’éloge du rapport entre l’homme et leur planète par le biais du couple en plein mariage cérémonial. La fameuse Magina, sous les airs enchanteresse d’Emi Evans et les couleurs ainsi que le design des personnages plus doux, fait directement écho à la Force qui est l’essence même de la raison d’être des Jedis par le rôle qu’il joue sur une échelle plus réduite : là ou la Force existe partout même à travers l’intangible, la Magina est une croyance locale mais tout aussi pertinente par la confrontation aux souvenirs du couple récemment formé et particulièrement nostalgique vis-à-vis de leur environnement. Si les dialogues ne sont pas toujours très fins, le parallèle entre ce qu’a perdue la Jedi suite à la Guerre des Clones et ce qu’a perdu la planète et ses habitants par cette même guerre conforte dans ce ton général à la fois mystique, teinté de douleur et d’appréhension mais également de reconstruction.


C’est ensuite à Production I.G. de reprendre la mythologie à sa manière, sachant qu’ils sont bien loin d’être à leur première essai dans la science-fiction en animation (Ghost In the Shell Stand Alone Complexe et Psycho-Pass, regardez-les). Se déroulant bien des années après le dernier film de l’ennéalogie Star Wars, il propose une relecture des Jedis et des Siths de manière assez ingénieuse par le biais du sabre laser : qui est devenu ici une arme oubliée et dont les Jedis comme les Siths ont oublié la manière de le construire depuis que les deux ordres ont disparus. Cet épisode n’est pas sans nous rappeler la leçon essentielle au sein de l’ordre vis-à-vis du sabre :



Cette arme est ta vie.



Ici, la brillante petite idée choisie est celle de montrer le sabre laser réagir à son porteur quant à savoir de quel côté de la Force il est réellement et quelle forme de vie manie l’arme : servant aussi bien à démasquer les traîtres ou ceux qui se sont égarés sur la voie de la Force, qu’à définir par le prisme de l’héroïne Karra si elle est prête ou non à suivre la voie des Jedis. Même si cet épisode est plus terre à terre du côté de ses designs, Kenji Kamiyama exploite très bien les moyens à sa disposition dans les combats, courses-poursuites et la petite activité d’exploitation du cristal Kyber de la planète Hy Izlan permettent de confirmer sa consistance et sa belle relecture en plus d’être, là encore, digne d’un bon point de départ d’une série animé SW si on venait dans l’avenir à donner carte blanche à ces studios.


Le studio Science Saru, surtout connu pour les travaux de Masaaki Yuasa, va, de son côté, s’amuser également à jouer sur la balance entre style graphique enfantin à la Astroboy (sans virer à l’infantile pour autant) tout en préparant TO-B1, droïde fasciné et exalté par les contes des Jedis, à ce qui l’attend sur cette voie. Abel Gongora, réalisateur sur ce court, apporte à son tour sa pierre à la mythologie en faisant pour la première fois d’un droïde un apprenti de la force, et propose à son tour une initiation pour le droïde qui passe par les travaux de recherche du professeur Mitaka : la patience et l’harmonie avec son environnement ou la Force est présente partout afin d’en comprendre l’importance. Avec une évocation, en prime, du passif de l’univers (les dessins muraux à l’intérieur de la hutte) qui sert d’inspiration pour TO-B1 vers le monde extérieur et une fluidité d’animation une nouvelle fois présente tant lors des combats que de l’échappatoire dans l’aventure fantasmée du droïde.


Le septième court est de nouveau réalisé par un membre du studio Trigger, et explore la relation maître/apprenti Jedi durant l’un de leurs voyages. On est dans un récit au classicisme plus assumé, mais elle est dotée d’une belle exécution montrant aussi bien l’expérience du maître Jedi Tajin que le respect et le mûrissement de son apprenti Dan. Les anciens préceptes sont davantage d’actualité ici puisque les événements prennent place avant même la Prélogie Star Wars, notamment avec l’impuissance des êtres vivants face au temps qui influent sur la puissance et le potentiel de tout à chacun. Le tout est moins excentrique que son prédécesseur, plus terre à terre dans sa leçon de vie mais aussi légèrement plus limité par son format épisodique. Bien qu'il a toute sa place parmi ces courts avec sa très bonne qualité d’animation, son récit est plus traditionnel et exploite son cadre comme il faut.


L’avant dernier court, Lop et Ocho, lorgne davantage du côté d’un visuel proche d’un Ghibli en nous emmenant sur la planète Tao, propice à un énorme développement technologique avec le soutien de l’Empire mais également à une dévastation écologique de grande ampleur. La question est largement soulevée quant à la légitimé du progrès quitte à ruiner l’écosystème d’une planète, ou bien le choix de rester au statu quo d’une vie paisible en communion avec son environnement quitte à renoncer à toute forme de progrès. Et au milieu d’un conflit familial opposant ces 2 points de vue, Lop la femme lapine adoptée est appelée à trouver une alternative ou à construire un pont entre ces deux extrêmes en plein conflit. Ce qui est bien ici, c’est qu’il n’est pas tant question de la domination de l’Empire en elle-même que de savoir quel avenir déterminer pour un monde ou chacune des deux voies possibles proposent aussi bien une voie de salut qu’un risque réel d’autodestruction. D’autant que Geno Studio, un studio très frais en comparaison des autres au vu de ses productions très réduite, s’en tire avec tous les honneurs qu’il mérite par sa qualité technique, sa mise en image tantôt solennel et tantôt nerveuse comme il faut en plein combat, et sa réappropriation de l’univers.


