L'État du Wyoming tire son nom d'algonquin, mot amérindien signifiant "lieu de grande prairie". Et de terrains agricoles, il sera tout d'abord question dans cette Chevauchée des bannis. Blaise Starrett (interprété par un Robert Ryan quel que peu fatigué mais tout à fait charismatique), mi-fermier mi-pistolero, apprend que Hal Crane, dont il a des vues sur sa femme, souhaite installer une clôture en fil de fer barbelé tout au long de sa propriété. S'en suit une forte tension au sein de ce gîte d'étape entre trio amoureux et plaidoyers pour le droit de propriété.
Finalement, alors que tout aurait pu se régler facilement et rapidement sur fond sonore de bouteille brisée, ce sont des truands perdus et harassés qui vont mettre un terme à ces différends un tant soit peu infantiles. Bruhn, ancien officier de cavalerie à la morale assez obscure, interdit toutefois à ses hommes d'approcher les femmes et de boire.
La tension continue de s'accentuer alors que la frustration des hommes ne fait que s'accroître au contact de ces femmes plus sensuelles et charmantes les unes que les autres. Et c'est là toute la force de ce dernier western du réalisateur austro-hongrois : le non-dit. Très peu d'échanges de tirs sont filmés, encore moins de contacts charnels sont montrés mais la fureur interne de chacun des protagonistes est parfaitement exprimée avec une force décuplée.
Point notable à souligner également pour le genre, La Chevauchée des bannis n'est pas vraiment une œuvre manichéenne. Le personnage principal l'avoue le premier, la frontière morale qui le différencie des assaillants est très faible. C'est sûrement tout l'intérêt de ce western hivernal : c'est bien d'humanité dans toute sa complexité dont il est question, nullement de mythes pompeux. La photographie lumineuse vient d'ailleurs symboliquement offrir la rédemption à chacun des pourchassés, les corps sombres et sales étant en quelque sorte purifiés par la neige qui les recouvre sans que rien ne puisse s'y opposer.
Dommage que la musique ne soit pas du même niveau que l'image et que le réalisateur n'ait pas eu davantage de moyens financiers. On notera également que la seconde partie du film, filmée de façon sublime en décors naturels, maintient à merveille la tension accumulée au village mais est tout de même de moins bonne facture que ce qui précédait.
Point d'orgue de l'œuvre, la dernière scène en extérieur est tout simplement sublime et montre toutes les qualités du borgne derrière la caméra. Impossible non plus de ne pas mentionner ce bal dansant du samedi soir complètement hallucinant, mélangeant café, petits gâteaux et mâles frustrés en quête désespérée d'excès de femmes et de whisky.