Un baptême de feu dans tout les sens du terme.

En 2020 alors que la crise mondiale du coronavirus bat toujours son plein, le gamer que j’étais et suis toujours ne savait pratiquement rien d’Hidetaka Miyazaki (en dehors du maître de l’animation japonaise Hayao bien évidemment), ni de FromSoftware, ni de la série des Dark Souls, et pas grand-chose des rares critiques youtube du jeu vidéo évoluant de leur côté comme Pseudoless ou le facétieux et un brin grivois Savun. Alors que le cinéphile et fan d’animation japonais que j’étais (et suis toujours là aussi) rattrapais les gros titres sur PS4 en vaquant parfois du côté de titres indépendant aux genres variés comme le metroidvania avec Hollow Knight déjà doté d’une narration visuelle très cryptique ou encore Shadow of Colossus de la team ICO, les gros blockbusters du média tel que Final Fantasy VII Remake ou Batman Arkham Knight ou encore les titres à public de niche comme l’inoubliable bijou qu’est NieR Automata, il m’arrive de tomber sur la couverture d’un jeu aux allures d’épopée sombre et crépusculaire dont la réception extatique et exclamatoire des fans me parvient vite aux oreilles.

Cette couverture est celle d’un chevalier noir avec plusieurs parties de son corps en braise, un décor médiéval grandement caché en arrière-plan avec ses teintes jaunes décolorées et une architecture que l’on peut entrevoir sur la partie inférieure de cette couverture. La curiosité me pousse à lancer le thème principal de ce jeu et à me laisser enveloppé par cette mélancolie vocale dont les chœurs ont un air de fin des temps qui me poussent, ni une ni deux, à demander ce jeu comme cadeau pour mon anniversaire cette même année sans trop savoir dans quoi je vais mettre les pieds, ni même me douter que j’allais devenir un fervent partisan du « Trial and error », et à développer à mon tour une logique que j’appellerais « Keep calm, learn and you’ll be right » qui peut s’appliquer à chacun des titres de la série des Soul’s ainsi qu’à Bloodborne, Sekiro ou encore Elden Ring.

Le lancement de ma première aventure Dark Souls (avec un vétéran de la licence pour me guider dans mes premiers pas) a comme principale qualité d’être frontal, direct et surtout sincère avec le voyage qui attend notre morteflamme fraîchement personnalisé selon nos envies : FromSoftware et Miyazaki ne nous prendront pas par la main de quelque manière que ce soit et le royaume de Lothric en pleine déchéance et dominée par une panoplie extra-large de mort-vivant, monstres, êtres damnés et autres joyeusetés déprimantes nous pousseront vite à prendre conscience de notre faiblesse lorsqu’on débute le périple depuis le cimetière des cendres servant également de lieu de tutoriel et de prise en main de notre avatar.

Les deux premières choses qui nous sautent aux yeux : pas de musique ! Hormis le son de la cloche appelant les morteflammes, le son du vent âcre, les gémissements retentissant des morts-vivants, le son de nos pas au contact du sol et les lames qui tranchent, on ne tarde pas à se sentir très seul et isolé au milieu des 1001 dangers qui nous attendent. On s’étonnera rapidement de voir que de simple vagabonds équipés de couteau ou de lance sont capable de nous faire assez mal, un rappel pour nous dire qu’une vigilance non-stop est nécessaire lorsqu’on découvre une zone et de nouveaux ennemis surtout si on veut éviter un retour de bâton sévère en cas de hardiesse malvenu. La deuxième chose qui nous saute aux yeux, c’est le détail des décors qui a vite fait de capter l’intention des joueurs.

Si graphiquement parlant il n’égalise pas les beautés visuelles que des jeux sortis à la même période comme Final Fantasy XV, Uncharted 4 ou même le remake de Ratchet et Clank, Dark Souls III tire sa grande force de sa direction artistique et du détail faramineux mais jamais gratuit pour les yeux de ses diverses zones et environnement. Par ses choix de couleurs décolorés et mélancoliques et ses panoramas indiquant des lieux que l’on pourra explorer tôt ou tard à force d’obstination, de préparation et surtout de volonté, Miyazaki sait aussi bien inspirer la solitude et la crainte permanente qu’un certain émerveillement dans un monde qui ne demande qu’à être exploré et même à être interprété (mais ça j’y reviendrais).

Les concepteurs se montrent même malin en plaçant souvent des objets en fin de zones qui seront un outil non négligeable lors des combats de boss (pas une solution à tout les problèmes mais des accessoires toujours aptes à apporter un coup de pouce quand on en aura le plus besoin) : tout le monde, je pense (sauf peut-être les plus émérites et habitués à la formule), en a chier face à Ludex Gundyr quand il a fallu faire ses preuves face à ce colosse armée de sa longue lance et sa métamorphose de deuxième phase. Autant dire que ceux qui avait la bombe de feu pour cette deuxième phase ont vu le combat gagner un peu en facilité quand ils en avaient besoin.

