Parcours littéraire 2025
Première année de suivi complet
80 livres
créée il y a 27 jours · modifiée il y a 1 jourAu commencement était... (2021)
Une nouvelle histoire de l'humanité
The Dawn of Everything: a new History of Humanity
Sortie : 10 novembre 2021 (France). Essai, Histoire, Culture & société
livre de David Graeber et David Wengrow
Gilead a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(31 août)
Publié en 2021, fruit d’un travail de près de dix ans, Au commencement était… de David Graeber et David Wengrow se présente comme une réponse directe aux récits simplificateurs de l’histoire humaine, en particulier au succès mondial de Sapiens de Yuval Noah Harari. Là où ce dernier proposait une fresque linéaire et séduisante, Graeber et Wengrow choisissent la complexité, l’ambiguïté et l’incertitude.
Leur objectif est clair : démonter les mythes qui continuent à structurer notre vision du passé. Entre le « bon sauvage » de Rousseau — âge d’or de l’humanité corrompu par la civilisation — et la vision hobbesienne d’une humanité primitive violente et brutale, pacifiée par l’ordre social, nous restons prisonniers de deux récits réducteurs qui orientent encore aujourd’hui nos représentations politiques. Ces mythes, loin d’être de simples fictions anciennes, agissent comme des carcans idéologiques : soit la nostalgie d’un paradis perdu, soit la résignation au statu quo.
Les auteurs entreprennent donc de multiplier les contre-exemples, puisés dans les découvertes archéologiques et anthropologiques les plus récentes, principalement en préhistoire et en antiquité. Leur thèse est que nos ancêtres n’étaient ni de simples brutes, ni des enfants innocents de la nature, mais qu’ils avaient déjà une richesse de réflexion et d’expérimentation sociale équivalente, voire supérieure, à la nôtre. Ils montrent aussi que les Lumières européennes doivent beaucoup au choc de la rencontre avec les Amérindiens, dont les critiques du vieux continent ont contribué à bouleverser les certitudes de l’époque.
Cependant, l’ambition se retourne parfois contre le livre lui-même. La démonstration, claire et stimulante au départ, finit par se perdre dans une accumulation d’exemples et de sous-exemples qui donnent une impression de dispersion. Les auteurs reconnaissent eux-mêmes que les sources sont fragmentaires, et certaines interprétations apparaissent fragiles ou conjecturales. Leur orientation politique — Graeber étant une figure intellectuelle anarchiste — transparaît nettement, soulevant la question : les matériaux choisis ne sont-ils pas biaisés pour confirmer une grille de lecture préétablie ? Et malgré la volonté de casser les récits dominants, n’y a-t-il pas tout de même une tendance de fond, une trajectoire globale, qui explique le monde où nous vivons aujourd’hui ?
Malgré ces limites, l’ouvrage reste passionnant. Il ne livre pas une vérité définitive, mais oblig
Le Pnume (1970)
Cycle : Tschaï vol. 4
The Pnume
Sortie : 1971 (France). Roman, Science-fiction
livre de Jack Vance
Gilead a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(30 août)
Quatrième et dernier tome du cycle Tschai, Les Pnumes marque la conclusion d’une saga foisonnante où Jack Vance alterne entre exploration, action et invention anthropologique. Ici, le ton revient davantage à celui du premier volume : moins de suspense haletant que dans Le Dirdir, mais davantage de voyage, de découvertes et d’échanges.
Les Pnumes, ultime espèce mystérieuse de Tschai, se dévoilent comme des êtres souterrains, calmes et analytiques. Ils se comportent tels des archivistes ou des conservateurs de musée, observant le monde extérieur sans chercher à intervenir, témoins d’une histoire millénaire où races et civilisations se succèdent et disparaissent. Leur conception du temps et de l’existence tranche radicalement avec les autres peuples rencontrés.
Une grande partie du roman se déroule dans ce monde souterrain, donnant à l’intrigue une atmosphère plus introspective. La rencontre entre Adam Reith et une jeune femme pnume (humaine intégrée dans leur société) devient l’occasion d’un échange de visions du monde : le héros en pédagogue, elle en élève curieuse. Cette relation, cependant, reste parfois un peu maladroitement écrite et manque de profondeur, ce qui affaiblit l’impact narratif.
À l’opposé, la découverte du peuple Tang apporte une touche satirique et grotesque. Escrocs professionnels, ils vivent d’arnaques permanentes : jeux truqués, vols à la tire, enlèvements, jusqu’à proposer des laxatifs pour mieux faire payer ensuite l’accès aux toilettes. Vance excelle ici dans l’humour grinçant et la caricature sociale.
