Une série qui ose tout : partir d’un trauma indicible pour construire une comédie. Kidnappée, séquestrée, coupée du monde pendant 15 ans, Kimmy aurait pu être un personnage de drame social ou de true crime.
Tina Fey (réal) en fait une héroïne féministe invincible en leggings fluos, qui reconstruit sa vie dans un monde aussi absurde que le bunker qu’elle a quitté.
Et c’est là que Kimmy Schmidt frappe fort : elle déplace le regard, refuse la posture victimaire, et montre qu’on peut être une survivante sans être une allégorie triste. Kimmy rit, agit, se trompe, s’énerve : elle vit. Et c’est une forme de résistance puissante.
Autour d’elle, une galerie de personnages aussi improbables que cruciaux :
- Titus Andromedon, icône queer ultime, acteur de Broadway frustré, diva sur-endettée et miroir brisé de mille humiliations, mais toujours debout, toujours chantant.
- Lillian, gardienne foldingue d’un Brooklyn pré-gentrifié, incarnant la mémoire populaire et le chaos politique avec panache.
- Jacqueline, ex-wife trophy reconvertie en manager instable, satire féroce de la blancheur de luxe… jusqu’à ce qu’elle affronte son propre héritage Native American, longtemps dissimulé. Le show ose alors un virage grinçant sur l’effacement des identités autochtones dans les récits dominants, et pousse même la blague jusqu’au malaise - mais sans jamais l’ignorer. Jacqueline est à la fois le symptôme et la critique d’un système qui transforme tout en produit, y compris la réinvention ethnique.
Chaque personnage est une caricature stylisée mais pleine de vérité, une satire affectueuse du capitalisme, du patriarcat et des récits de rédemption.
La série est un bijou de lucidité sur :
- la survie après le trauma,
- la féminité non normative,
- l’absurdité de la société du spectacle,
- le pouvoir de la solidarité entre freaks.