Il serait peu dire que ChaO a été un véritable outsider lors de la compétition officielle d'Annecy 2025. Alors qu'on pouvait s'attendre à voir des films comme Amélie et la métaphysique des tubes, Arco, ou encore Planètes figurer au palmarès (malgré que le film soit raté, la proposition ne pouvait qu'interpeller le jury et brosser dans le sens du poil une vision de l'animation poussé sur l'expérimentation continuelle, et puis pour des raisons beaucoup plus historiques et technique qui seraient beaucoup trop complexe à développer), peu ont été ceux qui pouvaient prévoir qu'un teenage movie japonais en animation allait remporter un prix, encore moins le prix du jury. Il est certain qu'Annecy entretient un rapport à part avec l'animation japonaise, dont les teenage movie occupent chaque année ou presque une place en compétition officielle. Cela a pu aller de la proposition mignonne et un peu inoffensive comme Goobye DonGlee ou 7 days war, au raté de compétition comme Josée les tigres et les poissons, jusqu'au chef d’œuvre comme A Silent Voice ou encore Tunnel to summer the exit of goodbies qui était le dernier teenage movie japonais à avoir remporté un prix au palmarès. ChaO se distingue des autres car, depuis Lou et l'île aux sirènes, peu sont les teenage movie japonais en animation à avoir remporté un prix autre qu'une mention spéciale du jury, pas même La traversée du temps de Mamoru Hosoda qui n'avait reçu qu'une mention spécial du jury. A la vu des premières images, on peut être extrêmement intrigué car ces dernières ne présentent pas quelque chose de visuellement révolutionnaire et que, si prix il devait y avoir, cela semblait surtout reposer sur l'écriture. Maintenant, il serait peu dire que la compétition a reçu des retours en demi teinte (entre le nouveau film de Sylvain Chomet qui s'est fait bouder sur deux festivals de cinéma différent, Planètes qui n'a pas su convaincre avec un dispositif qui ne tient pas toujours la route, ou même La mort n'existe pas qui est loin de faire l'unanimité), et à l'image de plus de 5 générations de teen movie japonais diffusés en compétition officielle au festival d'Annecy, le film a pu réunir le jury sur une proposition consensuel et maitrisé. Une chose est sûr, c'est que ce prix du jury a eu le don de me mettre le doute, et il n'y avait que le visionnage du film qui pouvait mettre les choses au clair.
C'est en déployant une fausse simplicité d'apparence que le film arrive à nous surprendre. Partant d'une animation 2D parfois dissonante, s'éloignant des canons de beautés de l'animation japonaise, le film exploite l'instabilité afin d'inclure le fantastique et le merveilleux. A l'image de ChaO qui débarque de manière brutale et peu orthodoxe dans la vie du personnage principal, l'image de synthèse qui vient se coupler à l'animation 2D pour proposer quelque chose d'innovant et purement fascinant. Mais plus qu'un aspect plastique, c'est toute la démarche du film et un ensemble de scènes de pure étrangeté et de poésie qui viennent dynamiter un récit parfois très sage (on y reviendra plus tard). L'ensemble des moments où l'on découvre la forme humaine de ChaO deviennent véritablement hypnotisant tant le réalisateur prend plaisir à montrer l'étrangeté d'une personne pouvant s'épanouir et offrir des moments magnifiques lorsque celle-ci vient à prendre confiance en elle. Je retiens notamment un moment où elle se trouve dans une baignoire, ainsi qu'une scène de bagarre de rue suivi d'une scène de danse, qui sont deux scènes vraiment remarquables. Histoire en elle-même est assez simple mais est efficace et arrive à être captivant sur la longueur, le tout avec des rebondissements plutôt sympathiques (malgré que ces derniers mettent en avant de gros défauts d'écritures, on y reviendra plus tard) qui permettent d'ouvrir le champ sur des thèmes assez riches. Le film sait très bien placer les bases et les éléments à un très bon moment de cinéma, le souci étant qu'il n'arrive pas à les exploiter pleinement.
On sent un film qui s'enferme dans ses acquis, dans une zone de confort qui le désert complètement. D'une part, en terme de réalisation, on sent un film qui reste trop influencé par ses pères et n'arrive pas à pleinement prendre son envol artistiquement parlant. Le film est visuellement très intéressant et je ne remets pas en question la fascination et le plaisir immense que l'on peut avoir devant toutes les phases où ChaO est humaine. Il n'empêche qu'on tombe par moment dans une réalisation presque mainstream, notamment vis-à-vis de ses références, lorsque le réalisateur rappelle le ballon rouge de La traversée du temps de Mamoru Hosoda (sans le contexte ni la pertinence de son mentor), ou encore lorsque certaines scènes vont jusqu'à reprendre à la note près le thème de Zelda Ocarina of Time (le fais référence au thème Robot Search Institute de Takatsugu Muramatsu) pour une scène d'exposition oubliable. D'autre part le scénario très sommaire, pouvant parler du mariage forcé en chine et de la manière dont on doit apprendre à se connaitre à une ère post me too, n'est absolument pas exploité et se contente de recentrer son récit autour de thème passé en coup de vent. On se focalise de trop sur les questions d'acceptation entre humains et sirène, alors que le thème n'avait pas besoin d'être souligné et qu'il était intrinsèquement lié à toute une histoire de la condition de sirène (ainsi que la mise en scène de personnage anthropomorphique dans la fiction) vu beaucoup trop de fois dans la fiction pour en être le centre principal. On retrouve le même problème avec la thématique écologique, absolument pas mise à l'honneur, avec tout une question autour de contrats et d'affaires commerciales entre les humains et les sirènes. Tout se retrouve dévalorisé par les fondements même du scénario qui ne mettent pas ces thématiques au centre des préoccupations. Si la situation scénaristique du film est regrettable vis-à-vis de la démarche thématique qui est mis en œuvre, elle l'est d'autant plus lorsque l'on constate que tout ne tient pas à grand chose.