La conclusion, en revanche, laisse un goût mitigé. Tout se résout dans un dernier chapitre expéditif, presque précipité, comme si l’auteur, pressé d’en finir, refermait la saga sans lui donner l’ampleur qu’elle méritait. Là où l’on pouvait attendre une synthèse grandiose de tout l’univers de Tschai, on trouve une fermeture rapide, efficace mais frustrante.
En définitive, Les Pnumes reste un tome important par sa dimension plus philosophique et contemplative. Il ne possède pas la tension dramatique du troisième, ni la fraîcheur de découverte du premier, mais il complète le cycle en offrant un dernier regard sur la planète et sur les multiples visages de l’humanité. Une conclusion imparfaite, mais qui confirme la richesse et la singularité du voyage imaginé par Jack Vance.
Le Feu (1916)
(Journal d'une escouade)
Sortie : novembre 1916. Roman
livre de Henri Barbusse
Gilead a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(27 août)
Dans le prolongement de ma lecture des Thibault, j’ai voulu poursuivre mon exploration de l’histoire de France à travers les romans consacrés à la Première Guerre mondiale. Quoi de mieux, pour commencer, que Le Feu d’Henri Barbusse, Goncourt 1916, publié en pleine guerre et fruit du témoignage direct d’un volontaire de 41 ans, déjà écrivain, engagé volontaire au front par conviction politique et morale.
Mon sentiment est mitigé. La narration repose sur une double strate : d’un côté, une polyphonie de voix de poilus, rendue par un phrasé phonétique et un argot foisonnant, cherchant à restituer la diversité sociale et régionale de ces soldats déracinés ; de l’autre, une prose d’observateur où le narrateur adopte un ton froid, descriptif, presque clinique. Cet effort de réalisme a sans doute une grande valeur documentaire, mais il rend la lecture difficile et crée un décalage : entre l’accent rugueux des dialogues et les descriptions soutenues, le texte reste souvent à distance, presque glacé.
Le dernier chapitre tranche : enfin, la voix de Barbusse se fait entendre, dans un message porteur d’utopie et d’espérance. La guerre y devient le ferment d’un idéal pacifiste et quasi mystique : la fraternité universelle entre Français et Allemands, la promesse d’une démocratie authentique, la « der des ders ». Mais ce lyrisme, aussi courageux qu’audacieux pour 1916, résonne aujourd’hui d’un optimisme naïf, à l’aune de la suite du siècle (Seconde Guerre mondiale, totalitarismes).
Plus qu’un véritable roman, Le Feu ressemble parfois à un inventaire de la vie au front : l’attente, la faim, le courrier, la fissure avec l’arrière protégé par la censure, les rapports ambigus avec les civils, la soumission aux ordres absurdes, l’exécution des déserteurs, le remplacement mécanique des morts. Tout concourt à montrer l’inhumanité de la guerre, la réduction de l’homme à un rouage. L’absence de glorification est totale, Barbusse allant jusqu’à rêver de détruire le musée militaire pour couper court à tout culte des armes.
On comprend dès lors pourquoi le livre a marqué son époque : en plein conflit, offrir une telle dénonciation avait valeur de choc, un contre-discours face aux récits officiels et à la propagande. Reste que, sur le plan littéraire, la froideur du style et la lourdeur de la restitution linguistique m’ont laissé à distance.
Une lecture importante, mais ardue, qui m’incite à poursuivre mon exploration avec d’autres témoins de 14-18 — Genevoix (Ceu
Le Dirdir (1969)
Cycle : Tschaï vol. 3
The Dirdir
Sortie : 1971 (France). Roman, Fantasy, Science-fiction
livre de Jack Vance
Gilead a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(27 août)
Dans ce troisième tome, Jack Vance poursuit son exploration des espèces dominantes de Tschai en s’attachant cette fois aux Dirdir. Contrairement aux Chasch, qui reposent sur une perception olfactive exacerbée, ou aux Wankh, régis par leur esprit collectif et leur vision infrarouge, les Dirdir apparaissent comme des prédateurs suprêmes. Spécialistes de la chasse, héritiers d’anciennes bêtes fauves, ils incarnent une civilisation à la fois tribale et d’un égoïsme farouche, mais dotée paradoxalement de la technologie la plus avancée de la planète.