De même qu’ils se montrent un brin farceur et tordu à jouer avec les nerfs des joueurs qui découvrent les murs de Lothric sur leur premier jeu FromSoftware : guet-apens derrière un décor destructibles et dans la pénombre, chevalier mort-vivant robuste, chien squelette, carcasse de fantassin gangrené par la substance noire des abysses et prenant la forme d’une tête de corbeau géant, embuscade en zone ouverte, semi-boss placé là ou l’attend pas forcément, labyrinthe purement tentaculaire (moins que dans un Bloodborne), on se désespère vite à claquer aussi souvent pendant une phase d’exploration que face à un boss de zone et à tituber face au gameplay rigide et franchement pas très permissif à nos débuts.

La panoplie de technique qu’on peut choisir d’appliquer est généreuse (pyromancie, magie, épée, lance), idem pour les classes (chevalier, mendiant, pyromancien, mercenaire et j'en passe) ainsi que les attributs à gérer (allant des points de vie jusqu’à la chance, en passant par la foi et la force) mais il est vite recommandé de se spécialiser rapidement dans un ou deux domaines afin de ne pas s’éparpiller ni de regretter la répartition de ses stats ou compétences. Un spécialiste en magie sera par exemple plus en difficulté dans un combat impliquant inévitablement du corps à corps ou un espace renfermé (le combat contre les Diacres des Profondeurs à la Cathédrale des profondeurs doit être simple pour ceux ayant une arme à longue allonge et maniable mais alors avec la magie ou les miracles… putain), tandis qu’un chevalier ou un mercenaire doué avec une armes blanches ou lourdes sera mis à mal par un adversaire habile (les mid-boss au bastion de Farron par exemple). Une possibilité de revoir ses attributs est accordés au joueur, à lui de trouver à quel moment cela se fera. Sans oublier qu'il y a toujours cette notion de poids déjà présent dans les 2 opus précédents : un équipement léger permettra des déplacements rapides et utile face aux ennemis lents et à coups puissants, à l'inverse un surplus d'équipement rendra les roulades disgracieuses et ça se ressent clairement par la manette, et les morts malheureuses voires ridicules ne sont jamais bien loin.

Heureusement, le havre de paix que représente le sanctuaire de Lige-Feu permet d’ouvrir bien des possibilités pour quiconque réussit à remplir l’intérieur de ces lieux totalement libérés de toute menace extérieur (en plus d’être l’une des très rares zones, hors combat de boss, à avoir une ambiance musicale). Tout dialogue avec les marchands que l’on aura su faire venir ou les PNJ passant ici et suivant une quête similaire peut devenir une source d’information importante par la suite, y compris avec un des rares PNJ donnant des détails sur l’histoire du jeu et des seigneurs des cendres que nous avons pour but d’abattre.

Mais là ou Dark Souls III va offrir un parti-pris à double tranchant pour les non-initiés : c’est dans sa narration très fermée qui est infiniment différent de ce que pourrait offrir un bon RPG à la Final Fantasy, ou un action-RPG japonais comme un Xenoblade Chronicles. En dehors de la scène d’introduction sur l’enjeu principal de notre Morteflamme, rien n’est jamais clairement expliqué par du texte, par les PNJ ou par une voix-off et ce ne sont pas les quelques rencontres que nous feront qui aideront à décrypter aisément le lore de Lothric. Deux manières s’impose pour un explorateur : la description des objets avec des informations au compte-goutte et l’architecture des lieux, et c’est là que ça peut très sérieusement fâcher si on a tendance à survoler le descriptif des accessoires en dehors de leurs effets.

Du coup il y a des fortes chances que, plus d’une fois, on échoue à accomplir correctement une quête sans qu’on ne sache pourquoi parce qu’on aura contrarié un autre PNJ (Egon de Carim qui viendra nous foutre sa masse dans la gueule si jamais on nuit à celle qu’il doit protéger), ou parce qu’on aura choisie de suivre une voie qui nous aura fermé la possibilité de suivre une autre (Sirris et Léonhardt), voire même causer involontairement la mort d’un marchand dont vous aviez besoin pour développer vos pouvoirs et compétences à cause d’une décision malheureuse. Cela peut vite devenir très frustrant et même terriblement injuste pour un joueur habitué aux RPG et qui a pour habitude d’être guidé partiellement quand il veut accomplir une quête et découvrir l’histoire d’un monde dans lequel il évolue avec clarté et limpidité. Non ici dans Dark Souls III : tu veux découvrir par toi-même le lore du royaume de Lothric et comment on en arrivé à toute cette merde ? Soit, mais prépare du papier pour la prise de notes et à te poser souvent au sanctuaire de lige-feu pour lire les descriptifs d’objet et à jouer les archéologues, parce qu’on va y passer du temps (et ça c'est si on tente vraiment de découvrir le jeu sans toutes les vidéos sorties sur internet depuis le temps ou même un livre qui décortique tout ça, en 2016 ça devait être un casse-tête digne d'un gros rubik's cube).

