La saga de l'Inspecteur Harry, bien que culte, s'est avérée particulièrement inégale : la qualité des films ont viré du trépidant au nanar, le personnage de Harry a vite été tourné au ridicule et les scénarios ne tenaient pas souvent la route, trop intéressés à faire évoluer — ou inversement — le caractère de son modèle de héros.
Pour ce premier opus, l'histoire est originale, violente, sombre, avec cette Némésis atypique qu'est Scorpion (inspiré par le vrai Tueur du Zodiaque) jette un réel froid dans le dos, véritable malade mental aussi méthodique que dérangé... Ses méfaits font vraiment glaçants : tirer sur une personne au hasard et ce chaque jour, puis prendre en otage un bus scolaire. C'est osé, irrévérencieux et dénué d'une quelconque pitié pour la race humaine. Le personnage de Harry le Charognard est, lui, sympathique dans cette première mouture : glacial, totalement réac', presque raciste et aux méthodes expéditives déjà peu appréciées par ses supérieurs.
Il incarne le héros reaganien par excellence avec la classe incommensurable que l'on connait d'Eastwood, qui retrouve pour l'occasion Don Siegel pour la troisième fois après Coogan's Bluff, Sierra Torride et Les Proies. Et si la mise en scène du réalisateur américain reste particulièrement soignée, force est d'admettre que le film a assez mal vieilli sur pas mal de points : la violence graphique de l'époque ne fait plus effet, accentuée par un sang aux airs de bonne vieille gouache carmin, et la musique funky de Lalo Schifrin enlève autant de crédibilité qu'elle ne reste ancrée dans le style musical typique des années 70.
Reste de cette première mouture une péripétie violente, décomplexée et radicale et une introduction en trombe pour le flic le plus taciturne du cinéma américain, L'Inspecteur Harry étant un très bon polar nerveux et bien ficelé, début d'une franchise dégommée au fils des âges.