Ce tome marque un léger basculement par rapport aux deux précédents : l’exploration passe au second plan pour laisser place à un récit tendu, centré sur la quête d’argent et les redoutables chasses organisées par les Dirdir. Le suspense est constant : on sait que les protagonistes survivront — le genre l’impose —, mais Vance réussit malgré tout à maintenir l’incertitude, à multiplier les rebondissements, et à entretenir le désir irrépressible de tourner les pages.
Quelques détails marquants enrichissent ce volume : la remarque sur une planète où tout le monde parle la même langue, comme si Babel n’y avait jamais eu lieu, ou encore la critique sociale de la grande cité industrielle, grouillante d’indifférence et de calculs égoïstes, qui fait écho à nos propres sociétés modernes.
Le Dirdir confirme ainsi la richesse du cycle : derrière le vernis d’un roman d’aventures palpitant, Vance dresse une métaphore acerbe de l’humanité et de ses dérives, sans jamais sacrifier le souffle narra
Le Wankh (1969)
Cycle : Tschaï vol. 2
Servants of the Wankh
Sortie : 1971 (France). Roman, Fantasy, Science-fiction
livre de Jack Vance
Gilead a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(24 août)
Dans ce deuxième tome du cycle, Jack Vance poursuit son exploration de la planète Tschai en approfondissant son univers foisonnant. Le récit s’ouvre sur un discours à tonalité quasi religieuse, véritable clé pour comprendre la vision du monde qui structure la saga — et qui rappelle que le héros, déjà formé et sûr de lui, n’est pas un adolescent en quête d’identité mais un homme d’action aux convictions établies.
On y découvre les Yao, peuple marqué par des influences asiatiques et régi par un code strict de noblesse et de maintien, ainsi qu’une myriade d’autres peuplades humaines. Après le développement consacré aux Chasch dans le premier tome — ces êtres reconnaissables à leur perception olfactive exacerbée —, ce sont ici les mystérieux Wankh qui passent au premier plan, se déplaçant et communiquant par écho, à la manière des chauves-souris. Chaque peuple est décrit avec une inventivité remarquable, renforçant l’impression d’un monde à la fois riche, crédible et cohérent.
À l’image du premier tome, dont il prolonge directement l’esprit, La planète des Wankh ne faiblit jamais. L’action, encore plus soutenue, enchaîne les péripéties et les paysages avec une efficacité sans temps mort, sans tomber dans l’écueil de la répétition.
Jack Vance confirme ici sa maîtrise : un roman d’aventure haletant, dépaysant, qui conjugue exotisme, invention anthropologique et souffle narratif. Une suite digne du premier tome, qui donne irrésistiblement envie de poursuivre le cycle.
Les Déracinés (1897)
Le roman de l'énergie nationale, tome 1
Sortie : 1897 (France). Roman
livre de Maurice Barrès
Gilead a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(21 août)
Premier tome de la trilogie de L’Énergie nationale, Les Déracinés est aussi souvent lu comme un roman autonome. Rédigé en 1897, il porte la marque de son auteur : Maurice Barrès, figure majeure mais controversée, écrivain de la droite nationaliste et connu pour ses positions antisémites. On sait donc d’emblée dans quel terreau idéologique on met les pieds.
Le roman suit sept jeunes Lorrains quittant leur province pour Paris, guidés par l’enthousiasme de leur professeur républicain, fervent défenseur de la morale kantienne.
Chacun des personnages incarne un archétype bien précis de l’époque, et l’on peut les regrouper en trois tendances : les idéalistes, les matérialistes issus des milieux les plus modestes, et un groupe hybride oscillant entre les deux.
Le cœur du propos réside dans les conséquences du déracinement. Arrachés à leur terre d’origine, les jeunes découvrent les séductions et les dangers de la capitale. Sans surprise, ce sont les plus pauvres qui paient le prix fort, contraints jusqu’au meurtre pour survivre. Le désenchantement culmine dans le cynisme de leurs camarades concluant qu’« on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs » sur le chemin de la réussite.
Barrès règle ses comptes avec la République opportuniste, les banquiers, l’éducation ou encore la religion : nul n’échappe à son vitriol. La France qu’il décrit apparaît morcelée, incapable de s’unifier, même dans la jeunesse censée incarner son avenir.
Le style, souvent pompeux, alourdit la lecture, et certaines idées paraissent aujourd’hui nauséabondes. Pourtant, çà et là, surgissent de véritables éclairs de lucidité : des passages sur la création d’un journal ou sur le fonctionnement politique témoignent de l’expérience concrète de Barrès et résonnent encore.
