Lire Baudelaire c'est pour moi ouvrir la boîte de Pandore : libérer l'univers des rêves, des fantasmes les plus fous, s'immerger dans un voyage des sens où "Tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté", où dans une "Vie antérieure", mollement assoupis dans leur chaude langueur, de bruns éphèbes vous rafraîchissent le front avec des palmes.
Et que dire de ces Poèmes en prose où éclate, avec plus de force encore et de vérité, le génie d'un artiste, d'un peintre de la vie, de la mort, de l'amour et bien sûr des femmes ou plutôt de la femme baudelairienne, cet être mi-ange mi-démon, ce soleil noir, sorcière attirante et dangereuse qui séduit l'homme, exerçant sur le poète une fascination complexe et duelle.
Dans son petit front habitent la volonté tenace et l'amour de la
proie, cependant au bas de ce visage inquiétant où des narines mobiles aspirent l'inconnu et l'impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d'une grande bouche, rouge et blanche et
délicieuse, qui fait rêver au miracle d'une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique...
Poème inspirant et inspiré, merveilleusement pictural, le Désir de peindre traduit l'idéal des Fleurs du mal, "miracle" de cette beauté exceptionnelle éclose dans un terrain aride, sorte de Diane chasseresse à la fois divine et animale, visage inquiétant où le rire a quelque chose de satanique, mais bouche délicieuse dans laquelle on a envie de s'oublier au risque de se perdre.
Il y a des femmes qui inspirent l'envie de les vaincre et de jouir d'elles, mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.
Admirer, abdiquer, se laisser aller, savourer avec délices ce total délire des sens éblouis, s'en repaître jusqu'à plus soif et lentement mourir d'amour sous ce regard qui "inspire le mystère et illumine comme l'éclair."