Depuis la sortie du dernier Superman, la droite américaine est en PLS. Selon eux, le film se vautre dans un humanisme lénifiant. Mais politique woke mise de côté est ce que le dernier né de DC est un bon film d’action?
Tout d’abord, il faut commencer par le projet. DC l’a confié à James Gunn, le réalisateur d’un des plus grands succès de Marvel, les Gardiens de la Galaxie, bien connu pour sa patte graphique colorée, fidèle aux comics et son talent pour conjuguer aventure et humour. Si DC a recruté chez la concurrence, c’est parce que contrairement à Marvel, qui aujourd’hui est une industrie quasi-hégémonique, ils n’arrivaient pas à valoriser économiquement leur écurie de superhéros, pourtant remplie de figures qui pourraient être très rentables. La première tentative de DC, le Snyderverse (Man of Steel et Justice League) voulait se démarquer de Marvel par une approche plus adulte mais n’a réussi à se distinguer que par une théâtralité lourdingue et une mise en scène tout bonnement hideuse. En outre, les films de Snyder n’étaient pas assez rentables, la direction de DC a donc changé de stratégie pour coller à la formule Marvel, plus family friendly, qui a fait ses preuves au box-office. C’est donc sous ses auspices que s’ouvre le film, Gunn avait pour mission de reconfigurer l’homme d’acier pour le rendre de nouveau profitable et se servir de lui pour lancer une série de suites et rendre ses lettres de noblesse à la maison DC.
Superman redescend sur Terre
Dans une certaine mesure, le pari est réussi puisqu’il rapporte énormément d’argent et séduit la critique. Il faut dire que la formule Gunn est très efficace, il ne perd pas son temps avec le lore et nous plonge directement dans l’action. Dans Les Gardiens de la Galaxie, il introduisait Peter Quill en quelques minutes dans une séquence de casse qui laissait libre cours à la désinvolture et au côté déjanté du héros. Dans Superman, après une très courte explication, on découvre le kryptonien dans une position inhabituelle, il est à terre et vient de subir sa première défaite entre les mains d’un supervillain. Il ne doit sa survie qu’à son chien Krypto qui le ramène au bercail non sans l’avoir malmené, ce qui est drôle. On tient là ce qui fait la réussite du film : Gunn redonne un corps à Superman, qui dans Man of Steel, en était singulièrement dépourvu. On tient là ce qui fait la réussite du film, Gunn fixe des limites à l’homme d’acier, ce qui le rend plus intéressant. C’est la grande difficulté à surmonter quand on adapte Superman: que faire de ce superhéros auquel rien ne peut résister? Il semblerait que Gunn ait trouvé la réponse. Clark est mis à l’épreuve pendant tout le film par sa Némésis Lex Luthor, qui s’est préparé des années à l’affronter. L’un des combats avec les deux sbires de Luthor, l’ingénieure et Ultraman, qui se déroule dans un stade, constitue sans doute l’une des mes meilleures séquences du film, Superman manque de se faire étouffer par des nanotechnologies et réchappe de justesse au piège tendu par ses ennemis. Un autre moment qui fonctionne très bien dans le film, c’est l’évasion de l’univers de poche, qui regorge de trouvailles visuelles simples mais efficaces, notamment celle qui fait de Superman un héros solaire au même titre que Bellérophon ou Gauvain. C’est dans ce lieu à mi-chemin entre la prison panoptique et les enfers grecs que Gunn fait étalage de son savoir faire, avec de l’action qui ne s’arrête jamais, des dialogues bien sentis et une mise en scène nerveuse mais bien dosée.
Un cinéma d’action trop figé
Si le film a des qualités, il ne parvient jamais vraiment à décoller niveau action et à proposer des séquences d’anthologies qui resteront gravées dans les mémoires comme le duel entre Neo et l’Agent Smith dans le premier Matrix ou le très spectaculaire combat entre Spiderman et Dr Octopus dans la saga de Sam Raimi. Globalement, les combats manquent de dynamisme, manquent de chair, on ne ressent pas assez les coups qui se portent à une cadence pourtant effrénée. Il n’y a pas vraiment de prouesse dans le plan, d’instant où le personnage va faire la démonstration de ses capacités tout en étant dans une situation périlleuse. Beaucoup de fans ont adoré la scène où Mr Terrific balaie les soldats de Luthor avec ses drones, pourtant, elle est très paresseuse, trop nonchalante, dépourvue de la moindre tension et reprend à l’identique le modus operandi de Yondu dans les Gardiens de la Galaxie 2. Pour un film qui veut restituer l’humanité de Superman, tout reste trop plastique.
Le wokisme fait vendre?
En ce qui concerne le contenu woke, James Gunn n’a fait que revenir à l’essence du personnage dont on connaît tous l’histoire. Dernier rescapé de la planète Krypton, il incarne ce rêve démocrate de l’étranger venu d’ailleurs qui s’intègre parfaitement à la société américaine et lui offre le meilleur de lui même. C’est l’American Dream en costume. Un grand nombre de ses comic-books affiche un contenu profondément anti-raciste, ainsi, on le voit combattre Hitler, le Ku Klux Klan et promouvoir l’accueil des réfugiés. Il vient souvent en aide aux plus faibles, même s’il n’utilise jamais ses pouvoir pour redistribuer les richesses. Dans l’Amérique de Trump férocement hostile à l’immigration, cet humanisme minimal peut apparaître comme subversif. On note que Luthor est un ersatz des milliardaires de la Silicon Valley, un mélange d’Elon Musk et de Peter Thiel. Il vent des armes à la Boravie, une dictature militaire, et voue une haine implacable à Superman, dont on ne connaîtra jamais les ressorts profonds. Le film nous laisse supposer qu’il est raciste: il refuse de considérer le héros comme un être humain et l’emprisonne dans son univers de poche, d’une façon qui n’est pas sans rappeler les menées de l’ICE, la police migratoire américaine. Mais là où ça devient plus piquant, c’est que Kal-El intervient pour empêcher l’invasion du Jaranhpur, un pays à majorité Arabe, par les troupes de la Boravie, sous la férule d’un despote grotesque. Cette guerre ressemble beaucoup au génocide en Palestine, une armée de soldats suréquipés est sur le point de massacrer des civils avant que le Justice Gang ne leur sauve la mise. Certains y ont vu une critique de la guerre en Ukraine mais les similitudes entre le dirigeant Boravien et Ben Gourion, le premier ministre fondateur de l’État hébreu et fervent défenseur de la colonisation, sont plus que troublantes.
Il est possible que Gunn soit touché par le nettoyage ethnique en cours à Gaza mais il ne faut pas non plus négliger l’aspect marketing de cette prise de position. Il savait très bien que cela allait générer du buzz et que les soutiens d’Israël assurerait la promotion du film en le clashant. C’est donc aussi un geste commercial, sans compter que l’intervention messianique de héros américain en terre opprimée a de quoi faire hausser quelques sourcils.
Verdict:
Quoi qu’il en soit, le film ne restera dans les annales du cinéma qu’en tant que prélude au gigantesque chantier narratif qui attend James Gunn. Dans un contexte où les libertés créatives sont cadenassées, on peut se demander s’il reste encore des possibilités de cinéma dans le genre super-héroïque. Mais Superman a rempli les attentes des producteurs, il a rempli les caisses et se paye le luxe d’être subversif à une époque où la parole est bâillonnée sur Gaza. Cela ne suffit pas à en faire un grand film d’action.
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