No pain no game

Hollow Knight: Silksong est un véritable OVNI à plusieurs titres. Un jeu annoncé soudainement après sept années de développement en mode silence radio, créé par seulement trois personnes et vendu pour 20 € alors qu’il propose un contenu titanesque. Il fait également figure d'OVNI sur le plan personnel : rarement un jeu m’aura autant frustré et fait traverser des moments difficiles, tout en parvenant à me fasciner voire m'obséder pendant plus de quarante heures.

J’avais apprécié le premier Hollow Knight, que j'avais terminé sans faire le endgame. J’y avais souffert, surtout au début, car un peu rouillé vis à vis de ce type de gameplay exigeant. Cette fois-ci pour Silksong, je savais donc à quoi m’attendre et j’étais préparé. Et heureusement pour moi car, même avec une solide expérience des mécaniques, le jeu est extrêmement rude dans son premier acte, et je comprends totalement que de nombreux joueurs puissent abandonner en cours de route.

La majorité des défauts du jeu se concentrent d’ailleurs dans ce premier acte.

Premièrement, la progression est laborieuse et l'amélioration du personnage est quasi inexistante pendant au moins 15 heures : l’exploration est très peu récompensée et les améliorations arrivent trop tardivement. Monter en puissance demande un temps infini, et on reste trop longtemps bloqué dans un état de faiblesse frustrant. Je trouve le jeu mal calibré au début, entre notre santé faible, des ennemis qui encaissent 7 ou 8 de coups, des dégâts environnementaux disproportionnés et certains boss qui semblent insurmontables. Un exemple qui illustre ce problème de game design : les boss nous enlèvent 2 points de vie par coup, et on commence avec 5 masques donc on meurt en 3 coups. On récupère un 6ème masque au bout d'une dizaine d'heures, mais finalement pour continuer à mourir en 3 coups contre les boss. Choix étrange de la part des devs qui renforce la frustration du joueur.

On a le sentiment que les devs confondent souvent difficulté et pénibilité. C’est une chose que de se heurter à un mur, et ensuite d’apprendre et progresser jusqu'à le surmonter. C’en est une autre de se sentir puni par des choix sadiques. L'exemple parfait est la zone de Bilesac, avec son enchaînement de mobs insupportables, ses bancs rares ou piégés (!), son backtracking interminable pour atteindre un boss infâme et terriblement long et difficile… On ne prend aucun plaisir durant ce genre de phases, on a juste envie de ne jamais revenir dans la zone, et c'est dommage.

Un autre défaut majeur, qui vaut aussi pour les actes 2 & 3 : certaines quêtes sont trop cryptiques et certains passages cachés presque impossibles à découvrir sans s'aider des forums ou des soluces. Je pense par exemple à la quête pour améliorer son arme, qui est pourtant vitale, ou encore les conditions requises pour accéder à l’acte 3, qui sont super complexes et qui ne sont mentionnées nulle part. C’est dommage, car ça casse un peu le rythme de la progression naturelle du jeu.

J'ai pris beaucoup de temps pour étaler les défauts du jeu, et on pourrait penser qu'ils m'ont gâché l'expérience, et pourtant je ressors de Silksong exalté et subjugué par mon aventure. Le monde 2D est je pense le plus abouti jamais créé, il est totalement interconnecté et fourmille de secrets en tout genre. Rarement un univers ne m'aura autant donné envie de l'explorer dans ces moindres recoins. La direction artistique est splendide, la bande-son mélancolique et envoûtante sublime l'exploration et les combats de boss. Le gameplay, exigeant et nerveux, est d’une richesse incroyable. Le maniement d’Hornet devient incroyablement jouissif et satisfaisant : au fil des heures on se sent plus habile, plus précis, plus puissant. C'est cette méta progression qui rend nos victoires particulièrement grisantes : ici l'expérience n'est pas glanée à travers la progression du personnage mais plutôt par nos propres skills. Les boss de l'acte 2 sont bien plus difficiles que ceux de l'acte 1, et pourtant j'ai eu le sentiment de beaucoup plus galérer sur les premiers que sur les derniers, à part quelques exceptions. Certains affrontements de boss sont atroces (Groal, Volpest...), mais d’autres sont mémorables (la Veuve, le fantôme, le duo mécanique...).

J’ai bouclé l'acte 2 après environ 35 heures de jeu, je ne pense pas avoir l'énergie pour me lancer dans le challenge de l'acte 3. Mais il faut se rendre compte du contenu titanesque proposé à un prix dérisoire. A mes yeux Silksong dépasse largement le premier Hollow Knight. Plus difficile, certes, mais aussi plus riche, plus beau et plus audacieux malgré ses défauts. C’est un jeu que je ne recommanderais pas à tout le monde, mais pour les joueurs avertis c'est une expérience exceptionnelle, qui je pense finira par rester comme étant l'un des plus grands monuments du jeu-vidéo.