Du tandem Cattet & Forzani, "Amer" m'avait agréablement interpelé, mais j'avais été gêné par sa quasi absence de scénario. J'ai davantage apprécié "Laissez bronzer les cadavres", exercice de style avec une histoire qui se tient. Par amélioration des réalisateurs ou maturité de ma part, je trouve que "Reflet dans un diamant mort" est encore meilleur.
C'est l'histoire d'un vieil agent secret à la retraite (Fabio Testi), qui vit dans un hôtel de luxe sur la Côte d'Azur. Alors que sa voisine de chambre disparait, il se remémore ses missions d'antan.
Cattet & Forzani obligent, ce n'est pas à mettre entre toutes les mains. Le récit est complètement non linéaire, se basant sur la mémoire (potentiellement défaillante) de notre protagoniste. Cela n'a rien d'un film d'espionnage classique, on est dans une histoire tortueuse où des double sens et du méta apparaîtront au fur et à mesure, jusqu'à un twist plutôt malin.
D'autant plus que le film référence lourdement, pas vraiment James Bond, mais plutôt les sous-James Bond européens des années 60 et 70, notamment italiens. C'est à la fois une déclaration d'amour et une exploration de ce cinéma bis. Jusqu'à emprunter le masque de "Diabolik" de Mario Bava.
Cattet & Forzani n'ont par ailleurs pas pu s'empêcher de faire des clins-d'oeil au giallo qu'ils affectionnent tant, avec un personnage dément (et malheureusement furtif) semblant sorti de "Sei donne per l'assassino" du même Mario Bava.
Et puis évidemment impossible de ne pas noter la présence de Fabio Testi, l'une des figures de proue du cinéma italien d'exploitation des 70's dans toute sa splendeur. Qui a carburé au giallo, au western, ou au poliziottesco. Je m'attendais à un simple clin d'oeil nostalgique, toutefois le film emmène cela beaucoup plus loin, utilisant Testi pour jongler avec ses idées méta.
Sur la forme c'est un régal. C'est le genre de film avec au moins une idée intéressante par plan, s'autorisant de folles audaces expérimentales. En prime c'est tourné sur argentique, en 16mm magnifique. Et comme souvent chez les réalisateurs, le montage sonore est aux petits oignons (ces voix en hors champs, ces cuirs qui couinent !). Entre deux musiques reprises du cinéma italien de l'époque.
Par contre, comme dans leurs œuvres précédentes, les réalisateur ont tendance à faire un peu de surenchère gratuite sur les expérimentations et le gore... néanmoins ce n'est jamais vraiment gênant. D'autant que malgré son allure 1er degré, le film contient beaucoup d'humour et demeure court (1h27).
Finalement, si vous êtes connaisseurs des réalisateurs et amateur comme moi du cinéma bis italien de la grande époque, vous allez vous régaler. Sinon cela vous fera quand même une expérience singulière !