En définitive, Les Déracinés est un roman en demi-teinte : contestable par son idéologie, parfois pesant par sa prose, mais précieux pour qui veut comprendre la vision de la société française qu’offrait un nationaliste de la fin du XIXᵉ siècle.
Le Chasch (1968)
Cycle : Tschaï vol. 1
The Chasch
Sortie : 21 janvier 1999 (France). Roman, Fantasy, Science-fiction
livre de Jack Vance
Gilead a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(21 août)
Premier volet de la célèbre quadrilogie Tschai, ce roman de Jack Vance, publié en 1968, est désormais considéré comme un classique de la science-fiction.
On y suit Adam Reith, unique survivant d’une expédition terrienne, contraint d’explorer la planète Tschai, monde foisonnant peuplé de races extraterrestres puissantes (les Chasch, les Wankh, les Dirdirs, les Pnume) et de multiples communautés humaines, souvent asservies ou transformées par leurs maîtres aliens.
La grande force du livre réside dans cette construction d’univers : chaque peuple est doté de sa culture, de ses mœurs et de son système de valeurs, offrant une richesse anthropologique digne des meilleurs récits d’exploration.
Contrairement aux récits initiatiques, le héros n’est pas en quête de lui-même : Reith est déjà mûr, pragmatique, et sa mission est claire — survivre et, à terme, offrir aux humains de Tschai une forme d’émancipation. On sent là un écho aux débats de l’époque sur la fin des empires coloniaux et les tensions idéologiques des années 1960.
Vance reste cependant avant tout un conteur d’action : les péripéties s’enchaînent à un rythme soutenu, sans temps mort, dans un style précis et efficace. S’il n’approfondit pas toujours la psychologie, l’auteur compense par l’exotisme et l’inventivité de son monde.
Ce premier tome se lit comme une grande aventure dépaysante, à la fois divertissante et porteuse d’une réflexion implicite sur la domination et la liberté.
Un début solide, qui donne envie de poursuivre le cycle pour voir jusqu’où Vance pousse cette fresque à la fois baroque, aventureuse et critique.
Le Jour des fourmis (1992)
Sortie : 1992 (France). Roman, Science-fiction
livre de Bernard Werber
Gilead a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(19 août)
Fort du succès du premier tome, Bernard Werber publie cette suite à Les Fourmis seulement un an après.
On y retrouve la même construction tripartite : le récit du côté des humains, celui des fourmis et, en contrepoint, les extraits de l’« Encyclopédie du savoir relatif et absolu », qui servent de passerelles entre les deux mondes.
Cette structure, comme dans le premier tome montre ici ses limites : l’alternance entraîne parfois une baisse de rythme et quelques longueurs.
Mais l’enjeu dépasse la simple observation du monde des fourmis : Werber en fait une vaste métaphore de l’humanité, multipliant les parallèles avec la religion (inquisition, croisades, rituels funéraires, utopies sociales), et donnant au récit une portée allégorique.
L’arrière-plan mystique est renforcé par les extraits encyclopédiques, qui oscillent entre aphorismes philosophiques (« vis le présent », « accepte-toi tel que tu es ») et petites curiosités érudites sur l’histoire ou l’origine des mots. Parfois éclairants, parfois un peu convenus.
On assiste ainsi à une véritable synchronisation entre les deux univers, miroir permanent entre société humaine et société fourmi.
Le roman reste un divertissement solide, riche en idées, mais moins percutant que le premier. Il esquisse néanmoins une réflexion sur notre propre avenir collectif et, peut-être, inspira plus tard d’autres récits de science-fiction, comme ceux de Liu Cixin (Les fourmis et les dinosaures).
Le Nouvel Antichristianisme (2007)
Entretiens avec Marc Leboucher
Sortie : 1 juin 2007. Entretien
livre de René Rémond
Gilead a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(15 août)
Publié en 2005, à l’occasion du centenaire de la loi de 1905, le nouvel antichristianisme se présente sous la forme d’un entretien vif et accessible avec René Rémond, historien reconnu, notamment pour son grand essai sur les droites en France. En un peu plus de 150 pages, l’auteur interroge les formes modernes de l’anticléricalisme et de l’hostilité au christianisme, un siècle après les affrontements idéologiques de la IIIᵉ République.