Cependant ce parti-pris a un réel avantage : déjà parce que ça obligera les petits malins et trolleurs de compétition à ne pas liquider n’importe qui sous prétexte que cela leur est possible (le forgeron de Lige-Feu et la marchande du sanctuaire sont des soutiens importants et ils vous le feront cher payer si vous vous décider à les tuer sur un coup de tête ; idem pour le pèlerin Yoel de Londor qui réserve une certaine surprise pour ceux qui iront au bout de ses caprices). Mais en plus de cela, cet action-RPG est capable de communiquer les événements du jeu par son atmosphère et l’évolution de son décor de fond lorsqu’on avance dans le jeu : même en restant en territoire obscur et avec un manque d’information clairvoyant sur le détail du lore du royaume qu’on traverse, il y a toujours quelque chose de consistant et de tangible à travers ses décors, les textures des lieux, les ennemis qu’ils dissimulent, la cohérence avec laquelle toutes ces zones sont imbriqués alors qu’ils sont pourtant si différente (Irythill de la vallée boréale, paysage de neige absolument fantastique digne d’un tableau d’art qui nous attend après un long passage absolument cauchemardesque dans les catacombes de Carthus, première fois d’ailleurs ou j’ai vraiment voulu abandonner ma quête tant l’architecture et l’atmosphère sonore me pesaient incroyablement sur la conscience).

On n’a jamais la sensation de sortir du jeu grâce à cet escalade progressive dans l’exploration et l’incroyable pertinence des lieux découvert tout à tour par sa DA démentielle. On passe d’une forteresse déchue à un village en décrépitude et aux coutumes barbares à un marécage lugubre qui nous offre la voie entre une cathédrale solidement cachée dans une voie et le bastion de Farron ou marais toxique sont au programme : cela passe tant par tous les partis-pris cités précédemment que la gestion des couleurs, des éléments de décors, et surtout de la variété des ennemis qui réussissent à faire corps avec leurs environnements et leur cadre.

Solitude, tristesse, regret, destins scellés, peur de la vérité et de ce qu’on ne connait pas, toutes ces sensations décorent notre voyage et les combats de boss qui sont capable de prendre une tournure dantesque redoutable. FromSoftware montre qu’ils ne confinent pas leur jeu à un combat en solo puisqu’ils laissent le choix au joueur, via le mode en ligne, de recourir à l’aide des autres joueurs ou l’invocation des PNJ avec qui l’entente aura su se faire. Et ceux qui pensent que c’est de l’anti-jeu d’invoquer des compagnons pour un combat de boss… vous n’avez pas combattu le roi sans nom au Pic des Dragons (les vrais comprendront). En plus d’être un modèle de level-design et de recéler bien des secrets qui récompensent les explorateurs aguerris.

Quant aux musiques, Motoi Sakuraba présent depuis le tout premier Dark Souls, ainsi que Yuka Kitamura qui a pris racines avec la licence avec le deuxième opus et a contribué à la BO de Bloodborne aux côtés de Tsukasa Saitô et Nobuyoshi Suzuki, n’ont pas non plus ménagé leurs efforts (surtout Kitamura qui a composé la majeure partie des morceaux). Toujours avec cette mélancolie dans l’instrumentation, mais non sans envolée plus épique et donnant un sentiment de drame profond lors de certains morceaux (celui du géant Yhorm et de l’un des derniers duels au cœur de la forteresse de Lothric).

Les influences du jeu sont d’ailleurs évidentes : H.P Lovecraft est évidemment passé par là, mais c’est aussi et surtout le cultissime Berserk de Kentaro Miura qui a servi à construire ce bestiaire monstrueux ainsi que bien des équipements du jeu (pour rappel, Artorias du DLC du premier Dark Souls reprenait l’armure de Berserker de Guts). Cette comparaison va jusque dans le ton de fin d’une ère qui parchemine également le manga de Miura (le Midland n’étant déjà pas une terre d’accueil des plus chaleureux, les vrais savent), et surtout dans la brutalité et la dureté du monde dans lequel évolue ce Dark Souls III qui peut aussi bien être une porte d’entrée pour les nouveaux venus (on peut apprécier un Dark Souls sans forcément être férus de l’histoire de son univers) que les habitués.

Si il n’est pas mon jeu favoris de FromSoftware (Bloodborne et Elden Ring m’ont davantage happé), cette première fois reste inoubliable : Dark Souls III, par sa noirceur évidente, son parcours aussi sanglante que triste d’une efficacité redoutable, sa musique mélancolique et épique, sa beauté artistique unique et son expérience de jeu pouvant prendre de nombreuses formes en fonction des gamers, est à n’en pas douter un très très bon jeu capable de faire hurler de rage mais aussi d’exaltation et de délivrance à chaque grosse victoire acquise. Loin d’être limité à une poignée de joueur élitistes, et bien que difficile d’accès pour les néophytes, il mérite qu’on y plonge à corps perdu quitte à ce qu’on ressort avec quelques séquelles (au sens métaphorique du termes) tant la sensation d’avoir surpassé une grande épreuve est des plus satisfaisantes.

Maxime_T__Freslon
8

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le 9 juil. 2022

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