Sois gentil, pas méchant. C'est pas gentil d'être méchant…

Le monstre qui voulait être aimé ?


Bienvenue sur la planète la plus dangereuse de l'univers. Tout ce qu'il y a ici essaiera de te tuer.

On regarde un Predator ou un spin-off de Star Wars sauce Disney ?


Nous voilà de retour dans l’univers de science-fiction horrifique le plus badass du cinéma, avec le Predator, l'extra-terrestre chasseur ultime à dreadlocks et à la gueule loin d’être un porte-bonheur. Dan Trachtenberg, qui n'est plus à son coup d'essai avec cette franchise avec Prey, reprend du service avec Predator: Badlands, épaulé au scénario par Patrick Aison. Et sur le papier, l’idée de base a de quoi faire saliver, puisque nous suivons pour la première fois un Yautja en tant que véritable protagoniste principal. Un choix audacieux, nous offrant la chance de plonger dans la tête du monstre, d'explorer ses codes, ses rituels, et enfin de comprendre ce qui fait de lui un chasseur de l'extrême. Le film s’ouvre sur une introduction pour le moins percutante, tendue et immersive, qui installe avec efficacité le ton, l’univers et les enjeux du récit principal. On découvre Dek, un jeune Predator difforme et rejeté par son père, qui n’est autre que le chef du clan auquel il appartient, formé par son frère Kwei pour accomplir le rite suprême censé faire de lui un Yautja à part entière avec sa première chasse. Pour prouver sa valeur, il décide d'affronter la proie ultime se trouvant sur la planète Genna, la planète de la mort. Dedans subsiste la seule créature que son père n’a jamais réussi à éliminer, ni aucun autre Yautja, et afin de prouver qu’il est le meilleur d’entre tous, il décide d'en faire son premier trophé qui fera de lui un Yautja à part entière. Jusque-là, tout fonctionne à merveille, on découvre une ambiance tribale envoûtante, une tension mythologique qui nous attrape d’emblée, des combats incisifs, et la promesse d’une épopée initiatique à la fois brutale et tragique, le tout sous poudré d'épique. Jusqu'à ce que… tout s’effondre.


Car voilà qu’entre en scène Thia, une androïde de Weyland-Yutani incarnée par Elle Fanning. Et avec elle, le ton bascule complètement. L’androïde censée être un contrepoint dramatique qui aurait pu apporter beaucoup à la richesse du récit, devient simplement l’élément comique et moralisateur du film, en mode : "Sois gentil, pas méchant. C'est pas gentil d'être méchant…". Elle est bavarde, très bavarde, très très bavarde, trop bavarde, incapable de se taire, et, pour couronner le tout, excentrique au point de transformer l’ensemble en buddy movie d’action de science-fiction. Le jeune chasseur implacable devient soudain un personnage attendrissant qu’on humanise à coups de morales faciles sur la famille, de dialogues lourdingues et de gags forcés. Et c’est là que le bât blesse car Predator n’est pas une comédie (ni un enjeu moral sur le vivre ensemble), bien que Shane Black ait déjà tenté de le faire, sans succès, dans son médiocre The Predator. La saga n’a jamais été non plus une fable sur l’humanité cachée des monstres. C’est une œuvre sur la peur, la survie et la chasse. En faire une histoire d'amitié interstellaire relève de la faute de ton la plus monumentale. À la rigueur, je peux comprendre qu’on veuille explorer d’autres voies pour cette franchise car après tout, pourquoi ne pas creuser le versant plus dramatique des Yautja, mais sûrement pas sous le prisme de la légèreté et de la morale humaine.


Tu es là pour faire tes preuves. Chasser quelque chose qui ne peut pas être tué.