L’intérêt principal de l’ouvrage est de dresser une typologie claire des critiques adressées au christianisme :
l’anticléricalisme politique, désormais affaibli ; l’anticatholicisme culturel, nourri par la mémoire des erreurs de l’Église (Inquisition, croisades, compromissions) ; l’athéisme rationaliste qui récuse toute transcendance ; et enfin une critique morale, centrée sur la liberté individuelle, notamment sexuelle, que l’Église paraît brider.
Plutôt que de balayer ces accusations, Rémond adopte une posture équilibrée : il reconnaît les fautes historiques de l’institution, mais insiste sur la nécessité de distinguer foi et excès cléricaux.
Surtout, il plaide pour une foi éclairée par la raison, capable de dialoguer avec la modernité et de répondre sans crispation aux enjeux contemporains (montée de l’islam, bioéthique, rôle de l’Église dans l’espace public).
Cet ouvrage, bref mais dense, offre ainsi une réflexion pondérée et lucide sur la place du christianisme au XXIᵉ siècle. Il ne prétend pas épuiser le sujet, mais donne des outils pour comprendre et nuancer les discours hostiles, en rappelant que la critique du christianisme reste souvent marquée par des simplifications ou des héritages idéologiques.
Les Thibault, III
L'Été 1914 (Suite et fin) - Épilogue.
Roman
livre de Roger Martin du Gard
Gilead a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(15 août)
Dernier tome de la trilogie, L’Été 1914 (1936) suivi de l’Épilogue (1940) couronne l’œuvre monumentale qui valut à Roger Martin du Gard le prix Nobel de littérature en 1936. Véritable fresque des tensions idéologiques et politiques du début du XXe siècle, ce roman témoigne avec une acuité rare du climat d’avant-guerre et de ses lendemains, écrit dans l’entre-deux-guerres avec, en toile de fond, l’ombre montante de la Seconde Guerre mondiale.
Dans une prose fluide et maîtrisée, l’auteur cisèle ses personnages au scalpel. Les deux frères, si différents, se livrent sans fard, jusque dans leurs pensées les plus intimes, sans que jamais l’auteur ne porte de jugement moral.
Les figures féminines, d’abord centrées sur leur vie intérieure et les préoccupations personnelles d’avant-guerre, se transforment avec le conflit : leur rôle élargi devient un vecteur d’émancipation qu’elles ne veulent plus abandonner.
Jacques poursuit sa lutte pour la paix, animé par une forme d’héroïsme atypique, hors des cadres.
Mais c’est Antoine qui bouleverse le plus : gazé, condamné, il rédige un journal empreint de doutes, de réflexions sur la transmission et l’approche de la mort. Des pages d’une justesse universelle, intactes malgré les décennies.
Un tome indispensable pour comprendre comment une guerre peut ébranler une génération, ses idées et sa vision du monde
La France avant la France (481-888)
Sortie : 15 février 2011 (France). Culture & société, Histoire, Essai
livre de Joël Cornette, Charles Mériaux et Geneviève Bührer-Thierry
Gilead a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(14 août)
Ce premier tome démonte l’image d’un « âge sombre » post-Empire romain pour lui préférer celle d’une lente fusion entre héritages romains et apports barbares, prélude au Moyen Âge.
L’ouvrage met en lumière l’ascension de l’Église, devenue omniprésente dans la vie des hommes, du baptême à l’enterrement, et alliée incontournable du pouvoir franc.
Les Carolingiens, habiles à intégrer les aristocraties locales dans l’orbite royale, trouvent cependant leurs limites dans la fragmentation dynastique, source de rivalités.
L’« atelier historique » final éclaire les difficultés d’une histoire fondée sur des sources rares et souvent réécrites, tout en montrant combien le récit historique a été instrumentalisé : des Mérovingiens tantôt glorifiés pour servir la monarchie, tantôt effacés au profit des Gaulois par la Troisième République car trop ancré dans la religion (combat de la laïcité). La place des femmes, bien que sous tutelle ecclésiastique, reste centrale dans la cohésion familiale et spirituelle.
Fidèle à la réputation de la collection Belin, ce volume se distingue par son sérieux et son effort pour dépasser les visions idéologiques. Il rappelle que toute relecture du passé reste teintée de notre présent.