J'aime à penser qu'un scénario peut basculer du tout au tout à la première erreur, et qu'on aura beau fabriquer une structure ambitieuse, celle-ci ne vaudra rien si les fondements ont un énorme problème. J'ai rencontré ce problème avec Sleep de Jason Yu, que j'avais plutôt bien apprécié mais où j'ai peiné pendant l'entièreté du film à cause d'un détail qui a détruit toute possibilité d'investissement émotionnel. La faute à une scène, à un moment clef du film, qui a remis en question tout ce qu'on est sensé voir par la suite (petite parenthèse sur Sleep)
On part d'un postula simple d'un couple rencontrant des problèmes conjugaux depuis sur le mari est victime de somnambulisme étrange qui le pousse à adopter un comportement étrange, voire violent. Si l'origine de ce problème est paranormale, on est plongé dans une tentative d'incertitude amenée à devoir s'éclaircir et introduire des scènes d'exorcisme vers le dernier acte qui redynamise l'ensemble. Le souci étant que l'on ne peut pas faire abstraction à des années de fiction, de propositions cinématographique, ni même à une culture populaire qui a pu dicter une certaine manière de penser et de mettre en scène le sommeil ou la possession. C'est ainsi que le film brise toute suspension d'incrédulité, lors des premières scènes de somnambulisme (devant introduire la situation de somnambulisme), lorsque le mari va pour passer sa tête sous le robinet tout en étant endormi, car la science et Inception de Christopher Nolan ont été très clair à ce sujet: Lorsque le corps est en contact avec de l'eau, tu te réveilles (au quel cas tu ne dors pas, c'est beaucoup plus grave comme, au hasard, une possession). Comment voulez-vous qu'un croit en un film qui passe plus de la moitié de son récit à tenté de nous faire douter sur l'origine d'un somnambulisme, alors qu'on a déjà compris que celui-ci était paranormale ?
Dans le cas de ChaO, on nous présente un homme amené à ouvrir les yeux sur une population marginalisé, mal vu par la population humaine (dans une relation assez trouble et ambigu qui ne marche pas vraiment), à travers le personnage de ChaO, un personnage beaucoup plus attachée au personnage principal qu'on l'imagine. Si les intentions sont louables, ces dernières s'effondrent complètement lorsque l'on étudie le contexte dans lequel se passe la rencontre. On est sur une princesse sirène qui agresse sans prévenir un humain, amenant ce dernier à l'hôpital, et qui tient pour acquis que ce dernier la reconnaisse et l'aime autant qu'elle au point de se marier en moins de 3 jours. La situation est tellement ubuesque et malsaine dans ses fondements que les retournements de situations et twists ne font qu'aggraver la mauvaise image que véhicule la relation qu'entretient ChaO avec le personnage principal. Servant presque d'excuse pour justifier maladroit et auto-destructeur de ChaO, les différents twists sur le passé de ChaO ne font qu'alourdir le récit et mettre le doigt là où il ne faut pas, soulevant l'absence de communication que peut faire preuve ChaO vis-à-vis du personnage principal, ou encore le fait que rien de tout cela ne serait arrivé si ChaO n'avait agit intelligemment. On nous présente ChaO comme espiègle et naïve, à coup de feux d'artifices qu'on tire depuis l'intérieur d'une maison (au cas où les sirènes n'ont jamais fréquenté les humains au point de ne pas savoir ce qu'est un feu d'artifice, chose qui n'est pas le cas car il y a tout un enjeux politique et économique sur les accords entre humains et sirènes), mais de l'autre on nous présente ChaO avec un caractère très réfléchi, voire même froid lorsqu'elle est sous forme humaine. Cela abouti à un comportement toxique qui ne sera même pas tant remis en question par le film, ce dernier justifiant presque ce comportement par rapport à la nature de sirène, à coup de "non mais c'est une sirène, les sirènes sont excentriques", tombant presque dans une forme de discrimination que le film dit vouloir combattre. Mais plus qu'un mauvais propos (que le film n'entretient même pas, tant ceux-ci sont accidentelles), c'est surtout l'incapacité du récit à avancer qui empêche le film de développer un quelconque propos. A force de vouloir passer sous le tapis la situation initiale très forte, qui monopolise l'ensemble des enjeux car ce sur quoi repose tout le récit (on parle quand même d'une romance qui commence par un mariage quasi forcé), on est incapable de suivre un quelconque enjeu secondaire ou tertiaire tant que cette question de relation toxique ne soit pas réglée (chose qui n'arrivera jamais réellement). Si le film parvient à trouver une belle fin, c’est au prix de facilités scénaristiques et de la clémence d’un spectateur qui cherche avant tout une conclusion satisfaisante, après plus d’une heure à avancer à vue, sans vraiment savoir comment se résoudra un problème que le film choisit délibérément d’éclipser.
ChaO est un très beau film, qui aurait mérité d’être mieux pensé afin que ses idées puissent être pleinement mises en lumière comme le véritable centre de l’attention, plutôt que diluées dans un récit et une vision trop pauvres, qui uniformisent le film parmi d’autres productions japonaises peu intéressantes, alors qu’il possède toutes les clés pour de loin les surpasser.
12,25/20
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