Les attentes étaient très basses au vu de l’innommable purge dopée au nostalgia-porn mal digéré qu’était Dominion. Même si la mention de Gareth Edwards me poussait à y croire, je n'osais pas le faire. Et c’est finalement par la comparaison à tous les films de la franchise sortis depuis The Lost World que Rebirth brille. Par un nivellement vers le bas, je me suis retrouvé satisfait à la sortie de la séance, alors que plus les heures passaient, plus je remettais en question ce que j’avais vu. Si je ne me suis pas ennuyé, je n’ai jamais été transporté. Rebirth est au final un objet creux, conçu à la va vite, mais qui a le bon goût de ne pas prendre son public pour des cons, et où apparaissent quelques idées mémorables. Pas inoubliable donc, mais un grand pas pour la franchise qui, depuis le sinistre troisième épisode de Joe Johnston, n’a fait que s’enliser progressivement jusqu’à pondre un navet méritant tous les pires qualificatifs avec Dominion.
Il est donc probable que, heureux de voir des dinosaures traités convenablement, je sois indulgent dans ma critique malgré les tares apparentes du projet.
Scénaristiquement, ce n’est pas la panacée. Le nom de David Koepp, scénariste sur Jurassic Park, a été utilisé dans la promotion, mais si sa filmographie comporte effectivement d’autres pépites (de Carlito’s Way en passant par Panic Room, Spider-Man ou War of the World), elle est aussi émaillée de pas mal de ratés (The Mummy version Tom Cruise, les adaptations de Dan Brown et autres Mortdecai). Et c’est sans parler de ses réalisations boiteuses (Stir of Echoes, Secret Window…). Ce qui laisse à penser que le bonhomme est bon lorsqu’il travaille pour un réalisateur chevronné. Et dans le cas de Gareth Edwards, si j’apprécie ses films ils sont également perclus de défauts que l’on ne saurait occulter malgré la qualité du spectacle. Sur la carrière en dents de scie de Koepp, on est plutôt dans le creux de la dent. Ce n’est pas par hasard si les meilleures scènes de Rebirth sont au final des morceaux coupés sur les précédents film ou directement issus des romans de Crichton. On pensera notamment à la scène de la descente de rivière, point fort de tout le métrage.
On a donc une mécanique de survival/slasher où les victimes et l’ordre dans lequel elles vont se faire becter est connu d’avance. Les personnages sont archétypaux, sans profondeur aucune. Ils ne sont que des fonctions aux échanges creux, naviguant dans un scénario prétexte à base de McGuffins qui ne cachent pas leur inspiration vidéoludique (le dino de l’eau, celui de la terre et celui de l’air, comme autant de temples dans un Zelda). Ils ont cependant l’avantage de ne pas être complètement crétins ou insupportables comme ce fût le cas sur les 4 derniers films. Même l’adolescent schlag, que l’on pense irritant au début, finit par trouver sa place comme comic relief inoffensif.
On appréciera que les dinosaures ne soient pas réduits à des monstres mais soient souvent renvoyés à leur qualité animale. Entre la scène des titanosaures (bancale mais pas ineffective), la découverte du T-Rex et sa curiosité quant aux humains, ou encore la petite bestiole dont s’entiche la gamine sans que celle-ci ne devienne une mascotte, Rebirth laisse la place à un sentiment organique. Une composante essentielle pour que, parfois, surgissent des moments tendant vers l’émerveillement, pourtant au cœur de l’expérience proposée par Spielberg à l’époque.
Sentiment organique que vient contrebalancer le mutant final, sorte de rancor croisé à un béluga. Un ajout complètement dispensable qui fait retomber le dernier du quart du film dans les travers de la trilogie Jurassic World. Peut-être par une obligation de continuité. Mais là encore, contrairement au risible Indominus Rex qu’affrontait Chris Pratt, superprédateur conscient des caméras à vision thermique de ses opposants, le mastodonte de Rebirth n’est pas une arme surpuissante mais une hybridation grotesque, une expérience ratée, qui renvoie plutôt aux créatures difformes de Alien: Resurrection. C’est déjà plus louable et moins hors de propos que le clonage humain de Fallen Kingdom ou entomologique de Dominion.
Là où mes craintes pesaient également, c’était sur la surabondance de fan service. Et mis à part la revisite de la scène des raptors dans la cuisine ou de la course de Ian Malcolm fusée éclairante en main (même si pour ce dernier exemple, on pourrait faire le lien avec les flares du HALO Jump de Godzilla, bouclant la boucle dans les références intra et extra franchises à gros lézards sur lesquels a bossé Edwards), c’était plutôt discret. Une mention d’Alan Grant ici, une bannière “When dinosaurs ruled the Earth” là... Et surtout un renvoi au plafond de la voiture de Lex et Tim dans le volet fondateur lors de la scène du raft que j’ai trouvé plutôt bienvenu, comme un sympathique clin d'œil sans forcing alla Jurassic World premier du nom qui se contentait de reproduire à l’identique.
Mais ce fan service, aussi discret parvienne-t-il souvent à être, n’en reste pas moins l’aveu d’un manque d’inspiration. Rebirth est incapable de proposer du neuf. Le premier tiers marin rappelle toute l’imagerie de Jaws ou des scènes de baleiniers de Avatar: The Way of Water, mais en moins bien. Et c’est bien là le souci, c’est que tout n’est que rappel.
Si Rebirth constitue indéniablement le meilleur épisode de la franchise depuis The Lost World, c’est bien parce que la concurrence est assez pitoyable. L’écriture est bâclée (la production a été très rapide, poussée en précipitation par Universal) et l’originalité absente. C’est un peu le syndrome Alien: Romulus. On passe un moment agréable, mais on en ressort avec un sentiment de déjà-vu. Du divertissement sous forme de patchwork d’influences, avec quelques idées de mise en scène et des enjeux absents.