Vous reprendrez bien un plan séquence ?

C'était un Lundi soir sur une chaîne du service public. Ma solitude et l'heure tardive de ma rentrée du boulot me poussant à regarder ce que la télévision me propose, c'est sur The Revenant que je jette mon dévolu. Ayant loupé le train l'année de sa sortie et m'en cognant le coquillard de ce film dû à une sur-exposition médiatique, j'avais fait l'impasse sur le visionnage de ce dernier. Sauf que voila, ce Lundi là, je me faisais chier et sans aucune autre volonté que de regarder un film pour débrancher mon cerveau et travailler mon oeil artistique, je me décide enfin, enfin, enfin, à me lancer dans l'aventure Di Capriesque programmée pour lui offrir l'Oscar tant attendu du Meilleur Acteur qu'il aurait du avoir l'année d'avant avec son rôle dans Le Loup de Wall Street, si seulement Matthew McConaughey ne joua pas un rôle de cowboy violent, macho, homophobe, adepte du rodéo, de l'alcool, de la cocaïne et du sexe, est déclaré séropositif au VIH dans l'excellent Dallas Buyers Club.


A noter que ce film est réalisé par la nouvelle coqueluche du cinéma hispanique, le mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu, étoile plus que montante du Septième Art à l'époque. Raflant l'année précedent The Revenant, entre autre, l'Oscar du Meilleur Film et du Meilleur Réalisateur, avec son iconique Birdman tout en plan séquence. Et visiblement, le bougre de Mexico a décidé d'en faire sa marque de fabrique, du plan séquence.


Le film commence sur un plan de Di Caprio dormant avec sa femme et son fils, travelling léger en Top Shot. J'écris Di Caprio avec sa femme et son fils, sans citer les noms des autres acteurs car, à mon sens, ce film à clairement été fait pour que Di Caprio soit le seul maitre à bord de l'oeuvre dans l'unique but de rafler une statuette dorée.

Bref, un préambule onirique et mystérieux, entre maison qui brule, village décimé et femme et enfant mort avec des paroles cabalistiques en fond. Léo nage en plein cauchemar, les cheveux long en pagaille recouvrant son front et un regard à la manière d'un Ryan Gosling jouant l'incompréhension. Puis Paf, on arrive sur un début de plan d'une rivière, apparition du titre du film, sortez les pop-corn, ça va envoyer !


Voici qu'Inarritu lance son chef-d'oeuvre, avec un premier plan séquence nous placant d'emblée dans le décor. Le film se passera dans la nature. La montagne et ses cours d'eau, ses forêts, ses bruits de craquement de bois quand on marche, ses oiseaux qui gazouillent, ses animaux terrestres aussi majestueux qu'énigmatiques, et Di Caprio et sa bande de trappeur contre les indiens. Le plan séquence nous fait découvrir tout en longueur les protagonistes, fusils à la main, tombant nez à nez avec un Cerf grandiose, véritable esprit de la forêt attiré par le charisme de Di Caprio. Et Léo, il va en attirer des animaux dans ce film, de quoi remplir son Pokedex.


Et directement, un point négatif me saute aux yeux : le casting. Sans rentrer dans les détails et sans juger la qualité de chacun, je n'accroche pas avec les personnages qui, selon moi, ressemblent plus à des acteurs hollywoodiens du XXI° devant jouer des trappeurs du XIX° plutôt qu'à des trappeurs du XIX°. Des visages trop mignons, trop tendre. Et des phrasés faussement rustique. Pour le réalisme, on repassera.


Ensuite on est vite submergé par les plans séquences. Les scènes d'actions en plan séquence, les scènes d'avancée en plan séquence, les scènes de dialogue en plan séquence, ce film, c'est Les Plans Séquences pour les Nuls et on pense fortement au cameraman qui devait finir ses journées sur les rotules et des crampes aux bras à forcer de tourner autour des acteurs sur des plans de 3-4 minutes si ce n'est plus. Et c'est au détriment des émotions puisque le montage nous offre une chorégraphie des acteurs plutot qu'un montage avec des plans autres pour aller chercher la sensibilité des comédiens.


