L’idée de sortir en 2025 une adaptation du roman de Stephen King paru en 1979 semble couler de source tant ce qui y est raconté résonne particulièrement bien avec notre actualité. L’histoire se déroule ainsi à une époque non spécifiée mais faisant suite à une guerre civile américaine qui a mené à un effondrement économique et la prise du pouvoir par un régime autoritaire. A priori, alors que les rassemblements type No King (aucun lien avec Stephen) commencent à prendre de l’ampleur Outre-Atlantique tandis que Trump communique des vidéos en IA de lui larguant littéralement de la merde sur les manifestants tout en renforçant les déploiements de la garde nationale dans les villes bastion démocrates, on peut se dire que l’on est pas loin de la première phase de la dystopie du film de Francis Lawrence.


Un réalisateur qui avait déjà fait ses armes sur une propriété intellectuelle à succès traitant de gladiateurs modernes sacrifiés pour distraire la plèbe de sa misère en mettant en scène quatre des films Hunger Games. A croire qu’il y a trouvé une vocation, et que cette fois-ci, avec un matériau moins teenage, il est en mesure de faire passer son point de vue. Pas par sa réalisation, non, celle-ci restant assez plate, mais par le scénario de King qui met en opposition les choix de vie de chacun dans une situation d’oppression.


Car la marche jusqu’à la mort, outre son côté high concept aguicheur surfant sur tous les Battle Royale et autres Running Man (en attendant la version Edgar Wright dans quelques semaines) qui peuplent la pop culture, n’est évidemment que métaphorique. Ce cheminement forcé dans un monde sans espoir, sous la coupe d’une dictature, est celui de la pensée du condamné pour qui les horizons sont paradoxalement bouchés. Le huis clos mobile que constitue l'œuvre devient alors un forum où les citoyens tentent de justifier leur participation à cette épreuve, volontaire sur le papier mais forcée dans les faits, de rationaliser l’acceptation de leur sort, jusqu’à un constat sans appel.


Car si le personnage de McVries tente un temps d'apaiser la pensée insurrectionniste et violente de Ray par la définition d’une ligne à ne pas franchir pour pouvoir continuer à donner valeur à la vie, il se rendra finalement compte que survivre n’est pas vivre, et que courber l’échine pour grappiller quelques miettes ne fait que répéter un inlassable cycle de servitude. Alors lorsqu’il prend l’arme dans ce final surprenant où tout se stoppe, pour la première fois en plus d’une heure et demie, permettant ainsi de faire un état des lieux de sa conscience et de ce qu’il doit faire, il fait feu sur cette figure autoritaire déshumanisée jusque dans son anonymisation de Mark Hamill. Il appelle à la révolte, et à cesser de tendre l’autre jour, dusse-t-il finir martyr.


Il est aisé de connecter The Long Walk avec les sorties récentes de Civil War ou One Battle After Another tant les portraits qu’ils dressent de l’Amérique contemporaine sont similaires et désabusés. Et si le premier se contentait d’observer, que le second refusait de résoudre ses enjeux macros (car bien trop complexes) pour se concentrer sur l’intime, ce dernier est sans détour par sa dimension allégorique : le sytème doit tomber.


Je n’ai pas lu le roman originel, mais j’ai cru comprendre que l’on était assez proche dans cette adaptation. Les lauriers reviennent donc à King, le film étant lui-même trop académique dans sa forme pour que le fond thématique impacte vraiment malgré sa pertinence. Seul le mouvement perpétuel permet de créer une rythmique, mais celle-ci est hélas ralentie par un déroulé narratif trop convenu qui ne loupe aucune étape des attendues. Dommage.


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le 23 oct. 2025

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Frakkazak

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