Et le dernier est de nouveau réalisé chez Science Saru, mais à l’inverse de TO-B1 c’est le seul des 9 à être, selon moi, un peu handicapé par certains choix graphiques du studio avec lequel j’éprouve du scepticisme à la base depuis les films de Yuasa. Il reprend lui aussi le code du film de samouraï, en y mêlant une patte graphique bien plus identifiable du studio avec son coup de crayon plus simple mais souvent aidé par la mise en image (la pluie faisant office) et son travail de couleur pour inclure un Shogunat et ses conspirations au sein de la cour via la lutte entre Sith et Jedi, et son chara-design très simple… mais trop à mon goût au point que les mouvements limités des combats au sabre finissent par paraître mécanique par moment malgré l'intention de créer de la grâce et de la simplicité dans les duels. Et avoir quelques minutes en plus pour s’intéresser davantage au Jedi Tsubaki et la princesse Misa n’auraient pas été malvenu (les deux neuneus de guide étant plus lourd qu’autre chose). Mais sa fin nettement plus amère et plus pessimiste que les autres productions justifie son visionnage,


d’autant qu’il ne serait pas étonnant de voir dans les pouvoirs de Tsubaki une inspiration directe de ceux de Cade Skywalker découvert dans les comics Star Wars : Legacy.


Quelque soit le court, chacun a ses propres qualités et il n’est pas compliqué d’y trouver son compte que ça soit du space opéra exubérant à souhait, une relecture des films de samouraïs, un conte mystique teinté de sous-texte écolo ou une relecture des mythes de la franchise Star Wars en se réappropriant leurs univers. Mais tous partagent un point commun à ne surtout pas ignorer : chacun en revient inévitablement aux mythes des Jedis et Siths, mais sans jamais s’emprisonner dans quelque chose de monochrome et en réussissant à surprendre un minimum. Promesse tenue, la diversité est belle et bien là tant sur en termes d’animation que d’atmosphère, de récit mais également de nouvelles portes qui s’ouvrent quant aux suites de cette collaboration. Wit Studio, Sunrise, J.C. Staff, Madhouse, Bones, Mappa, ou même renouveler l’accord avec Trigger, Production I.G et les autres pour étendre les histoires présentées dans ces 9 courts qui ont chacun ce qu’il faut pour explorer plus loin ce qu’ils ont commencé. A l’image d’un certain épisode 8 controversé de la saga, cette série de court ne se limite pas qu’au déballage au premier regard.


Quant au doublage, si les acteurs japonais sont au top la plupart du temps (à quelques exceptions : les 84 ans de Masako Nozawa alias Son Goku se ressentent beaucoup et ça créer un décalage perturbant pour TO-B1 alors qu’à l’inverse Zina Khakhoulia est plus naturelle et adopte très bien son timbre de voix), on peut regretter que le cast VF aient été moins inspiré quant à ses comédiens et qu’ils réutilisent même certains d’entre eux sur divers courts. En petit nombre certes, mais on les reconnait sans mal. Boris Rehlinger, Gilles Morvan et Vincent Violette précisément. Pour le reste, on a les habitués à l’exercice du doublage en animé qui s’en tirent sans problème comme Kelly Marot pour Am ou encore Frédérique Souterelle. Il y a ceux qui sont plus occasionnel au doublage en Japanimation mais tout à fait pro comme Adrien Antoine et Paul Borne. Mais on en a aussi certains qui ont du mal à s’adapter au média, Gauthier Battoue le premier dont la voix est trop propre et lambda pour un animé Trigger et qui n’arrive pas à la cheville de Ryokõ Shiraishi, ainsi que Joséphine Ropion qui a une voix trop grave pour Kara dans le court le Neuvième Jedi. Pour ce qui est de la traduction, elle est fidèle sans pour autant tenter grand chose en plus, alors qu'elle aurait pu atténuer certains dialogues trop simple et redondant présent dans la version originale.


Star Wars : Visions est digne de ce que la licence nous a proposé de mieux. Un Animatrix à la sauce Guerre des étoiles libre comme l’air qui ne s’embarrasse pas de ce qui a été construit au sein de la saga auparavant et reprend cet univers en y insufflant leur âme et leur individualité. Et ce genre de petit buffet, j’en reprendrais goulûment si une deuxième fournée aussi travaillée si ce n’est plus est proposé à l’avenir.

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le 23 sept. 2021

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