Mais le pire reste à venir avec l’arrivée de Bud, un petit extraterrestre mignon comme un bébé Yoda, qui sert de mascotte trop choupi censée attendrir le public. Et là, on se demande vraiment où est-ce qu’on a atterri ? On regarde un Predator ou un spin-off de Star Wars sauce Disney ? Disney, qui une fois de plus, semble incapable de résister à sa manie de transformer tout un univers sombre en divertissement familial aseptisé. Il faut croire que Alien Earth n'a pas suffit. Mais pourquoi un tel choix alors que pourtant juste avant on a eu droit à Prey, qui lui respecte le matériel de base ? Regardez Predator (1987), puis Predator 2 (1990), et enchaînez avec Badlands, et vous verrez que le gouffre est vertigineux ! Même Alien vs Predator (2004) réalisé par Paul W. S. Anderson, s'avère beaucoup plus respectueux du concept. Pourtant, il y avait de quoi faire un grand film, et j'y ai réellement cru durant la première demi-heure qui est parfaite. Le plus frustrant, c’est que le film n’est pas dénué d’idées et n'est pas foncièrement mauvais, mais il y a réellement un aspect batard malaisant où on se dit qu'on passe un moment distrayant mais au prix de la crédibilité du Predator. Le drame familial entre Dek, Kwei et leur père avait un vrai potentiel tragique, digne d’une fresque mythologique. Si Trachtenberg avait conservé ce ton grave et introspectif, sans céder aux sirènes du divertissement comique et à la bonne morale sauce Disney, Predator: Badlands aurait pu devenir un grand film. Mais à force de diluer les enjeux dans des éléments secondaires (Thia, Bud, les gags, la moraline), l’antagoniste principal devient anecdotique, et la tension initiale s’évapore.


Sur le plan technique, rien à redire tant la photographie de Jeff Cutter est solide, malgré des CGI parfois problématiques et un montage un peu trop nerveux signé Stefan Grube et Dan Trachtenberg, qui reste néanmoins efficace malgré un rythme haché. La musique de Sarah Schachner et Benjamin Wallfisch apporte une dimension sonore riche, avec quelques thèmes nouveaux particulièrement réussis. Les décors de Ra Vincent regorgent d’idées visuelles avec une planète hostile où on découvre des herbes qui tranchent comme des lames, des arbres-serpents qui sont prêts à vous dévorer, et une pléiade de créatures extraterrestres inventives bien dangereuses. En gros, l'Australie des extraterrestres avec un bestiaire qui a globalement de la gueule, tout comme les costumes de Ngila Dickson, surtout avec le design du père de Dek, qui est un chef de clan charismatique à souhait. Toutefois, Dek lui-même manque un peu de prestance tant visuellement que symboliquement. On oublie qu'il est un predator et on finit par le voir comme un mortel bien de chez nous. Et que dire du trophée ultime qu'il convoite ? Un concept prometteur sur le papier, mais exécuté sans véritable frisson, réduit à sa seule capacité de régénération, sans jamais susciter la terreur. La faute à un design bien trop sage pour impressionner, et à une conclusion autour de celui-ci bien trop problématique.


CONCLUSION :


Predator: Badlands n’est pas un naufrage total, mais bel et bien une immense déception. Un divertissement honnête en surface, qui aurait pu relancer la saga avec audace et profondeur, mais qui finit par l’affadir dans un moule aseptisé, calibré pour plaire au plus grand nombre. Entre son comic relief épuisant avec sa moraline immature, sa créature kawai sortie tout droit d’un cahier des charges Disney et son Predator attendrissant, humanisé et domestiqué (tout ce que la créature ne doit jamais être), le film renonce à ce qui faisait la force brute et la mythologie de la franchise. Et pour un chasseur né dans le sang, la peur et l’honneur, face a des adversaires de tailles incarnés par Arnold Schwarzennegger ou encore Dany Glover, c’est là une bien triste ironie.


Par pure honnêteté, je lui accorde un 6, mais un 6 qui fait mal. Car derrière le vernis d’un divertissement efficace, Predator: Badlands renie tout ce qui faisait la noblesse de sa créature. Sa seconde partie trahit l’ADN même de la saga, diluant la peur et la brutalité dans une soupe d’humour forcé et de bons sentiments. Un film qui divertit, certes, mais au prix d’une trahison difficilement pardonnable.


Sur cette planète, vous êtes la proie, à moins de devenir le prédateur. Première traque. Dernière chance.
B_Jérémy
6

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il y a 3 jours

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