Cinq ans plus tôt, Arthur Penn sortait en salle son Bonnie and Clyde, véritable démonstration de la force d'un couple uni contre tous. Avec ce Getaway, Sam Peckinpah s'inscrit très clairement dans les pas du réalisateur de The Chase. Pourtant, si le synopsis peut sembler de premier abord assez proche, le propos du film de 1972 est tout autre. Le réalisateur nous présente une vision du couple plus sombre et bien pessimiste.


Le film est marqué par un très grand classicisme. Chaque scène peut être comparée avec une autre tout au long de l'œuvre. S'agissant du couple entre Carol et Carter (interprété par un Steve McQueen magistral), la première scène de retrouvailles faussement sincères dans un environnement idyllique fait écho à la véritable scène d'union du couple dans un lieu plus dégradant, comme si la confiance ne pouvait naître que dans la crasse. De la même façon, la recomposition brutale du couple principal est parodiée tout au long du récit avec le road-trip grand-guignolesque entre le vétérinaire, la blonde vulgaire et le mexicain truand. A ce titre, on peut une nouvelle fois déceler toute la misogynie du réalisateur (que l'on avait déjà pu entrevoir dans La Horde Sauvage) : c'est la tromperie originelle de Carol qui entraîne Carter dans cette poursuite infernale (pendant laquelle l'amant sera d'ailleurs tué) ; ce sont également les ébats sordides et sans retenue de la petite amie du vétérinaire avec leur kidnappeur qui vont amener le pauvre homme en détresse à prendre une décision dramatique.


Sur la forme, la mise en scène et la construction du récit sont très bien pensées. Si certains passages surprennent par leur étrangeté (on pense notamment aux ébats amoureux dans le fleuve à la sortie de prison de Carter), les scènes d'actions, bien que n'étant pas révolutionnaires, demeurent efficaces.


C'est d'ailleurs le reproche général que l'on peut faire à ce Getaway. Certains procédés techniques, bien que très efficaces dans leurs effets, sont très attendus. A ce titre, la télévision diffusant La chevauchée fantastique quelques instants avant une tuerie parfaitement mise en scène nous indique avec un peu trop de voyants que l'on va assister à une échauffourée digne d'un western. Tout cela manque quel que peu de finesse.


On en vient même à regretter que le scénario ne soit pas davantage corrosif. Le dénouement en happy end nous laisse vraiment sur notre faim. Le film aurait sûrement gagné à se conclure à la façon d'une tragédie grecque. On se surprend presque à en vouloir très sérieusement à Sam Peckinpah de s'être complètement lâché gratuitement contre les femmes tout au long de l'action pour au final nous servir une morale aussi fadasse. C'est d'autant plus dommage que sa réalisation, assez simple de prime abord, se révèle d'une grande efficacité et nous fait passer un très bon moment.

Kevin_R
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le 24 févr. 2016

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Kevin R

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