La Tempête des échos (2019)
La Passe-Miroir, tome 4
Sortie : 28 novembre 2019. Roman, Jeunesse
livre de Christelle Dabos
Gilead a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(14 août)
De la complexité de conclure une saga
Entre la volonté de répondre de manière rationnelle et claire à toutes les pistes ouvertes, et celle de laisser subsister une part de mystère, ce dernier tome a au moins le mérite d’éviter la classique « fin heureuse » attendue dans ce type de littérature, que l’on qualifierait trop vite de « jeunesse » alors que les thématiques abordées — guerre, complots, contrôle des populations, censure — sont bien plus adultes. La saga explore différentes formes de gouvernements : matriarcat sur Anima, patriarcat au Pôle, pouvoir bicéphale à Babel.
On retrouve bien sûr le motif de l’émancipation et du passage à l’âge adulte : l’acceptation de son corps et de son essence, non seulement pour l’héroïne, mais aussi pour l’ensemble des personnages. L’humanité elle-même est invitée à s’accepter et à se comprendre afin de bâtir un monde pacifié après la réunification, en apprenant les uns des autres.
L’ensemble reste bien écrit, même si certains passages manquent de fluidité et empêchent ce tome d’atteindre la cohérence et l’équilibre des précédents.
L'Arlésienne (1960)
Sortie : 1960 (France).
livre de Alphonse Daudet
Gilead a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(8 août)
L’Arlésienne d’Alphonse Daudet, ancrée dans une Provence baignée de soleil, cache sous ses couleurs méridionales l’ombre tragique d’un drame intime. Ce qui frappe, ce n’est pas tant l’action — relativement simple — que la puissance sourde de l’émotion : l’amour idéalisé, inaccessible, qui consume jusqu’à pousser au geste irréversible. Daudet y montre la cruauté d’un cœur en proie à une passion projetée, façonnée plus par le rêve que par la réalité.
La pièce souligne aussi la loi tacite selon laquelle la nature, comme la vie, déteste le vide : à la perte d’un enfant succède la révélation d’un autre, resté dans l’ombre. Cet “innocent”, invisible jusque-là, devient par contraste le porteur d’une tendresse nouvelle, offrant un fragile baume à la blessure béante. Entre fatalité amoureuse et recomposition affective, L’Arlésienne révèle que l’absence, parfois, crée autant qu’elle détruit.
Les Fourmis (1991)
Sortie : 14 mars 1991. Roman
livre de Bernard Werber
Gilead a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(8 août)
Sur la forme, bien que ce soit son premier roman publié, Les Fourmis présente une structure narrative déjà bien construite. Elle rappelle celle de Le Père de nos pères, avec plusieurs histoires parallèles qui finissent par se recouper. La difficulté réside dans le fait de maintenir toutes ces intrigues au même niveau d’intérêt et de cohérence. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas, et le rythme connaît des variations marquées, avec une impression de "dent de scie".
Sur le fond, il est difficile de savoir quelle part de ce qui entoure les fourmis relève de la réalité ou de la fiction. On est souvent tenté de faire preuve d’incrédulité, mais cela permet justement de mieux plonger dans l’univers proposé.
L’histoire reste un divertissement sympathique, qui, malgré une qualité littéraire parfois inégale, soulève des questions intéressantes. Pourquoi l’homme cherche-t-il toujours à regarder vers le haut — les étoiles, les extraterrestres, les nouvelles technologies (IA qui restera au final de l'agrégat d'intelligence humaine et donc on ne pourra pas transcender la pensée humaine) — alors qu’il suffirait de baisser les yeux pour adopter une perspective différente ? Peut-être que notre orgueil nous en empêche : après tout, nous nous disons que ce ne sont "que" des insectes.
Spoiler
Concernant l’intrigue, certains éléments manquent de crédibilité. Je pense notamment à la situation des pompiers et gendarmes coincés dans les sous-sols : il est difficile d’imaginer qu’ils acceptent leur sort sans révolte, sans volonté de retrouver leurs proches. Ce ressenti intérieur — cette résignation presque passive — semble peu réaliste, à moins que ce soit un choix narratif volontaire pour servir un propos plus large. Mais en l’état, cela affaiblit la tension dramatique.
Notre joie (2021)
Sortie : 15 septembre 2021 (France). Essai
livre de François Bégaudeau
Gilead a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
( 7 août)
Deuxième incursion dans l’univers de Bégaudeau après Histoire de ta bêtise, où il s’attaquait à la gauche bourgeoise « bien-pensante » et à l’extrême centre, en décortiquant les mécanismes idéologiques à partir de son référentiel communiste.
