Sirāt
7.2
Sirāt

Film de Oliver Laxe (2025)

Marrant comme lors du Festival de Cannes les esprits s'échauffent et s'emballent parfois pour rien, ou pas grand-chose... Après « L'Agent secret » de Kleber Mendonça Filho, « Sirāt » d’Óliver Laxe est l'autre grosse baudruche qui finit par se dégonfler d'elle-même... Après, je suis bien conscient que c'est le jeu des festivals : dans une ambiance propice et survoltée, il y a de quoi faire tourner la tête.


Pourtant « Sirāt » commençait plutôt bien. En mettant en images le monde des raves parties, Óliver Laxe fait le pari de l'immersion sonore. Le volume est élevé et la musique – du gros boum boum, mais aux textures soignées – aide à la crédibilité de l'essai. Visuellement par contre, on reste un peu à l'extérieur. Pas de plans subjectifs. A la place, un regard quasi documentaire, filmant les masses de teufeurs. Déjà à ce moment, je me disais qu’il s’agissait d’un film cool, mais qui n'exploitait pas complètement son potentiel... Ce qui allait se confirmer, hélas, plus tard. Des individualités se dessinent dans la foule, et l'on devine que les quelques acteurs dont le nom s'affiche à l'écran seront nos compagnons de route. L'exposition du film est habile. On est les sens en éveil, prêt à entrer dans ce « road and bad trip ».


La première moitié du film est remarquable. Nos héros filent en convoi dans le désert, à la recherche de la fille d'un des protagonistes (impeccable Sergi López), raveuse (rêveuse ?) en fuite. Les images sont très belles, le choix de la pellicule (16 mm) est judicieux : les étendues désertiques surplombées par un soleil brûlant, ou les trajets de nuit, dans une obscurité épaisse, sont à mon sens la grande réussite de « Sirāt ». Óliver Laxe installe une ambiance de road trip presque mystique, avec des marginaux qui poursuivent des chimères. Il y a un côté « Le Salaire de la peur », voire même « Apocalypse Now » (toutes proportions gardées), influence revendiquée par Óliver Laxe. Autant dire que les attentes pour la suite sont immenses, le cinéaste franco-espagnol ayant bien fait monter la sauce et la tension.


Jusqu'au point de bascule. C'est censé être l'un des climax du film, si pas LE moment clé. Mais c'est terriblement mal filmé et interprété. Je n'y ai pas cru une seconde. La suite des événements ne parviendra jamais à inverser la tendance. Óliver Laxe tombe dans une espèce de fuite en avant... Après cet événement choc, c'est comme si le film faisait une sortie de route. Je commence à comprendre que « Sirāt » risque de ne pas être le film que j'espérais. Le voilà qui traîne en longueur. Où veut-il en venir ? Je perds peu à peu espoir. C'est alors que d'autres retournements de situation surviennent. Hélas, tout aussi ratés. Cette fois ça y est, je sais que c'est mort. Óliver Laxe n'a pas su aller au bout de son projet, ou alors il n'a pas su voir le chemin qui s'ouvrait devant lui... La fin enfonce définitivement le clou.


« Sirāt » nous promettait l'enfer et le paradis. Il reste à l'état de mirage dans le désert. On croit voir quelque chose… qui n'existe pas. Notre imagination est fortement sollicitée dans cette première moitié de film, et l'on se prend à imaginer un scénario qui ne sera jamais tourné. On sort donc de la salle terriblement frustré, par ce beau potentiel gâché...


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ArthurDebussy
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Arthur Debussy

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