J'ai beaucoup de mal avec la technique d'animation en rotoscopie. Si je peux apprécier des films comme Absolute Denial, j'ai beaucoup de mal avec la fâcheuse tendance que peuvent avoir les réalisateurs à mal exploiter les possibilités de cette technique. L'année dernière, si j'ai pu être très agréablement surpris par Rock Bottom de Maria Trénor, présenté en compétition officielle à Annecy, j'ai pu aussi être amèrement déçu par Anzu Chat-Fantôme, produit par Miyu Productions et sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs (en plus d'Annecy). Pourtant, la boite de production est capable de produire des films de très grande qualité, à l'image de Linda veut du poulet ou même Saules Aveugles, Femme endormi. C'est donc avec une certaine attente que je suis allé découvrir La mort n'existe pas, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, nouvelle collaboration entre Félix Dufour-Laperrière et Miyu productions qui, en plus de nous proposer Planètes avec le résultat que ça a été, revient en compétition officielle à Annecy avec un film au style très intriguant qui a su taper dans l’œil du jury car Pablo Pico, membre du jury ayant notamment composé toute la bande original de Sirocco et le royaume des courants d'air, a remit au film une mention spécial. A moins de quelques heures du palmarès de la compétition officielle, cette mention spécial de Pablo Pico est très encourageante, et ne pouvait que décupler l'attente que l'on peut avoir pour le long métrage.
La surprise est totale lorsque le film a commencé et qu'on constate que le film n'est pas en rotoscopie. Les graphismes tendent à prendre un poids et à générer une forme de lourdeur, que ce soit par rapport aux détails des contours ou même dans le choix des couleurs, et là où on s'attendrait à retrouver une rotoscopie qui tendrait à expliquer cette lourdeur des corps et de l'univers, le film fait le choix inverse en animant chaque plan à la main. D'un côté cela alourdi le visionnage (qui est déjà très lourd, on y reviendra plus tard) car chaque plan va prendre beaucoup plus de temps, parfois avec un soin accordé au détail qui peut paraitre négligé lorsque interviennent les premiers mouvements de caméra, mais de l'autre, le réalisateur arrive à tourner ce choix à son avantage pour renforcer son univers. Cela apporte encore plus de poids à l'action qui tend par moment à se focaliser sur un personnage, sur un objet, et développe notre attention sur le moindre détail qui prend des proportions démesurées. On sent presque une fascination sur le corps et le travail du gore avec les effusions de sang qui ressemblent presque à des véritables morceaux de chairs qui sortent des corps (rappelant le travail de Louise Labrousse l'année dernière sur Stuffed), ou même des scènes filmant en gros plans des parties du corps et des blessures qui déstabilisent très rapidement. Au global c'est tout le film qui dénote d'une envi de créer des images et de proposer une démarche artistique franche qui n'est pas là pour réconforter, mais pour emmener dans les tourments de son personnage principal qui, comme le spectateur, va pour découvrir le monde avec un œil plus alerte sur les choses. Une scène qui m'a été particulièrement marquante reste un plan séquence, en plan fixe, avec un personnage lancé dans un monologue très engagé pendant qu'il mange du lapin, et où au fur et à mesure que le personnage va pour être incisif et faire le plus de dégâts, celui-ci va pour se rapprocher des os du lapin pour aller jusqu'à casse le cartilage entre les dents, tout en restant froid et intimidant. On est porté dans cet univers qui est à la fois poétique, à la fois intimidant, et on pourrait ne pas en attendre d'avantage... si le film était bien écrit.
Comme dit précédemment, là où avec de la rotoscopie on aurait eu quelque chose de plus organique et fluide, le dispositif d'animation traditionnel est très lourd à aborder car celui-ci n'est pas toujours propres (avec des décours pouvant parfois être résumé en des traits approximatifs) et qu'il a tendance à faire saccader l'image. Il nous faut rentrer efficacement dans le récit et qu'on s'attache aux personnages... chose que le film fait à moitié, voire mal. Tout le film repose sur un attentat qui va être la source de débats moraux dans l'esprit du personnage principal, ayant fuit l'attaque et laissé ses amis mourir à sa place, qui est amenée à se remettre en question dans la forêt avec des hallucinations de ses amis morts durant l'attaque. Le souci étant qu'on a du mal à percevoir l'utilité et la valeur symbolique de l'attaque qui, selon ses personnages, pourrait changer les choses. On est face à des militants embrigadés et convaincu de leurs démarches qui veulent faire un mass shooting dans une résidence habité par une vieille qui aurait acheté un village. On pourrait s'attendre à ce qu'il y ait d'autres enjeux, mais le récit se limite trop à cela. Le réalisateur questionne une jeunesse extrémiste qui peut agir par conviction, mais qui semble surtout agir pour se convaincre d'agir à leur échelle sur des problèmes qui les dépassent. Le problème étant que le regard que porte le réalisateur, ainsi que la démarche réflexive autour des jeunes, n'est pas claire et est beaucoup trop survolé pour se focaliser sur le cas du personnage principal qu'on ne connaitra pas plus que ceux morts au combat. Le film devient presque une forme de prétexte à des images et à une expérience contemplative, et peine à capter l'attention du spectateur sur un quelconque récit qui n'existe pas vraiment. Que ce soit ces gardes pourchassant le personnage principal, ou même ces visions de ses amis avant la seconde attaque, rien n'est expliquer clairement, et aucune route ou démarche ne permet au spectateur de suivre le film dans de bonnes conditions. S'il y a des explications, ces dernières sont expédiées par l'amie du personnage principal qui dit raconte textuellement le déroulé du film de manière un peu grossière. Malgré des tentatives de symboliques, avec les loups et le mouton, le film reste cryptique et difficilement discernable car l'expérience contemplative proposé semble avoir été pensé à part de toute tentative de récit. Ce qui fait que le film s'éternise à accumuler les symboliques, à torturer son personnage principal et à enchainer les discours nébuleux, pour au final perdre le spectateur au point que quand la fin arrive, on est incapable de trouver les clefs pour pleinement l'apprécier ou même la comprendre.
La mort n'existe pas n'est pas inintéressant plastiquement, avec de belles idées et de beaux concepts plastiques, mais est incapable de développer un récit qui puisse s'accorder avec la réalisation. A force de ne pas donner les clefs de compréhension, on finit largué face à une œuvre qui peine à capter l'attention autrement que par des idées scéniques métaphoriques qui manquent de sobriété et en cohérence. Lassé de ne pas être mieux accompagné, on attend la fin avec le triste constat que l'on pourrait apprécier d'avantage le film avec une histoire plus sobrement raconté. Il ne reste alors plus que le va et viens de certains qui sortent de la salle, les têtes penchées des autres qui dorment à moitié, les ronflements des moins téméraires, et le constat amer que l'activité dans la salle de projection est plus captivante que ce qui est présenté à l'écran.
8,5/20
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