L'écriture des personnage ? Le méchant ( Tom Hardy ) est méchant. Raciste de surcroit en plus de vouloir tuer tout ce qui bouge et de n'avoir aucune pitié envers les autres. Le naïf ( Will Poulter ) est naïf. C'est écrit sur son visage enfantin. Le fils ( Forrest Goodluck ) meurt vite, à peine l'occasion de le voir jouer une scène d'enguelade avec Léo. Le chef du village, oh est puis flûte, on s'en cogne du casting. C'est un one man show de Léo le film, pas besoin de se casser la tête avec les personnages secondaires.

Léo, un gentil parmi les rustres, campe le trappeur débrouillard et aventureux qui ne se laisse pas marcher dessus et qui joue son rôle de père à fond. Mais surtout, surtout, Léo attire les animaux et, après avoir croisé par chance la route d'un cerf en début de film. Le voilà rencontrant de manière opportune des bébés Ours pour lancer LA scène du film. Oh non, mais si Léo est à coté de petits ours, un fusil à la main, ne me dites pas que Maman Ours va venir défendre ses oursons ? Dring dring, alerte à la scène téléphoné !

Et Paf, la bagarre entre Léo et Maman Ours. Un combat épique d'un Léo immortel contre un Ours numérique, match équilibré. Ça vaut bien une statuette en plaqué or !

Sans surprise, Léo gagne le match, tue l'Ours et se fait sauver par sa bande avant de se faire abandonner sur son brancard de mort. J'accélère le propos car je vais finir par être aussi long que le film en question qui pèche par son rythme apathique.


Le temps de voir la présence de colon français paillards et grivois, amateur de whisky, la French Touch. Puis quelques plans d'insert d'arbres et de ruisseaux histoire de casser la redondance des plans séquences. Et nous revoilà sur du Léo, fourrure sur le dos à la Jon Snow, rampant pour sa survie, seul et handicapé dans une nature hostile, abandonné par les siens et traqué par les autres. Mais Léo, seul contre tous, nous ébloui de ses compétences en matière de survie. Botaniste quand il s'agit de trouver des racines comestibles et des plantes pour se soigner. Chirurgien quand il s'agit de suturer ses plaies lui même. Pêcheur émérite capable de créer un piège à poisson avec des cailloux dans un ruisseau afin de les attraper quasi à main nu. Le Mike Horn du XIX° nous montre également sa capacité à faire du feu avec des brindilles et un silex. Puis Léo croise aussi des bisons sauvages, parce qu'après les Cerfs et les Ours, il fallait qu'il tombe sur par hasard sur un troupeau de bison pour compléter son inventaire. Bref, Léo nous montre toute la panoplie du parfait survivaliste, le tout en rampant. Et le pire, c'est qu'un Léo qui rampe doit surement aller plus vite que le rythme du film pondu par Alejandro. Que c'est long ...


Les dialogues ne sont pas le point fort du film non plus, en même temps, il y en a peu. Forcement, la majeur partie du temps c'est un Di Caprio solitaire que l'on voit.


Il me restait une trentaine de minute à regarder et j'ai craqué. J'ai craqué et je me suis endormi devant, sans pouvoir admirer la vengeance de Di Caprio sur l'antagoniste Tom Hardy. Aies-je loupé une scène d'anthologie ? Suis-je passé à côté d'un film d'exception ? Ou bien peut-être qu'en fait, j'étais déjà dans un profond sommeil en train de rêver d'un documentaire National Geographic Channel avec Di Caprio en présentateur ? Autant de questions sans réponse.


Pour conclure, un film long, Inarritu ne sachant plus quoi faire d'autres techniquement que des plans séquences, un tapage médiatique non mérité autour de ce film, un scénario prévisible, un casting bof, un Ours en 3D et un Léo qui aurait mérité un Oscar sur tant d'autres films, mais pas celui-la.


Le Revenant, bah j'y reviendrai pas.






Albatu
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le 27 sept. 2023

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