Dès les premières pages de Notre joie, on retrouve un terrain familier : un style foisonnant, digressif, presque organique, qui semble suivre le fil de sa pensée plus qu’un plan structuré. Ce n’est pas une démonstration linéaire, mais plutôt une stratification de réflexions, de concepts, de provocations, comme si l’auteur nous invitait à penser avec lui, en direct.
Cette fois, Bégaudeau s’attaque à une série de notions contemporaines : le couple paradoxal libéral-autoritaire, le refus de se situer sur l’échiquier politique, ou encore l’idée que l’identité est une volonté d’identique. Il explore ces thèmes en les confrontant à des événements récents (comme la crise du Covid), tout en appliquant son scalpel critique à ses propres biais et à sa propre vision du monde.
Il y a dans cette lecture une forme de plaisir coupable, celui de voir les idées dominantes mises à nu, déconstruites avec une verve presque nietzschéenne. Bégaudeau ne cherche pas à convaincre, mais à désenfumer, à retirer le voile sur les illusions du discours dominant, pour mieux nous ramener à une lecture plus précise du réel.
Les Thibault, II
La Mort du père - L'Été 1914
Roman
livre de Roger Martin du Gard
Gilead a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(04 août)
Ce deuxième tome poursuit brillamment la fresque familiale entamée dans le premier volume. La mort du père marque un tournant majeur, traité avec une intensité rare. Peu de récits, depuis La Mort d’Ivan Ilitch, parviennent à exprimer avec autant de justesse l’effroi face au néant, tout en explorant les répercussions sur les proches — entre soulagement, confrontation intime et miroir de leur propre finitude.
La seconde partie du roman s’ancre dans l’été 1914, à la veille de la Grande Guerre. Roger Martin du Gard y déploie une galerie de points de vue, allant des milieux socialistes aux cercles bourgeois, souvent aveugles aux bouleversements à venir, trop absorbés par leur confort et leur quotidien. Mais à mesure que le récit avance, la réalité historique s’impose, et les personnages commencent à prendre conscience de l’ampleur du drame qui se profile.
L’écriture reste d’une grande finesse, portée par une introspection toujours juste et nuancée. L’auteur parvient à mêler l’intime et le collectif avec une élégance rare, donnant à ce tome une profondeur humaine et historique remarquable.
On ne peut qu’espérer que le troisième tome soit à la hauteur de cette réussite.
La Mémoire de Babel (2017)
La Passe-Miroir, tome 3
Sortie : 1 juin 2017. Roman, Jeunesse
livre de Christelle Dabos
Gilead a mis 7/10.
Annotation :
(3 août)
Changement de cadre pour ce tome, le personnage continue de s'épaissir et d'évoluer, un bon petit divertissement
La musique classique pour les Nuls
Sortie : 8 mars 2006 (France). Vie pratique
livre de David Pogue
Gilead a mis 8/10.
Annotation :
(3 août)
Un livre complet pour s'initier à la musique classique
Les grands compositeurs par époque, les différents types de morceaux (avec une analyse pour comprendre la structure des œuvres) les classiques à écouter de manière progressive ainsi qu'une description des instruments en passant par le rôle du chef d'orchestre.
Délivrances (2015)
God Help the Child
Sortie : 20 août 2015 (France). Roman
livre de Toni Morrison
Gilead a mis 7/10.
Annotation :
(30 juillet)
Comment arriver à s'aimer et aimer les autres malgré différents traumatismes dans l'enfance.
Les Disparus du Clairdelune (2015)
La Passe-Miroir, tome 2
Sortie : 29 octobre 2015. Roman, Jeunesse, Fantasy
livre de Christelle Dabos
Gilead a mis 7/10.
Annotation :
(28 juillet)
Même veine que le premier, sympathique
La France républicaine
La France républicaine
Sortie : 3 mars 2017 (France). Essai
livre de Michel Winock
Gilead a mis 10/10.
Annotation :
(28 juillet)
Livre éclairant du génial Winnock sur l'histoire politique en France retraçant les différents courants de droite et de gauche depuis la Révolution française, qui permet d'avoir du recul et de mieux comprendre ce qui se joue actuellement.
L'Abolition
Sortie : août 2000 (France). Essai
livre de Robert Badinter
Gilead a mis 8/10.
Annotation :
(28 juillet)
Un peu une redite avec son livre l'Exécution mais toujours pertinent de suivre l'évolution de ce combat important avec en parallèle l'arrivée au pouvoir de Mitterand.
