Sans surprise, James Gunn fait du James Gunn, dans la pure lignée de The Suicide Squad. Il y a donc trop de second degré, mais un sens du ludique, du cool, et de la mise en valeur de ses (très nombreux) personnages qui manque cruellement dans l’écurie concurrente, celle-là même qui l’a rejeté. Mais même cette formule commence à montrer ses limites. Voir Mr. Terrific faire montre de ses talents alors que la musique rentre en fondue enchaîné sur l’action, on le voyait déjà avec Star Lord il y a plus de dix ans. On retrouve même un kaiju, déjà présent dans d’autres films du cinéaste.
Et pourtant, Superman réussit là où Marvel échoue depuis tant d'années. L’exemple le plus flagrant étant celui de renoncer à nous narrer une origin story bien connue de tous et à nous plonger d’emblée dans l'univers d’un super héros déjà installé. Le Fantastic Four de cet été s’était complètement planté là-dessus, mais ici les relations entre les personnages fonctionnent. Comme avec ce long échange, sous forme d’interview, entre Lois et Clark, qui permet de dresser la liste des questionnements et compas moraux qui guident le super héros en quelques répliques, sans avoir besoin de l'expliciter outre mesure.
De même, la menace de Lex Luthor est bien palpable, et son aversion pour le kryptonien coule de source grâce à la contemporanéité des thématiques. Outre les idées de type bots simiesques polluant les réseaux sociaux, c’est l’impérialisme d’un pays qui tend soit vers la Russie, soit vers l’Israël, et qui se cache derrière l’hypocrisie la plus totale quant à ses intentions (libérer l’Ukraine/se débarrasser d’une menace terroriste) qui prend le devant de la scène.
De là à dire que Superman représente un interventionnisme qui pour une fois est demandé par le peuple, et que Lex Luthor est la caution des alliances internationales que l’on ne saurait froissé au nom de l’arrêt d’un génocide ou d’une guerre d’invasion, il n’y a qu’un pas de Gunn n’ose jamais franchir pleinement. Mais on ne peut s’empêcher de voir dans la population de Jarhanpur une représentation des Gazaouis, impuissants, isolés, et implorant une aide extérieure face au colonisateur (qui cherche littéralement à se diviser le pays et à y investir en masse) tandis que l’occident détourne le regard du génocide en cours.
Alors tout n’est pas parfait, la redondance est grande, mais il y a assez d’éléments apportant de la fraîcheur à un genre saturé pour que la proposition soit pertinente. Jusqu’à une scène post-générique en pied de nez au MCU, sans teasing, sans publicité putassière pour le prochain volet (quand bien même la franchise va dérouler comme prévu dans les années à venir).