C'est la première réalisation de Claude Pinoteau, qui fut auparavant un assistant réalisateur expérimenté, ayant travaillé sur d'excellents films de Verneuil, Lelouch ou De Broca.
Ce thriller d'espionnage en couleurs a les tonalités grises et sombres de la guerre froide, ainsi que son atmosphère plombée, avec des personnages plutôt antipathiques, en tout cas peu empathiques les uns envers les autres, y compris quand ils sont du même camp.
Lino Ventura joue un physicien kidnappé par le MI 6 anglais et debriefé malgré lui afin qu'il dénonce des espions russes en activité. Il est ensuite abandonné à un sort très incertain - tel sont les moeurs des services secrets - et on comprend que ce français fut enlevé 16 ans plus tôt par les soviétiques et qu'il était devenu malgré lui un de leurs scientifiques.
On est alors pris tristement, comme son personnage, dans la nasse qui l'enserre : réussira-t-il a rejoindre sans aucune aide la France depuis Londres sans être assassiné en chemin par le KGB dont les tueurs le recherchent ?
Cela lui semble si impossible à lui-même que notre intérêt s'éteint peu à peu et on croit s'éloigner du film. Mais voila qu'on est d'un coup surpris de ressentir une inquiétude grandissante pour cet homme. Ce film nous captive insidieusement, constate-t-on avec étonnement. C'est qu'après un moment d'émotion et de sentimentalité partagées entre lui et son ancienne compagne jouée par la magnifique Lea Massari - un moment remarquable par le jeu très subtil des deux acteurs - arrive une nouvelle relance du suspense.
C'est l'idée, mise en oeuvre par cet homme traqué, de trouver une monnaie d'échange pour sa vie que le KGB ne pourra pas refuser : il va coincer un espion de chez eux pour marchander un troc. Il va s'échanger lui-même avec cet infiltré dans les services français. C'est très retors, très périlleux, ce sera sur le fil, et ça vous tient bien dans votre fauteuil.
Le climax de l'intrigue est rythmé par un concert de musique inspiré - comme bien d'autres thrillers d'espionnage de cette époque - du concert de Doris Day dans L'Homme qui en savait trop de Hitchcock (tourné en 1956).
Et jusqu'à la derniere minute on ne saura pas s'il y aura un happy end ou une tragédie.
En 1984 (11 ans plus tard), Pinoteau refera un film du même genre, La 7eme Cible, avec la même atmosphère, avec aussi Lino Ventura qui aura acquis alors une patine superbe, et avec derechef un concert accompagnant la fin du suspense.
(Notule de 2023 publiée en octobre 2025).