Les Thibault I
Le Cahier gris · Le Pénitencier · La Belle saison · La Consultation · La Sorellina
Roman
livre de Roger Martin du Gard
Gilead a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(26 juillet)
Ce premier volet de la saga des Thibault nous plonge dans l’univers de deux familles bourgeoises du début du XXᵉ siècle, l’une catholique, l’autre protestante. À travers cette dualité religieuse et sociale, Roger Martin du Gard esquisse les tensions d’une époque en mutation, où les repères traditionnels commencent à vaciller.
Le roman s’attache particulièrement à la jeunesse, à l’adolescence, et au passage vers l’âge adulte. L’opposition au père, la remise en question de l’autorité et la lente érosion de la place de la religion dans la vie des personnages sont autant de thèmes finement explorés. L’auteur excelle dans l’introspection : les pensées et les dilemmes des protagonistes sonnent juste, avec une sensibilité qui rend leur évolution profondément humaine.
Si le style peut paraître sobre, il sert parfaitement le propos : une peinture psychologique et sociale nuancée, sans emphase inutile. Ce premier tome pose les bases d’une fresque familiale et intellectuelle ambitieuse, où l’individu se confronte aux structures qui l’entourent.
La femme de ménage se marie
Sortie : 21 mai 2025 (France). Roman
livre de Freida McFadden
Gilead a mis 1/10.
Annotation :
(24 juillet)
Indigent
Les Fiancés de l'hiver (2013)
La Passe-Miroir, tome 1
Sortie : 6 juin 2013. Roman, Jeunesse, Fantasy
livre de Christelle Dabos
Gilead a mis 7/10.
Annotation :
(22 juillet)
Bon divertissement pour jeunesse malgré une noirceur bien réel.
La femme de ménage voit tout (2024)
Sortie : 2 octobre 2024 (France). Roman
livre de Freida McFadden
Gilead a mis 3/10.
Annotation :
(18 juillet)
il faut aimer souffrir
Gilles (1939)
Sortie : décembre 1939 (France). Roman
livre de Pierre Drieu la Rochelle
Gilead a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(17 juillet)
Le style est moins travaillé que celui de Lucien Rebatet, mais ce livre reste pertinent dans la mesure où l’on est véritablement plongé dans les pensées d’un fasciste qui tente d’être le plus honnête possible avec lui-même — ou du moins de se convaincre de cette honnêteté. Les propos ne sont pas particulièrement réjouissants, mais ils permettent de mieux comprendre le narratif sous-jacent de cette idéologie : les fantasmes médiévaux, la litanie de la décadence, cette volonté de guerre et d’autodestruction comme moyen de se sentir vivant.
Le Pays des autres (2020)
Sortie : 5 mars 2020. Roman
livre de Leïla Slimani
Gilead a mis 7/10.
Annotation :
(14 juillet)
Premier tome de la trilogie, lu à rebours après avoir commencé par le deuxième puis le troisième volume. Je l’ai trouvé un peu moins pertinent, même si on retrouve bien la patte de l’autrice. On pourrait croire qu’elle éprouve davantage de difficulté avec cette époque, qu’elle n’a ni vue ni vécue directement, et qu’elle raconte à travers la mémoire d’un tiers.
La Peste écarlate (1912)
The Scarlet Plague
Sortie : 1924 (France). Roman
livre de Jack London
Gilead a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(14 juillet)
Roman post-apocalyptique de Jack London, porteur comme toujours de bonnes idées, mais qui reste quelque peu en surface. La conclusion, assez classique, repose sur l’idée d’un cycle éternel : la roue tourne, et l’humanité retombe dans ses travers. Le récit évoque une humanité tricéphale, composée du guerrier, du mystique et du roi — une vision symbolique mais qui aurait mérité d’être davantage approfondie.
Soit dit en passant (2020)
Autobiographie
Apropos of Nothing
Sortie : 3 juin 2020 (France). Autobiographie & mémoires
livre de Woody Allen
Gilead a mis 5/10.
Annotation :
(11 juillet)
L’autobiographie de Woody Allen se révèle intéressante par moments, notamment lorsqu’il aborde son procès — un épisode souvent méconnu du grand public. Bien qu’il adopte une posture qui peut sembler celle du juge et de la partie, sa version des faits paraît cohérente lorsqu’on prend le temps de creuser. Le récit souffre cependant de nombreuses longueurs, nourries par une nostalgie propre à son âge avancé, qui s’attarde longuement sur ses jeunes années. En revanche, il passe assez rapidement sur ce qui constitue pourtant l’essentiel de sa notoriété : sa filmographie.